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Réforme de la dépendance le PS au milieu du gué

Par Rauch Frédéric , le 01 février 2011

Réforme de la dépendance le PS au milieu du gué

Opposé déclaré au projet de réforme de la dépendance de l’UMP, le Parti socialiste a introduit dans le programme de sa « Convention du Parti socialiste pour l’égalité réelle » un volet sur la dépendance qui définit le cadre d’une reconfiguration de la prise en charge de la dépendance et constitue aujourd’hui sa position nationale (cf. discours de Martine Aubry du 22 février 2011).

Ce texte revendique de répondre à l’ensemble des besoins liés à une perte d’autonomie par un service public approprié et une démarche volontariste visant à accompagner les individus en situation de perte d’autonomie. Cependant cette proposition socialiste de service public de l’autonomie reste faible et porteuse de dangers.

Un programme pour la prise en charge de la dépendance en opposition affichée au projet de réforme de la droite

Avec la parution du rapport Rosso-Debord, la droite a posé ses marques d’une réforme de la dépendance.

Postulant que la compétitivité des entreprises doit être le primat de l’action publique, et qu’en conséquence, cette dernière doit réduire la voilure de sa dépense sociale, elle propose en substance de limiter le péri- mètre de couverture socialisée de la prise en charge de la dépendance et de remplacer progressivement cette prise en charge collective par une prise en charge individuelle appuyée sur une couverture assurantielle obligatoire dès 50 ans.

Cette substitution du marché à la solidarité, qui rem- place le droit par le contrat, entérine le principe que chacun ne soit plus couvert selon ses besoins mais selon ses moyens.

Opposé déclaré à cette vision, le Parti socialiste a introduit dans le programme de sa « Convention du Parti socialiste pour l’égalité réelle » (1), un volet sur la dépendance (2) qui se veut à la fois une proposition de contrepoids à la position de l’UMP et un appel à une reconfiguration de la prise en charge de la perte d’autonomie.

Ainsi, face au contrat d’assurance prévoyance indivi- dualisé de la droite, le PS propose un principe de droit universel à compensation de la perte d’autonomie. An- ticipant sur le vieillissement de la population, ce droit universel viserait à assurer la prise en charge solidaire, de la perte d’autonomie tout au long de la vie.

Deux préalables structurants à ce droit universel sont alors formulés : homogénéiser les systèmes de com- pensation de perte d’autonomie (invalidité, PCH et APA) et lever la barrière des 60 ans pour l’assurer tout au long de la vie. L’intention étant de partir de la réalité des situations de perte d’autonomie, et non des catégories administratives a priori qui les qualifient et qui aboutissent à l’exclusion de certaines situations de perte d’autonomie.

Partant du constat que chaque situation est particulière et que la perte d’autonomie concerne des aspects mul- tiples de la vie quotidienne,  le PS prône la construction de réponses personnalisées aux situations des personnes concernées, adaptables aux réalités de leur parcours de vie. Cette adaptabilité serait assurée par des Maisons départementales de l’autonomie qui construiraient la coordination des acteurs et des bénéficiaires, comme le font aujourd’hui les MDPH pour le handicap. Ce nou- veau service public garantirait à tout âge de la vie, pour chaque personne dépendante, un panier de soins et de services appropriés aux situations et aux désirs de chacun et qui reconnaîtrait  le rôle des aidants familiaux.

Revendiquant le rôle de l’État comme garant de la solidarité nationale, le PS s’oppose à un financement strictement assurantiel de ce nouveau droit universel. Il formule un financement à deux étages : un socle de base universel assuré par la solidarité nationale et une couverture complémentaire ou optionnelle issue du champ assurantiel-mutualiste.

Et pour anticiper les financements supplémentaires à venir face à l’évolution des besoins, le texte propose le rétablissement d’un droit de succession sur les pa- trimoines les plus élevés, la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, ainsi qu’un alignement des taux d’imposition de tous les retraités.

Une proposition pour « un grand service public de l’autonomie », qui reste politiquement et structurellement limitée

Ce texte prétend répondre à l’ensemble des besoins liés à une perte d’autonomie par un service public appro- prié et une démarche volontariste visant à accompagner les individus en situation de perte d’autonomie. Et au premier regard le néophyte de gauche s’y reconnaît :« droit universel à compensation », « solidarité nationale » et « service public de l’autonomie ».

Mais en réalité, une lecture attentive du projet socialiste révèle de nombreux dangers.

Certes, la proposition de création d’un guichet et d’un interlocuteur uniques ainsi que l’exigence d’un haut niveau de compensation de la perte d’autonomie sont incontournables pour la réponse aux besoins des personnes en situation de perte d’autonomie. Mais à aucun moment ce texte ne va plus loin. Il ne porte pas traces d’un véritable renversement des valeurs permettant d’ouvrir la brèche d’un changement de civilisation. Or c’est bien là tout l’enjeu de l’autonomie des personnes.

En se posant de manière institutionnelle au travers de la création des MDA, la proposition se réduit à une réponse de compensation de la dépendance et de coordination des dispositifs publics et privés existants, articulée à l’invention d’un nouveau risque social : la perte d’autonomie. Elle enferme la perspective et le niveau de cette réponse dans les contraintes budgétaires de la politique publique et la structure autour d’une prise en charge effective à deux vitesses.

Ainsi, le « grand service public » annoncé se résume à l’élargissement des compétences et du rôle des Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) aux pertes d’autonomie relevant de l’invalidité et du grand âge ; et le service rendu, à un accompagnement des personnes dépendantes dans leur parcours de vie et/ou en une compensation de leur perte d’autonomie. Une proposition qui ne tient pas compte du constat d’insatisfaction  générale à l’égard des MDPH.  Plus chères pour le contribuable  local, elles n’ont pas fait à ce jour la démonstration de leur efficacité sociale (3) en matière de handicap.

Quant au « nouveau droit universel », s’il se prétend « nouveau pilier de la sécurité sociale », il prend en réalité la forme d’une compensation des incapacités quotidiennes des individus (4) répondant à un risque social inventé pour l’occasion (5), dont les caractéristiques sont aujourd’hui déjà assumées par la sécurité sociale et les collectivités départementales,  mais qui sera alors assurée par la « Société » (6).

Dès lors, ce qui allait de soi dans ce texte du PS ne va plus et plusieurs questions se posent.

Comment interpréter cette volonté d’« homogénéisa- tion des systèmes de prise en charge actuels (invalidité, PCH, APA) » et la « levée de la barrière des 60 ans » ? L’invalidité, la PCH et l’APA répondent à des acteurs et des logiques différents, des modes de calcul différents et des populations spécifiques. La première renvoie à une indemnisation financière résultant d’une réduction de la capacité de travail de la personne suite à un accident ou une maladie d’origine non professionnelle. Elle est assurée par les régimes d’assurance sociale (Sécurité so- ciale, État et autres) selon l’origine professionnelle de la personne, son calcul se fait sur la base du salaire ou trai- tement perçu, et elle est prise en compte dans le calcul du montant de la pension de retraite. Les deux autres renvoient à une allocation devant servir à assumer un certain nombre de besoins vitaux de la vie courante des personnes handicapées ou âgées et dépendantes. Leur montant est calculé, pour la PCH, sur la base du coût de certaines dépenses vitales de la personne dépendante évalué par l’équipe de la MDPH, et pour l’APA, sur la base d’une classification administrative et sanitaire, la grille AGGIR, dans laquelle est inscrite la personne âgée dépendante à partir de 60 ans. Dans ces deux cas, le financeur principal est le département.

Pourquoi alors vouloir imposer une logique de com- pensation du handicap à l’ensemble des personnes en perte d’autonomie qui délégitimera l’intervention de la Sécurité sociale dans la prise en charge initiale et coordinatrice de la perte d’autonomie, en renforçant le flou des critères de prise en charge  ?

De même, la volonté d’abandonner toute référence à un ensemble de droits existants  assis sur des situa- tions de perte d’autonomie objectives ouvrant droit à indemnisation ou compensation jette l’ambiguïté sur la proposition visant à mettre en œuvre « des réponses personnalisées et l’élaboration de parcours de vies adaptés et adaptables ». Car la démarche introduit un grand risque de flexibilité dans la faculté et le niveau de la prise en charge par la solidarité nationale. Com- ment en effet, dans un contexte de restriction de la dépense publique sociale et face à des besoins qui iront croissants, ne pas voir dans cette « adaptabilité » de la réponse publique, un outil permettant aussi d’ajuster le niveau de la dépense publique pour la dépendance à la capacité financière et budgétaire de l’État, qu’il soit centralisé, déconcentré ou décentralisé ?

De la même manière, pourquoi vouloir associer « la garantie tout au long de la vie d’un panier de soins et de services » à ce nouveau service public de l’autonomie ? Les pathologies de la dépendance  sont prises en charge par l’assurance maladie. Faut-il y voir l’intention d’or- ganiser un parcours de soins spécifique pour la perte d’autonomie ? Et donc, paradoxalement, la volonté de faire de la dépendance une « pathologie » à part entière, identifiable par tous les acteurs potentiels de la prise en charge (assurance maladie et complémentaires), relevant d’un protocole médical particulier ouvrant sur une classification PMSI particulière des soins associés visant, d’une part, à inscrire sa prise en charge dans la politique de maîtrise médicalisée des dépenses de santé, d’autre part, à créer de futurs « groupes  homo- gènes de dépendance » pour assurer une facturation des établissements sur la base d’une T2A autonomie, et, dans tous les cas, à structurer le secteur d’activité pour y laisser entrer les investisseurs  privés  ? Ce qui inscrirait la prise en charge de la dépendance dans une politique de rationnement de la dépense avant même de répondre aux besoins des personnes.

Sur le fond, tout dans ce texte semble proposer une modification en profondeur de l’architecture  de la prise en charge de la perte d’autonomie contradictoire avec les valeurs d’égalité et d’universalité portées par les concepteurs de notre sécurité sociale , et finalement aussi avec l’esprit de solidarité qui se dégage au premier abord de la proposition socialiste.

Contradictions  présentes d’ailleurs toutes entières dans les impasses du texte.

Figeant l’approche de la lutte contre la perte d’auto- nomie sous l’angle de la réponse compensatrice d’allocation d’une « perte d’autonomie constatée », la proposition socialiste la définit comme un fait contre lequel on ne peut rien, mais que « la société »  doit réparer dans la mesure de ses moyens par une réponse ciblée et individualisée.

Or dans ce schéma, il n’y a pas de place pour une réelle politique publique de l’autonomisation des personnes. L’intervention publique préventive contre le risque de perte d’autonomie est implicitement « hors champ ».

L’organisation économique et sociale du pays n’inter- vient pas comme un paramètre des problématiques de la perte d’autonomie.Il ne faut pas s’étonner alors de ne rien trouver dans ce projet sur les problématiques de santé publique liées à la perte d’autonomie. Il n’y a rien sur les conditions de travail, environnementales ou alimentaires. Rien non plus sur la lutte contre certaines formes de dégénérescence génétique liées à l’âge (aucune connexion avec la recherche par exemple). Et enfin rien sur la prise en compte sociale de la perte d’autonomie : pas de proposition particulière sur les conditions de vie générales des personnes en situation de perte d’autonomie (logements adaptés, aménagement urbain adapté, transports adaptés…).

Plus surprenante est l’absence d’évocation du monde associatif. Les associations sont devenues sur le terrain le supplétif de l’action publique à force de désengage- ments répétés de l’État. Elles sont, à la fois, porteu- ses d’une dynamique d’innovation dans la prise en charge et à l’origine de difficultés majeures dans son amélioration (en particulier sur la qualité de la prise en charge). Tout inciterait au contraire à interroger leur rôle dans le cadre d’une politique publique active de la prise en charge de la dépendance. Confrontées à une réduction de leurs financements publics, elles sont asphyxiées. Ne peut-on pas imaginer de les transformer elles-mêmes en service public ou de les inscrire dans une démarche de coopération au service public afin d’améliorer  le niveau de leurs interventions  auprès des publics concernés (formation, etc.) ? Une politi- que publique d’envergure de la dépendance devrait associer la capacité à vivre dignement  sa vie à toutes les problématiques  d’accessibilité des personnes en perte d’autonomie et à celles des prises en charge sanitaire, médicale et médico-sociale.

Mais c’est dans les propositions de financement que cette contradiction est la plus éclatante.

Alors que le texte s’oppose clairement à un financement assurantiel privé du dispositif, il ouvre sur la possibilité d’un financement à deux étages : un étage public et un étage optionnel privé (7). Or les travers de ce type de financement laissant entrer le loup dans la bergerie sont aujourd’hui parfaitement identifiés. C’est l’assurance d’une inégalité dans la prise en charge de la perte d’autonomie qui renvoie à l’inégalité des conditions économique, sociale et territoriale des personnes en situation de perte d’autonomie ou de leurs familles. Et c’est l’assurance d’une subordination  du niveau de prise en charge solidaire aux arbitrages politiques des majorités en place en matière de dépense publique. Ce mode de financement dual n’échappe pas plus que le financement strictement privé à la constitution d’une prise en charge de la perte d’autonomie à 2 vitesses.

La proposition socialiste avance aussi la constitution de ressources supplémentaires  principalement par la fusion CSG/impôt sur le revenu (8) et par l’alignement des taux d’imposition des retraités. Deux mesures sin- gulièrement injustes. Pour la première, elle conforte le désengagement des entreprises du financement de la perte d’autonomie alors qu’elles en sont en partie responsables (conditions de travail et d’emploi). Elle entérine un financement de la perte d’autonomie essen- tiellement fondé sur les revenus des ménages y compris des plus pauvres. Et elle renforce les déséquilibres fi- nanciers de la Sécurité sociale en faisant disparaître près de 90 milliards d’euros du financement de la Sécurité sociale qui seront remplacés par des dotations d’État de compensation dont on connaît la flexibilité et la faculté de rationnement. Pour la seconde, elle réside dans l’augmentation globale du taux d’imposition des retraités, à savoir que les retraités se paieront  au moins en partie eux-mêmes le financement de leur perte d’autonomie (9) ! Tout comme le propose l’UMP.

Enfin, et c’est peut-être là l’essentiel de cette philo- sophie financière, en renonçant une fois encore à un financement assis sur les richesses produites  par le pays (la sécurité sociale) au profit d’un financement assis principalement sur les revenus des ménages (la fisca- lité), la proposition socialiste participe au transfert de charge sur les ménages des instruments de la politique sociale. à l’instar de la droite et conformément aux exigences du patronat, elle exonère la sphère écono- mique de ses responsabilités  à l’égard de la société en participant à son autonomisation de l’ordre public social. Elle fait de la politique sociale le résultat d’une relation exclusive entre l’État et les ménages et non une affaire de la Nation toute entière.

En fait, même s’il faut en attendre la version finale, ce projet nous place une fois de plus face à un Parti socialiste englué dans ses contradictions.

Alors que l’enjeu de l’autonomisation constitue un levier majeur du changement social, le PS reste de nouveau au milieu du gué, entre une intention assise sur des valeurs effectives de solidarité et la soumission à un cadre marchand considéré implicitement comme indépassable. Et de nouveau, cet abandon de perspec- tive novatrice le conduit à prôner un changement de paradigme dans sa conception de la politique publi- que sociale par le glissement de l'État-providence vers « l’État-accompagnant » visant à transformer la poli- tique sociale en simple outil correcteur des exclusions du jeu économique et social. Cette approche qualifiée de cohésion sociale, sans remettre en cause l’ordre économique, soucieuse uniquement de la paix sociale, tourne le dos à une ambition forte d’autonomisation de la personne humaine et, plus généralement, à l’am- bition d’un véritable projet de civilisation. 

(1) Porté par l’aile gauche du PS et adopté le 11 décembre dernier, il faut rappeler que ce texte a fait l’objet d’un vif débat interne et qu’il a essuyé un certain nombre d’abstentions notables lors de ce vote : Moscovici, Hollande… jusqu’à Royal qui le vote tout en s’y opposant, au motif qu’il ne serait pas tenable financièrement. Il fait l’objet d’une refonte  programmatique pour la présidentielle de 2012.

(2) Partie  IV-B ; page 42 du document.

(3) C’est parfois même le contraire, il n’est pas rare de trouver des Commissions départementales des droits et de l’autonomie des personnes handicapées qui déclarent des invalidités à 79 % au lieu de 80 % pour réduire le niveau de la prise en charge facturée par le département (pas  éligible à la PCH).

(4)  Cf. l’article de C. Brun dans Le Monde du 8 janvier 2011.

(5) Il s’agit en effet d’un point très important du glissement des posi- tions du PS sur les conditions du traitement de la perte d’autonomie. On  le retrouve en  filigrane  dans le texte  de  la Convention, mais plus clairement dans différentes interviews données par Charlotte Brun, actuelle secrétaire nationale aux personnes âgées, handicap et dépendance. Par  exemple dans un entretien croisé  avec  Serge Guérin (un des porteurs de la théorie du « care » ou soin mutuel) sur le site du PS,  où après que ce dernier  a énoncé que « l’injonction à l’autonomie qui nous dit « sois libre et autonome », est problémati- que », car « certaines personnes ne souhaitent tout simplement pas être autonomes » et que du fait que « notre capacité d’autonomie n’est pas  identique. On doit alors  avoir le droit d’avoir des  niveaux d’autonomie très différents », on peut lire de la secrétaire nationale socialiste après avoir acquiescé aux  propos de  son  interlocuteur :« Nous ne sommes pas à égalité. Dans ce sens, la première condition pour la gauche est de reconnaître que ce droit à l’autonomie ne peut se traduire  de la même manière pour tout le monde. Ensuite, cette reconnaissance des inégalités qui existent entre individus oblige les politiques à réinventer les formes de solidarité [dont le « care » qui renvoie  concrètement à des  liens de proximité familiaux ou de quartier, ndlr]. Ces  solidarités, qu’elles se jouent au niveau  local ou qu’elles soient assurées par la solidarité nationale, sont la condition sine qua none pour que chacun puisse à des moments donnés de sa vie, revendiquer son droit à l’autonomie. En l’absence de ces formes de solidarité, cette revendication à l’autonomie ne se traduira que par une succession d’individus ne faisant pas société ». On peut mesurer l’ampleur du glissement conceptuel et éthique proposé par  le PS. Nous ne serions plus dans un cadre social ni assis sur une volonté politique pour lesquels la reconnaissance de l’autre comme personne autonome se construit sur le fondement universel et indépassable de son égalité à chacun comme moteur de sa liberté, mais dans un schéma social qui entérine l’inégalité d’essence de l’autre (et non sa différence) pour laquelle seul un droit compensateur de cette inégalité de nature assuré par l’État, ou la famille au sens large, pourrait  faire office de correcteur. Au-delà même du danger connu d’une confusion entre différence de nature et inégalité de nature, ce glissement dans l’escarcelle des théoriciens libéraux de la justice sociale (John Rawls) n’est évidemment pas sans conséquences sur la façon dont se conçoit un service public de l’autonomie ou même une politique publique qui ne pourra alors être autre que celle de la prise  en charge de l’autonomie. Dans  ce schéma, il ne s’agit plus d’autonomiser les personnes pour les rendre libres, mais plutôt de compenser leur  infériorité.  à charge pour la collectivité (au sens large) de définir et d’accepter le niveau de cette compensation. Sous contrainte économique bien sûr.

(6) Idem, plus document de la Convention.

(7) Une sorte de consensus est en train de se dessiner sur cette question entre la droite et le PS. V. Rosso-Debord (UMP), auteure du rapport éponyme, ayant annoncé par voie de presse le 15 décembre dernier  suite à une  interview à l’Assemblée nationale, l’opportunité qu’il y avait à réfléchir sur un système combinant « un socle de base de la solidarité nationale et éventuellement, je dis bien éventuelle- ment,  en plus une contribution  supplémentaire ».

(8) Il ne faut pas oublier que cette fusion CSG-impôt sur le revenu est aussi prônée par la droite. J-F Copé  en est  un défenseur acharné. Et pour cause.

(9) Là encore, il est remarquable que le parti libéral soit un des plus fervents défenseurs

Le rapport Rosso-Debord étape du démantèlement de la sécu

Par May Eric , le 01 février 2011

 Le rapport Rosso-Debord étape du démantèlement de la sécu

En 2007, le candidat Nicolas Sarkozy avait annoncé vouloir s’attaquer au défi de la dépendance. La création d’un « cinquième risque » a été constamment réaffirmée par le président de la République. Elle devait faire l’objet d’un projet de loi reporté après la « réforme » des retraites. Le débat s’est déjà engagé, avec beaucoup de confusions, mais le texte définitif sera présenté dans le cadre du PLFSS pour 2012.

Le rapport : une introduction pour justifier les choix du Président

Rendons gré à Mme Rosso pour sa franchise. Son introduction lève sans fausse pudeur le voile sur l’objet de sa mission : justifier les choix du président en matière
de politique sociale. La dépendance est un volet de la
réforme menée contre la protection sociale française
héritée du CNR, en lien avec la réforme des retraites à
laquelle ce nouveau plan succède, avant celui annoncé
après 2012, de l’Assurance-maladie. Nous sommes
confrontés à une nouvelle étape du démembrement de la
sécurité sociale, attendu et déjà anticipé par les acteurs du
marché assurantiel. L’arme fatale, théologique, de ceux
qui la démontent est la notion totalement artificielle
créée de toutes pièces nommée 5e risque. Ce risque nouveau
nous menace tous, et la société ne peut y faire face
en l’état, ayant déjà dû renoncer à la garantie de soins de
qualité pour tous et à une retraite digne pour tous.…
La dépendance : essai de définition
Mme Rosso limite sa définition à celle de la loi : la
dépendance est définie comme l’état de la personne qui,
nonobstant les soins qu’elle est susceptible de recevoir, a besoin
d’être aidée pour l’accomplissement des actes essentiels
de la vie, ou requiert une surveillance régulière.
Bernard Ennuyer, sociologue, écrivait en 2003 : on
peut opposer à la vision médicale « incapacitaire » de la
dépendance, une autre vision plus relationnelle, [...] « la
dépendance-lien social ». La dépendance « incapacitaire »
renvoie à un état de vieillesse, essentiellement individuel
et biologique. La « dépendance-lien social » renvoie à une
vieillesse qui est le résultat d’un parcours social et biologique,
dans une forme d’organisation sociale déterminée.
Selon ma propre conception de médecin généraliste
confronté au quotidien, la dépendance n’est pas un
risque au sens assurantiel : c’est une menace à ce qui
caractérise la condition humaine, la dignité, et pour
laquelle le progrès médical et social, s’il est partagé et
solidaire, doit permettre à tous de faire face et idéalement
de s’en affranchir.
La dépendance est la résultante multifactorielle de
situations qui jalonnent la vie de tout individu, parfois
prévisibles, parfois non : physiques, psychologiques,
Le rapport Rosso-Debord :
étape du démantèlement
de la Sécu éric May (1)
En 2007, le candidat Nicolas Sarkozy avait annoncé vouloir s’attaquer au défi de la
dépendance. La création d’un « cinquième risque » a été constamment réaffirmée par
le président de la République. Elle devait faire l’objet d’un projet de loi reporté après la
« réforme » des retraites. Le débat s’est déjà engagé, avec beaucoup de confusions, mais le
texte définitif sera présenté dans le cadre du PLFSS pour 2012.
cognitives mais aussi matérielles, sociales et familiales…
Elle rend un individu au cours de sa vie dépendant
d’autres individus, qui peuvent être membres de la famille,
des amis ou des voisins (les aidants naturels) mais
qui sont de plus en plus des professionnels missionnés
pour assurer leur bien être dans toutes ses dimensions.
Elle justifie la mise en oeuvre de moyens et d’expertises
diverses pour assurer à un individu la poursuite de son
existence dans la dignité.
Un rapport démonstratif et doctrinaire
L’état des lieux
Le rapport trace un panorama de la dépendance tronqué
et partial au travers du seul prisme d’éléments
économiques, analysés de façon idéologique et partisane
: la responsabilité du déficit des finances publiques
dans la crise économique et sociétale française justifie
la nécessité « inévitable », rappelée à plusieurs reprises
dans le rapport, de rompre avec le modèle de protection
sociale solidaire.
Par contre, si les données démographiques rapportées
sont synthétiques et intéressantes, aucune analyse
n’est faite, en termes de besoins et de financement,
des perspectives que les projections démographiques
annoncent :
 Un habitant sur trois en France aura plus de 60
ans en 2050 (contre 1/5 aujourd’hui), soit une augmentation
de plus de 50 % pour une population de
70 millions d’habitants.
 En 2010, 1,1 million de personnes sont bénéficiaires
de l’APA :
a. La DRESS a annoncé en 2006 une augmentation
de 1 % par an des bénéficiaires de l’Allocation pour
Personnes Agées jusqu’en 2040.
b. La maladie d’Alzheimer touchait en 2004 un
peu plus 856 000 personnes en France mais seule la
moitié était diagnostiquée ! En 2040, il est attendu
2 156 618 malades soit une progression de 150 % !
Ces données ne sont pas sans conséquences sur la
réflexion qui doit déterminer la nature et l’ampleur
des moyens qui seront nécessaires aux personnes en
situation de dépendance dans les 30 prochaines années.
Surtout quand le rapport fait 2 constats :

 

 Depuis la mise en oeuvre du dispositif APA créé par
la loi du 20/07/2001, le nombre de bénéficiaires est
passé de 605 000 à 1 128 000 entre 2002 et 2009, soit
un doublement quand les dépenses grimpaient plus
vite, de 1 855 milliards d’euros à 5 116 milliards dans
le même temps (x 2,75) !
 Les moyens alloués à la dépendance sont aujourd’hui
insuffisants : de nombreuses personnes restent en dehors
des dispositifs d’aide et il existe une sous déclaration
des personnes dépendantes à l’exemple des malades
atteints de maladies neuro-dégénératives !
Alors quels sont les besoins aujourd’hui ? Demain ? Et
comment en assurer le financement de façon pérenne
et suffisante ? Aucun élément dans ce rapport qui
éclairerait les citoyens et leurs représentants à l’heure
des choix. Aucun chiffrage, même simple (22 milliards
en 2010, 33 milliards en 2040 ?) n’est proposé qui
donne une idée précise du niveau de financement que
le système choisi (public et solidaire, ou privé) devra
abonder. Pourtant, certaines hypothèses annoncent
entre 2000 et 2050 une croissance de 40 % des seules
dépenses de santé liées au vieillissement et le budget de
la santé finirait par représenter le tiers du PIB…
Les auteurs n’offrent qu’une analyse du financement
de la dépendance pour 2010 :
22 milliards lui seront consacrés en 2010, soit 1,1 %
du PIB qui se répartit :
– pour la Sécurité sociale : 13,45 milliards dont
11 pour l’Assurance-maladie (4,7 pour l’hôpital et
la médecine de ville, 6,3 pour les établissements type
EPAHD) ;
– pour les départements, qui financent l’APA, l’ASH
et certaines aides à domicile : 6,1 milliards d’euros
(7,2 bruts) en 2008 ;
– les financements gérés par le CNSA : 3 milliards,
issus de la Contribution Sociale Autonomie et la
CSG (0,1 %) ;
Deux observations :
 Une part du financement de la dépendance (50 % !)
est assurée par l’Assurance-maladie selon les auteurs. Mais
pourquoi l’isoler de la Sécurité sociale ? Sinon pour laisser
penser que celle-ci est désormais divisible en parts redistribuables
aux mieux offrants (assurances, mutuelles).
 La baisse de la contribution de la Caisse Nationale
de Solidarité pour l’Autonomie au financement de
l’APA, passée de 43 % en 2002 à 28,5 % en 2010. En
valeur absolue, elle n’a fait que doubler (passant de
798 millions d’euros à 1 538 en 2010) quand la part des
départements était multipliée par 3,5 (passant de 1057
en 2002 à 3858 millions d’euros en 2010). Mais entre
des départements étranglés par les transferts de charge
de l’État et la diminution de leurs recettes, et la CNSA
qui s’appuie sur des ressources limitées et socialement
injustes, CSG et contribution solidarité autonomie,
c’est la pérennité du dispositif qui est menacée. Loin
d’examiner les responsabilités des politiques gouvernementales
depuis 2002 dans la gestion globale du dispositif
existant, et leur absence (apparente) d’anticipation,
le rapport fait de façon doctrinaire des difficultés des
finances publiques et de la protection sociale la meilleure
preuve du caractère moribond d’un système public et
solidaire qui ne répondrait plus aux enjeux.
Au total, déficits des finances publiques décrites comme
« exsangues » (sic), qui menacent la vitalité économique
de la France, déficit de la Sécurité sociale, et poids du
vieillissement de la population, c’est un tableau apocalyptique
qui est décrit à tous les lecteurs du rapport.
Le bilan du système en place
Le rapport n’épargne presque aucun des acteurs et se
fait le critique des insuffisances et défaillances de l’organisation
fonctionnelle de la dépendance :
 Les professionnels soignants de la dépendance : défaillants
dans le repérage, la prévention et le diagnostic
de la perte d’autonomie. Le manque de formation
initiale et continue dans le champ social des soignants
est relevé justement mais alors pourquoi ne pas en interpeller
les responsables : ceux qui mènent la politique de
santé et de formation ? Les défauts d’articulation entre
les acteurs médicaux et sociaux sont aussi pointés du
doigt. Les ARS seraient source d’efficacité. Mais la crise
de la démographie médicale, de la médecine libérale,
et les coupes sombres des effectifs des services sociaux
de l’État, des départements et des collectivités au
nom de la réduction des déficits budgétaires ont pour
conséquence l’incapacité de « trouver le temps » pour
le travail de coordination indispensable aux missions
de repérage et de prévention.
 Les associations d’aides à la personne à domicile
privilégiées aux dépens d’organismes publics,
sont aujourd’hui en difficulté : diminution des aides
au secteur associatif conséquence de la politique gouvernementale,
concurrence par les entreprises privées
favorisées par le plan Borloo en 2005. Les auteurs
notent aussi que la place des aidants naturels, pour la
plupart bénévoles, jeunes retraités et enfants des bénéficiaires,
est amenée à se réduire considérablement. Ils
oublient de mentionner que le recul de l’âge de départ
à la retraite va aggraver ce phénomène.…
 Les EHPAD : 10 300 structures en 2007 accueillaient
595 000 résidents (76 % de la population en structure
d’hébergement, les autres étant en maison de retraite,
foyers ou en hébergement temporaire), d’âge moyen à
l’entrée de 83 ans et 10 mois, dont 84 % et de GIR 1 à 4
dont 55 % en 1 et 2. Elles sont l’objet de critiques de la
part des auteurs que l’on partage même si les causes sont
ignorées ou éludées : tarifs rendus prohibitifs par la récupération
de l’amortissement de leur construction auprès
des pensionnaires, pratiques contestables de responsables
d’établissements, médicalisation inégale des structures,
statut non bordé des intervenants médicaux, médecins
coordinateurs et libéraux, inégalités territoriales d’accès
aux structures et inégalités de services aux personnes
selon le niveau de prestation offert, enfin inadéquation
entre l’offre développée de type résidentiel et les besoins
des résidents et des familles qui transforment les structures
en unité des soins palliatifs.
Enfin le système d’évaluation de la dépendance, d’attribution
des ressources et de leur gestion :
a. Basée sur la grille AGGIR, l’évaluation fait intervenir
des acteurs aux intérêts divergents et pas
forcément au service des personnes dépendantes
(à l’instar des médecins évaluateurs des assurances
privées mais peut-être aussi de ceux des conseilsgénéraux, financeurs principaux de l’APA). Elle apparaît
moins comme un problème que comme un
enjeu pour les futurs financeurs de la dépendance
pressentis par la mission.
b. La gestion des aides par les départements mise en
cause : inégalités territoriales de la charge financière
et diversité de politique de récupération des fonds,
les difficultés des départements sont évoquées surtout
pour signaler que les politiques des conseils généraux
varient d’un département à l’autre et amènent une
déclinaison territoriale inhomogène d’une politique
déterminée, elle, au niveau national.
La principale conséquence néfaste du système est le
reste à charge jugé à juste titre inacceptable et insupportable.
Le constat est terrible mais perd de sa pertinence
en omettant de mentionner la responsabilité directe de
la politique sociale du gouvernement.
 Pour les soins, Il est de plus de 1 000 euros par an en
moyenne pour les personnes de plus de quatre-vingts
ans, dont plus d’une sur deux est pourtant prise en
charge en ALD. Les causes de cette explosion du reste à
charge sont omises dans le rapport : déremboursement
des prestations médicales, des médicaments et des
dispositifs médicaux, forfaits hospitaliers.
 Le coût des hébergements en structure, prohibitif,
il varie en moyenne de 2 500 à 5 000 euros ! La récupération
de l’amortissement de la construction auprès
des pensionnaires est inadmissible et notée comme telle
par les auteurs de rapport.
Le rapport vante les plans Alzheimer et Grand âge.
Ses auteurs oublient 2 éléments : les moyens sont
insuffisants (1,4 milliard d’euros sur 5 ans, moins de
280 millions par an) ; le financement en est assuré par
les franchises médicales aggravant le reste à charge
des patients et particulièrement celui des personnes
dépendantes puisque lié au niveau de consommation
de soins qui est élevé pour elles.
Les propositions de la mission
Au nombre de 17, elles sont :
– mesure gadget (la consultation dépendance) ;
– voeu pieux qui n’engage à rien : lancer des études sur
l’hospitalisation des personnes âgées ; encourager la
télémédecine ; asseoir le rôle du CNSA ;
– honorable : mettre fin à l’imputation des frais
d’amortissement des structures d’accueil dans le reste
à charge des résidents. Mais alors qui paierait ? Les
départements et le CNSA, qui deviendraient ainsi les
premiers soutiens des investisseurs privés qui gèrent
les établissements ! ;
– des mesures d’allégement fiscal fort mal venues pour
un rapport qui dénonce les déficits publics.
Les propositions ne sont jamais assorties d’une évaluation
des moyens nécessaires pour les mettre en oeuvre. Elles
n’ont d’autres fonctions que d’amener et justifier la proposition
phare des auteurs du rapport dont on a compris
qu’elle est la traduction concrète des projets gouvernementaux,
la proposition n° 12 : La création d’une assurance
dépendance, individuelle, privée et obligatoire.
Qualifiée d’universelle, elle a pour fonction de remplacer
le CAPA (ce qui ne déchargerait pas forcément
les départements et le CNSA encouragés, on l’a vu, à
financer la construction d’EHPAD…)
C’est alors qu’apparaissent pleinement les objectifs de
la mission Rosso-Debord :
Démontrer les insuffisances de la prise en charge en
2010 de la dépendance et de ses financements publics
et socialisés, pour mieux préparer le passage à une
logique assurantielle individuelle qui est la même que
celle proposée pour les retraites (capitalisation) et pour
l’Assurance-maladie (complémentaires à la charge du
contractant). On pourrait qualifier le projet du gouvernement,
la création du 5e risque et celle d’une assurance
obligatoire, de vente à la découpe de la protection
sociale livrée en pâture au marché. La rentabilité est
d’ailleurs garantie aux futurs opérateurs par au moins
deux des dispositions proposées : le caractère obligatoire
de l’assurance à partir de 50 ans offrant un marché prospère
à moyen terme puisque qu’en 2040 c’est plus de
20 millions de Français qui en seraient souscripteurs ;
par ailleurs, le retrait des personnes classées GIR 4 des
dispositifs APA en feront autant d’exclus à terme des
indemnisations assurantielles.
Conclusion
La politique en matière de protection sociale menée
depuis 2007 par Nicolas Sarkozy vise à démanteler
l’héritage du CNR et à mettre en place un système
assurantiel privé à l’anglo-saxonne régulé par le marché.
Il doit remplacer le système français basé sur la solidarité
et sur un financement socialisé qui a pour objet de garantir
à tous l’accès à des droits fondamentaux : la santé,
l’autonomie, la dignité. Le discours officiel met en avant
la volonté de réduction des déficits publics mais la réalité
paraît surtout guidée par les intérêts des grands groupes
assurantiels piaffant d’impatience et qui ne cachent pas
être prêts à se substituer à la Sécurité sociale, tout au
moins là où les bénéfices paraissent assurés.…
Le rapport Rosso-Debord met en lumière les limites
d’un système qui n’en est pas moins resté relativement
efficace jusqu’à aujourd’hui. Ses imperfections, les nécessités
de son adaptation aux besoins ne remettent pas
en cause les principes sur lesquels il est fondé comme
les auteurs veulent le faire croire. Elles marquent les
limites d’aujourd’hui et plus encore celles de demain
au vu des enjeux, qui sont essentiellement le manque
de moyens, c’est-à-dire de financements qui pour
être distribués avec justice à tous selon ses besoins ne
peuvent que reposer sur un ou des services à vocation
publique et solidaire.
Car quelles seront les garanties offertes par les assurances
dans un contrat dépendance aux clauses d’exclusion
dont on ne doute pas qu’elles seront subtiles mais bien
réelles, comme le prévoit le rapport Rosso-Debord
quand les accidents de la vie, les maladies ou les événements
familiaux ou sociaux précipiteront brutalement
les personnes dans un état dépendance ou aggraveront
un état préexistant et justifieront la mise en oeuvre
de moyens coûteux ? L’enjeu est bien aujourd’hui de
préserver et développer les valeurs fondatrices de la
Sécurité sociale face aux besoins sociaux nouveaux du
xxie siècle dont nous écarte le concept du 5e risque et
son financement privatisé, externalisé du financement
de la protection sociale. 
(1) Médecin directeur du CMS de Malakoff, 92.

Note de lecture La crise systémique : une crise de civilisation.

Par Denis Durand, le 01 février 2011

Note de lecture La crise systémique : une crise de civilisation.

La crise systémique : une crise de civilisation. Ses perspectives et des propositions pour avancer vers une nouvelle civilisation, Paul Boccara,  Note de la Fondation Gabriel Péri. Décembre 2010, 48 p., 4 €.

Version augmentée d’une audition de l’auteur par
la section des questions économiques générales
et de la Conjoncture du Conseil économique,
social et environnemental, cette note apparaît comme
marquant le début d’une étape majeure dans le travail
du fondateur de l’école marxiste de la régulation systémique.
Les travaux de Paul Boccara sur le capitalisme et sur sa
crise sont connus des lecteurs d’Économie et politique :
la régulation des activités économiques par le taux de
profit, les processus de suraccumulation et de dévalorisation
du capital, leur traduction dans les cycles des
affaires et dans l’alternance de phases longues d’essor
puis de difficultés, la prédominance de la finance dans
les phases longues de difficulté. C’est aussi la possibilité
d’une issue révolutionnaire de nos jours à la crise
systémique par la conquête de nouveaux pouvoirs des
travailleurs et des citoyens, de nouveaux critères de
gestion et moyens financiers, à travers un nouveau
crédit, au service d’objectifs sociaux axés sur l’emploi, la
formation et le développement des êtres humains…
On connaissait moins les analyses que Paul Boccara a
consacrées aux aspects non économiques de la société :
ceux, par lesquels l’homme « modifie sa propre nature »,
selon l’expression de Marx « en même temps qu’il agit
sur la nature extérieure et la modifie ». C’est ce que Paul
Boccara appelle l’anthroponomie, c’est-à-dire, dit-il,
« les aspects non économiques de la société, avec leurs
quatre moments : le moment parental, les activités de
travail ou de production (en tant qu’elles transforment
les êtres humains, notamment au plan psychique), le
politique, le culturel ». Le libéralisme est, dans l’ordre
anthroponomique, le pendant de ce qu’est le capitalisme
dans l’ordre économique. Caractérisé par des
rapports contractuels entre individus égaux en droit
mais inégaux en moyens matériels et culturels, il est
fondé sur des relations de délégations représentatives :
aux chefs de famille, aux chefs d’entreprises, aux parlementaires
et aux chefs de gouvernements, aux auteurs
(par opposition aux lecteurs ou aux spectateurs dans
le domaine de la culture).
La note mène en parallèle l’analyse des deux systèmes,
l’économique et l’anthroponomique, et de leur combinaison
dans la civilisation occidentale, aujourd’hui
mondialisée. Elle montre successivement les ressorts
de la crise de civilisation actuelle, émet des hypothèses
sur le « tournant » profond des années 2007-2010, et
met en perspective un ensemble de propositions pour
une transformation radicale. Les analyses économiques
Note de lecture
La crise systémique : une crise de civilisation. Ses perspectives et des propositions pour
avancer vers une nouvelle civilisation, Paul Boccara,
Note de la Fondation Gabriel Péri. Décembre 2010, 48 p., 4 €.
Denis Durand
et anthroponomiques s’éclairent mutuellement. Cela
aide à penser les multiples manifestations sociales,
culturelles, politiques, religieuses… de la crise, mais
aussi à éclairer pourquoi la phase longue de difficultés,
entamée dès la fin des années soixante, n’a pas encore
débouché, contrairement aux précédentes, sur une
nouvelle phase d’expansion.
Une des explications réside dans la radicale nouveauté
de plusieurs transformations révolutionnaires qui
affectent les opérations techniques et sociales. Les
développements consacrés à la révolution informationnelle
sont particulièrement suggestifs, parce que
cette révolution touche aussi bien le système économique
que le système anthroponomique. Succédant
à la révolution industrielle qu’elle porte à son achèvement,
elle a des effets économiques massifs : elle va
élever énormément la productivité du travail et celle
des moyens matériels de production. La tendance à
la baisse du rapport capital-produit qui en résulte est
jusqu’à présent captée par l’accumulation de profits
financiers et par les multinationales. Elle a aussi comme
conséquence la montée du chômage surtout dans les
pays les plus industrialisés. Mais elle peut ouvrir la voie
à une logique économique tout à fait inédite, avec de
nouveaux critères de gestion favorisant les dépenses
de formation et les prélèvements publics et sociaux.
Ainsi se dessinerait un processus pouvant tendre au
dépassement des critères de rentabilité, et des relations
marchandes elles-mêmes.
Mais la révolution informationnelle a des effets tout
aussi massifs dans le domaine de la culture : l’Internet
permet déjà d’expérimenter les prémices d’un dépassement
de l’opposition auteur-lecteur, créant les
conditions de ce que Paul Boccara appelle « une culture
d’intercréativité de tous les êtres humains ».
D’autres changements dans la civilisation présentent les
mêmes potentiels révolutionnaires. Ainsi Paul Boccara
cite-t-il la révolution monétaire, la révolution écologique,
la « double révolution démographique » (réduction
de la fécondité et allongement de la vie), la révolution
parentale qui multiplie les familles recomposées et bouleverse
les moeurs, la révolution migratoire, la révolution
militaire… Il rattache les deux premières à l’ordre
économique et les autres à l’ordre anthroponomique.
Mais toutes ont des effets dans tous les domaines de
la société et permettent d’imaginer les bases d’une
civilisation radicalement nouvelle.
Ce cadre d’analyse permet de produire un diagnostic de
la crise dans ses aspects économiques mais aussi dans
économie et politique 678-679 janvier - février 2011
bataille idéologique
48
ceux qui touchent à la montée de l’individualisme,
aux crises d’autorité, aux conflits sur les moeurs et
les valeurs. Les révolutions tunisienne et égyptienne,
survenues depuis la parution de la note, donnent un
relief supplémentaire aux exigences de démocratisation
et à la conclusion selon laquelle « l’exacerbation de la
marchandisation, de ses inégalités, de ses gâchis et de
ses rejets sociaux, au plan économique et, au plan anthroponomique,
des divorces entre pouvoirs délégués et
représentations dominantes avec les populations et leurs
aspirations, fait grandir les besoins de transformation de
toute la civilisation à l’échelle de toute l’humanité ».
Mettant en parallèle les dimensions économiques et
anthroponomiques de la crise, Paul Boccara montre
comment le dépassement des quatre marchés du capitalisme
mondialisé (dépassement du marché du travail
par la construction graduelle d’une sécurité d’emploi
et de formation, des marchés monétaires et financiers
par un nouveau crédit et par la monétisation des dettes
publiques, des marchés de biens et services avec de
nouveaux critères de gestion sociaux et écologiques
et par l’essor des services publics, du marché mondial
par la coopération et le codéveloppement) peut aller
de pair avec le dépassement des procédures délégataires
et représentatives caractéristiques du libéralisme. Ainsi,
dans les relations parentales, on voit monter l’exigence
de promouvoir dans la famille les droits des femmes,
des enfants, des personnes âgées ; dans de nouveaux
services publics, les droits des usagers ; en politique,
l’exigence de nouveaux pouvoirs depuis l’entreprise, de
l’émancipation des assemblées parlementaires vis-à-vis
des exécutifs, de la mise en pratique d’interventions
directes décentralisées et de concertations jusqu’aux
niveaux européen et mondial.
Un des aperçus les plus nouveaux porte sur l’hypothèse
d’une civilisation de toute l’humanité, intégrant tout
en les dépassant « les apports de libertés de l’Occident,
mais sans l’égoïsme et les monopoles, et les apports de
solidarité de l’Orient et du Sud, mais sans les dominations
hiérarchiques », ce qui peut inclure un nouvel
humanisme et un rapprochement oecuménique des
religions…
Cette première synthèse de Paul Boccara pourra servir
de « boîte à outils » pour interpréter le monde contemporain,
et pour travailler à le transformer. Mais gageons
que l’auteur souhaiterait davantage : la développer et
faire appel à l’« intercréativité » de ses lecteurs dans
l’élaboration des voies d’une nouvelle civilisation. 

Perte d’autonomie une grande bataille idéologique

Par Gibelin Jean Luc , le 01 février 2011

 Perte d’autonomie  une grande bataille idéologique

Cet article a été élaboré à partir d’un travail collectif de différentes commissions du PCF.
Il reprend l’essentiel des propositions du PCF sur la perte d’autonomie. Il a également inspiré la présentation faite au gouvernement à l’occasion des auditions préparatoires au futur projet de loi sur la dépendance.

Le contexte
Dans le prolongement du dossier sur les retraites, celui
de la dépendance vise, pour le pouvoir, à poursuivre
l’empreinte néolibérale tant sur l’aspect civilisation
que celui de la métamorphose du financement de la
protection sociale avec un recul de la solidarité mais
aussi une diminution du financement public pour
laisser une plus grande place au secteur financier et à
la privatisation. Notre analyse s’inscrit dans une critique
totale de la situation actuelle notamment au niveau de
l’insuffisance des moyens collectifs mobilisés mais aussi
des principes avancés dans les projets gouvernementaux.

La prise en charge actuelle n’est pas acceptable, la
réforme proposée va aggraver les injustices et creuser les
insuffisances graves, en montant la privatisation contre la
sécurité sociale et le secteur public. Notre projet s’inscrit
aussi dans l’affirmation de notre défense de la protection
sociale solidaire avec une sécurité sociale renforcée et
élargie dans ses prérogatives, fidèle en cela aux concepts
qui l’ont mise en place et qui restent des idées neuves.

Nous considérons que la perte d’autonomie est une
vraie question importante à prendre de manière dynamique
; les besoins ne se limitent pas à une simple
projection de la situation actuelle qui est gravement
insatisfaisante. Pour autant, nous contestons le « scénario
catastrophe » orchestré par le pouvoir aux seules
fins de justifier le recours à l’assurantiel.
 

Perte d’autonomie plutôt que « dépendance »
Nous faisons le choix de prendre le concept de perte
d’autonomie en lieu et place de la dépendance utilisée
de manière idéologique par le pouvoir notamment.

Nous dénonçons cette perversion du terme dépendance
et, au contraire, nous défendons le concept d’autonomie
porteur de solidarité à l’opposé de l’individualisme.
Le traitement de la question de la perte d’autonomie
exige une définition claire et préalable de la perte
d’autonomie.

C’est la résultante multifactorielle de situations qui
jalonnent la vie de toute personne humaine. Elles sont
parfois prévisibles, parfois non, physiques, psychologiques,
cognitives mais aussi matérielles, sociales et
familiales qui menacent au maximum la poursuite de
l’existence d’une personne et au minimum la dignité
de celle-ci. Elle rend la personne humaine au cours
de sa vie dépendante d’autres personnes, qui peuvent
être membres de la famille, des amis ou des voisins
(les aidants naturels) mais qui sont de plus en plus des
professionnels missionnés pour assurer leur bien être
dans toutes ses dimensions.

Elle n’est en rien un risque en soi, ce qui explique notre
rejet de l’assurantiel, mais un état qui justifie la mise en
oeuvre de moyens et d’expertises divers pour assurer à
la personne humaine la poursuite de son existence dans
la dignité, à partir d’un développement des solidarités
ainsi que des financements et des accompagnements
collectifs nécessaires.
Quel état des lieux actuel ?
La perte d’autonomie totale ou partielle renvoie à 3
situations distinctes : grand âge (1,3 million), handicap
(700 000) et invalidité (600 000), donc 3 populations
distinctes et 3 origines distinctes, même si une personne
peut passer d’une situation à une autre.

Elle est traitée principalement de 3 manières : prise en
charge médicale et médico-sociale, prestation/indemnisation
de compensation (entre autres : APA, PCH et
rente ou capital) et politique d’ordre « sociétal » (accessibilités,
conditions d’emploi et de travail…).

Il y a 3 acteurs principaux : les organismes sociaux,
les collectivités locales et leurs services publics, et les
acteurs privés (assurantiels et médico-sociaux).

Et pour financer tout cela, il y a 2 modalités de financement
:
 financement socialisé qui recouvre sécurité sociale,
fiscalités (nationale et locale), travail gratuit, le « reste à
charge » c’est-à-dire le financement direct par les familles ;
 le financement dit contractualisé : mutuelles ou
assurances privées individuelles ou collectives.

Le point sur le financement actuel
22 milliards en 2010 seront consacrés à la dépendance,
soit 1,1 % du PIB qui se répartit :
– pour la Sécurité sociale, 13,45 milliards dont pour
l’Assurance-maladie 11 milliards ;
– pour les départements qui financent l’APA et certaines
aides à domicile, 6,1 milliards d’euros ;
– les financements gérés par le CNSA, 3 milliards, issus
de la Contribution Sociale Autonomie et de la CSG.

Un magot pour l’assurantiel !

En 2008, la Fédération française des sociétés d’assurance
comptait 2 007 600 assurés versant 387,6 mil
lions d’euros de cotisations (au titre d’un contrat
pour lequel la dépendance est la garantie principale)
et versait 112,4 millions d’euros de rente (différence :
275,2 millions d’euros).
En 2009, 2 024 200 assurés versaient 403,1 millions
d’euros de cotisations pour 127,7 millions d’euros de
rente versée (différence : 275,4 millions d’euros).
Le rejet du « 5e risque » proposé par le
pouvoir
Actuellement il existe 4 branches dans la Sécurité sociale
: maladie, vieillesse, famille, AT-MP (accidents du
travail-maladies professionnelles) et une branche pour
le recouvrement des cotisations.

La branche maladie a vocation à couvrir 2 risques de
perte de revenus d’activité : un risque lié à la « maladie »
et un risque lié à la « maternité ».

Surfant sur les attentes des associations appelant à
une meilleure prise en charge des personnes en perte
d’autonomie, la droite avance le concept de « 5e risque
» pour la sécurité sociale : « le risque dépendance ».

Cette fausse bonne idée ne correspond pourtant à rien
de l’architecture actuelle de la sécurité sociale, qui
couvre déjà 9 « risques sociaux » : maladie, maternité,
accident du travail, maladie professionnelle, vieillesse,
décès, invalidité, famille et précarité, répartis dans les
4 branches prestataires de la sécurité sociale. En réalité,
ce concept de « 5e risque » organise une confusion
sémantique travaillée par la droite, ses parlementaires,
et le patronat, qui voudrait laisser croire que la perte
d’autonomie est assurable globalement et à part entière,
au même titre que n’importe quel risque classique
par le secteur assurantiel privé. Ce qui n’est pas le cas
aujourd’hui puisque les financements et prestations de
la dépendance liées à l’âge viennent essentiellement de
la sécurité sociale et des départements.

C’est pourquoi nous rejetons ce concept de « 5e risque »
dont l’unique raison est, en isolant les recettes, de le faire
financer par des complémentaires, en particulier les assurances
privées. Nous considérons que la perte d’autonomie
ne doit pas caractériser une partie de la population. Nous
refusons d’ouvrir une nouvelle part de marché potentiel
pour les profits des sociétés assurantielles.
 

La 5e branche de prestation ?

Nous refusons un nouveau découpage de la sécurité
sociale qui conduirait à une rupture supplémentaire
de l’unité de la sécurité sociale. Une branche de plus
dans la sécurité sociale ou dans l’assurance maladie
affaiblirait la protection sociale solidaire en fragilisant
la base de son financement socialisé. Il est clair que le
pouvoir n’attend que cela pour ouvrir ce financement
au monde financier et assurantiel. Ce serait l’éclatement
de la sécurité sociale.

En outre, cette nouvelle branche aurait un objet actuellement
en partie couvert par l’assurance maladie ce
qui entraînerait un « siphonage » partiel de l’assurance
maladie par cette nouvelle branche. Elle contribuerait
ainsi à affaiblir la branche maladie et à ouvrir plus grand
encore la porte aux complémentaires.

Au contraire, nous affirmons l’universalité de l’assurance
maladie, nous voulons la renforcer et y intégrer
la réponse aux besoins de la perte d’autonomie.

Plusieurs pistes de propositions
L’enjeu d’une vraie politique publique de la prise en
charge de la perte d’autonomie est au coeur du débat.

Cette politique publique doit articuler prévention,
dépistage et prise en charge solidaire.

La prévention passe par le développement notamment
des vertus protectrices de l’activité physique ou intellectuelle,
de l’intégration sociale, d’une alimentation
équilibrée. Cela renvoie aussi au rôle social des personnes
profondément nié dans notre société dominée
par la rentabilité. La prévention passe aussi par le
remboursement à 100 % par l’assurance maladie des
dépenses de santé notamment les prothèses dentaires,
auditives et des lunettes.

La politique publique passe par un développement
important et novateur des services publics nationaux répondant
à la perte d’autonomie et leur réelle et efficace
coordination afin de répondre aux nouveaux besoins.

Nous proposons au niveau départemental un pôle
public de « l’autonomie », s’appuyant sur le développement
des services publics, services publics existants
mais surtout nouveau service public ; nous pensons
notamment à tous les aspects d’aides (repas, toilettes,
mobilisations, etc.) mais aussi aux équipements et
aménagements des logements, aux transports, etc..

Le pôle public doit ainsi permettre une synergie entre
les services publics ainsi développés et créés, leur
coordination, interne et externe, notamment entre les
nouveaux services publics du handicap et celui des
personnes âgées. Ceux-ci ci regrouperaient les services
publics à créer pour favoriser la promotion des activités
sociales des personnes âgées et des personnes en
situation de handicap. Cette synergie doit permettre
d’améliorer les démarches administratives pour les
personne ou les aidants.

Le processus d’autonomisation vise à se libérer d’un état
de sujétion, à acquérir la capacité d’user de la plénitude
de ses droits, de s’affranchir d’une dépendance d’ordre
social, moral ou intellectuel.

Il s’agit non pas seulement d’indemniser les personnes
ou d’accompagner leur trajectoire de vie, mais aussi et
surtout de créer les conditions économiques et sociales
de l’autonomisation des personnes tout au long de leur
vie et de la solidarisation de tous les âges et cycles de vie
ainsi que de tous les acteurs humains. Cela implique
de se donner les moyens d’intervenir sur les conditions
d’emploi et de travail, sur les conditions de la recherche
médicale et de la prise en charge médicale et médicosociale,
de la recherche en général, sur les politiques
nationales et locales d’urbanisme et de transport, etc.

Cette problématique s’inscrit dans un
nouveau projet de civilisation

Il faut rappeler que l’autonomisation de la personne
humaine est un objectif social central de nos sociétés
développées, qui s’inscrit pour nous dans le cadre de
la solidarité. Il vise l’objectif d’Hommes libres et égaux
en société quelle que soit leur nature, capables de se
choisir individuellement et collectivement un avenir
respectueux de la dignité de chacun. Il s’inscrit dans
le développement des principes de la Sécurité sociale
de 1945 tout en les renouvelant et les réformant en
profondeur avec notamment la prise en charge de ce
nouveau besoin qu’est la perte d’autonomie ainsi que
ceux entraînés par la perte d’autonomie.

Au-delà, la création d’une véritable coordination des
politiques publiques de l’autonomisation des personnes
devra être mise en place avec un contrôle démocratique
: État, collectivités territoriales, organisations
syndicales, associations des usagers. L’enjeu de cette
coordination démocratique consistera à travailler à
l’amélioration du niveau de la prise en charge des
personnes en perte d’autonomie, amélioration tant
pécuniaire de leur indemnisation que de la qualité de
la prise en charge. Cela suppose d’assurer à l’échelle
nationale une indépendance totale et des critères indiscutables
aux procédures de détermination du niveau
de perte d’autonomie, et d’engager une vaste politique
de formation, de professionnalisation et de création
en nombre d’emplois qualifiés des services d’aide à la
personne, en partenariat avec le monde associatif. Et
– pourquoi pas ? – intégrer dans le cadre de la Fonction
publique territoriale ces associations dans un cadre
juridique nouveau à inventer – sans exonérer l’État
de ses responsabilités financières et de maintien d’une
solidarité interdépartementale. Nous proposons une
structuration nationale des pôles publics départementaux
dans une forme à définir afin de garantir une maîtrise
nationale et une égalité sur le territoire national.

Pourquoi pas un ministère de l’Autonomie ?
À notre avis, un accompagnement des aidants (qui
sont souvent des aidantes) est légitime. Notre volonté
de privilégier le maintien à domicile volontaire accompagné
et assisté est complémentaire avec la nécessité
d’assurer une bonne couverture territoriale passant par
un développement sans précédent en établissements
publics pour personnes en perte d’autonomie quelle
qu’en soit la raison.

Il s’agit de développer considérablement les équipements,
tant au domicile que dans les institutions, les
EHPAD notamment, l’éventail des formules d’accueil,
de veiller à l’accès aux services spécialisés médicaux ou
autres et surtout de mettre en oeuvre un plan de formation
ambitieux et dans la durée des personnels médicaux et paramédicaux.

Le maillage du territoire par le service public
hospitalier est aussi un gage d’égalité en terme de réponse
aux besoins pour les personnes en perte d’autonomie.
Il faut augmenter le taux d’encadrement en personnels
qualifiés des structures publiques pour arriver à un ratio
d’au moins un personnel par personne accueillie.
 

Le point central du financement
Ce choix d’une politique d’autonomisation de qualité
induit la nécessité d'un financement pérenne assis sur
un prélèvement sur les richesses produites par le pays.
C’est pourquoi nous posons le double impératif, d’une
part, d’un financement rénové, solidaire et socialement
efficace par la sécurité sociale pour la prise en charge
de la perte d'autonomie et, d'autre part, la nécessité
d’un financement d’état réformé des services publics
associés à cette prise en charge.

Pour la sécurité sociale, nous proposons une réforme de
progrès qui s’appuierait sur le développement de l’emploi et
l’augmentation des salaires avec une modulation du taux de
cotisations sociales patronales encourageant les entreprises
s'inscrivant dans cet objectif et pénalisant celles qui réduisent
la part de la masse salariale dans leur valeur ajoutée.

Concernant les personnes en situation de handicap,
nous proposons une taxe prélevée à la source pour
les employeurs qui ne respectent pas la loi, prenant
la forme pour ces entreprises d’une majoration de
cotisations sociales. La loi sur l’emploi des personnes
handicapées est mal appliquée et insuffisante.
Il faut aussi affecter à la perte d’autonomie une partie de
la contribution supplémentaire que nous voulons créer
sur les revenus financiers des entreprises, des banques et
assurances ainsi que sur les ménages les plus riches. Rappelons
que cette contribution permettrait de dégager sur
les profits 2009, 39,9 milliards pour l’assurance maladie,
25,3 pour la retraite et 16,4 pour la famille.
Ceci permettrait de compenser dans l’immédiat les
besoins nouveaux et cela contribuerait à réorienter
l’activité économique vers la production de richesses
réelles non spéculatives.

Pour le financement public d’état, nous proposons de
le fonder sur une dotation spécifique de compensation
allouée aux départements indexée sur leur dépense annuelle
réelle en la matière. Cela passe nécessairement
par une réforme d'efficacité, juste et progressive, de
notre fiscalité nationale et locale, en particulier de la taxe
professionnelle, afin de répartir équitablement l’effort
contributif des ménages et d’équilibrer la contribution
des entreprises. Cette réforme porte en elle la suppression
progressive de la CSG et le renforcement de la contribution
fiscale des hauts revenus. Enfin, cette refondation
fiscale renvoie aussi à une autre conception de l'Europe,
de sa monnaie et de la Banque centrale européenne, pour
développer les services publics. Nous sommes clairement
opposés aux mesures qui sont avancées actuellement
comme l’assurance obligatoire, le second comme le premier
jour de travail gratuit, l’augmentation de la CSG
des retraités, l’étranglement des finances des conseils généraux,
une refondation du paritarisme comme l’avance Nicolas Sarkozy, ce qui préfigure la remise en cause de
la sécurité sociale solidaire.

Ce ne sont que des premières propositions. Elles
ont la volonté de positionner la problématique de la
perte d’autonomie sur un autre terrain que celui de la
seule prise en charge financière des personnes en perte
d’autonomie, qui est celui de leur intégration et leur
intervention à égalité de chacun dans la société. Cela
évite les écueils de discussions relatives à la référence à
l’âge, aux critères de définition de la dépendance... Cela
permet de remettre en avant nos propositions, en reformulant
la problématique de la perte d’autonomie non
sous l’angle strict d’une politique d’accompagnement
financier mais sous celui d’un choix de société face à
celui du pouvoir. Cela impose un travail sur l’avenir
de la sécurité sociale et sa modernisation par rapport
à la société de demain, en rupture avec les plans du
pouvoir et du Medef visant le démantèlement de la
Sécurité sociale. De plus, nos propositions ouvrent sur
une perspective de concertation et d’intervention de
l’ensemble des acteurs (organisations syndicales, associations,
élus) de la prise en charge actuelle de la perte
d’autonomie ce qui pose aussi la question de nouveaux
droits à conquérir pour ces acteurs. 
(1) Animateur de la commission nationale « Santé, protection sociale
» du PCF.

Jusqu'au bout, imposer sa religion

le 29 janvier 2011

Une nouvelle fois, un projet de loi portant sur l’aide médicalisée à mourir vient d’être rejeté ou pour être plus exact vidé de sa substance.

 

Interrogé sur la question, Jean Pierre Raffarin, sénateur UMP dans la Vienne et opposant à ce projet de loi, explique que « l’homme n’a pas le droit de mort sur l’homme », copie presque conforme du 6ème commandement de Moïse « tu ne tueras point », seul « dieu » ayant ce droit.
Ce même sénateur est pourtant beaucoup plus discret quant il s’agit de dirigeants d’entreprises qui, par leurs politiques managériales, poussent au suicide des salariés qui ne demandaient qu’à vivre paisiblement du fruit de leur travail. Il est tout aussi discret lorsque des fonctionnaires de services publics subissent le même sort face à la très forte dégradation de leur condition d’exercice (privatisation oblige) et de la disparition de leurs tâches d’intérêt général (lien social, écoute, solidarités, ...) au nom de sa vision sacro-sainte de rentabilité.
Venant d’un 1er ministre qui a refusé d’entendre les messages d’alertes lancés par les professionnels (notamment de santé) lors d’une canicule qui a fait 15 000 victimes, de tels propos apparaissent pour le moins décalés.

 

Une fois de plus, les opposants à ce projet ont fait preuve d’un manque total d’honnêteté intellectuelle en avançant des risques de dérapages alors même que de plus en plus de pays européens nous démontrent chaque jour un peu plus qu’il est relativement simple de les éviter.
Force est de constater que ce débat aura au moins eu le mérite de mettre clairement à jour les motivations purement religieuses (et quelque peu électoralistes) des opposants à cette demande de nos compatriotes.

 

« Accompagner la vie », c’est un très beau slogan mais qui cache une toute autre réalité. C ’est au nom de cette même défense de la vie que quelques uns combattent le droit à l’avortement acquis de dures luttes alors même que l’immense majorité de nos concitoyen-ne-s refusent de voir ce droit remis en question.
« Accompagner la vie », c’est aussi un slogan qui fait de l’être humain un objet presque inanimé à qui quelques uns s’octroient le droit d’ôter toutes capacités de décisions, de jugements, et sa liberté.
Si « Accompagner la vie » signifie accompagner des personnes, comment accompagner celles qui dans leur immense majorité (cf multiples sondages) refusent de se retrouver obliger de vivre dans des conditions indignes et inhumaines.

Est-ce les accompagner que de les obliger à vivre dans l’angoisse de se retrouver en pareilles conditions sans que personne n’ait le droit de les aider ?

Qu’y-a-t-il de plus anti-républicains que de bafouer, au nom de principes purement religieux, la liberté de chacun à disposer de sa vie, au mépris de l’égalité (les plus fortunés continueront de partir dans d’autres pays de l’UE) et de la fraternité qui veut que nous soyons à l’écoute des autres ?

 

En France aussi, les intégristes religieux dictent leur loi, avec - comme dans les autres pays - parmi leurs mêmes objectifs, celui de disposer du corps et de la vie de l’autre.

 

Les exemples sont nombreux – y compris dans l’histoire récente - pour nous montrer que quand une minorité se met à faire régner sa loi dans un pays, la démocratie est bafouée et le peuple est appelé à reprendre ses droits par la force ou par les urnes.

 

David Allizard

 

Sur le même sujet, vous pouvez aussi lire l’article accessible à cette adresse :
http://groupe-crc.org/Cette-proposi...

le 28 janvier 2011

Antoine Casanova - Les enjeux pour aujourd'hui et pour demain du débat sur l'identité nationale

le 28 janvier 2011

Antoine Casanova - Les enjeux pour aujourd'hui et pour demain du débat sur l'identité nationale

Dans le contexte du mouvement des réalités et des enjeux que nous vivons dans le monde, en Europe, en France, nous connaissons un renouveau de débats et de combats portant sur les questions de la nation et de la manière de comprendre l'identité nationale. Ce type de débats et de combats se poursuit en France depuis deux cents ans et avec des caractéristiques spécifiques aux différents événements historiques comme la Révolution française, la Restauration après Waterloo, la Commune de Paris, les années 1930-1940. Qu'en est-il des caractéristiques, des racines, des raisons de ces débats et combats dans le contexte des processus et des enjeux des années 2000-2010 ? Ceci compte tenu à la fois des traits et des réalités d'une histoire longue, notamment depuis la Révolution, mais aussi, par ailleurs, du fait que nous sommes à un seuil de l'histoire de l'espèce humaine. Un seuil de transformation des capacités et des forces productives humaines – qu'André Leroi-Gourhan qualifiait de nouvelle étape de l'hominisation – pour le meilleur et pour le pire. Et cela touche de très près aux rebondissements actuels, y compris sur la nation et les nations. Nous sommes acteurs et spectateurs de ces processus en même temps que nous sommes dans la crise systémique du capitalisme. C'est là un chantier de pensées et d'actions complexe d'autant plus difficile qu'il est en plein mouvement. J’essaierai, dans cet exposé, de contribuer à l'effort collectif de compréhension de ces processus par quelques observations et réflexions provisoires et sommaires, qui demanderont prolongements et transformations.

 

La retranscirption complète de l'audition est dans le pdf ci-joint.

le 22 janvier 2011

Houdou VIncent

le 19 janvier 2011

Nico4peace

le 18 janvier 2011