La revue du projet

La revue du projet
Accueil

20150205-LeP-Oise-Vos magasins ouvriront-ils le dimanche ?

le 04 février 2015

20150205-LeP-Oise-Vos magasins ouvriront-ils le dimanche ?

Quel avenir pour la base de défense de Creil ? Quelle politique militaire de la France ? - Creil, 27 janvier 2015

le 04 février 2015

Quel avenir pour la base de défense de Creil ? Quelle politique militaire de la France ? - Creil, 27 janvier 2015

Le compte-rendu et les vidéos de la conférence

n'ont jamais été aussi proches d'être mis en ligne !

Revenez voir cette page !

 

En attendant, quelques photographies commençant par des distributions de tracts à l'entrée de la base de défense et à la gare de Creil.

 

20150131-CP-Compiègne-Après Charlie : l"État pêche des idées auprès des associations

le 01 février 2015

20150131-CP-Compiègne-Après Charlie : l

Pour un rôle nouveau de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique !

Par Le Puill Gérard, le 01 février 2015

Pour un rôle nouveau de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique !

Du 30 novembre au 11 décembre 2015, Paris accueillera la Conférence mondiale sur le climat. Cette « COP21 » devrait réunir les 195 pays qui ont participé à la conférence préparatoire de Lima en décembre 2014. à Paris doit être pris l’engagement ferme de réduire les émissions de gaz à effet de serre(GES) de 40 % d’ici 2050. Cet engagement doit succéder à celui du protocole de Kyoto sur lequel ne s’engagèrent que très peu de pays avec des objectifs limités et rarement tenus ces dernières années. Le chiffre retenu à Lima doit permettre de limiter le réchauffement à plus 2° C par rapport à la température d’avant le développement industriel. En France, quoique nous fassions, la hausse moyenne de la température d’ici 2050, devrait, selon les prévisions du groupe d’experts environnementaux sur l’évolution du climat (GIEC), être supérieure de 0,6 à 1,3° C à celles que nous avons connues entre 1976 et 2005. La hausse moyenne des températures estivales serait de 2° dans le sud du pays par rapport à cette même période. On imagine alors que les orages d’automne favorisés par le réchauffement de la Méditerranée seront bien plus dévastateurs que ceux de l’automne 2014. D’où l’impérative nécessité d’agir pour freiner le réchauffement tant qu’il est encore possible de le faire.

Lutter efficacement contre le réchauffement climatique nécessite de repenser le fonctionnement de l’économie au niveau planétaire. Il faut rendre les activités économiques deux à trois fois moins gourmandes qu’aujourd’hui en énergies fossiles. On ne peut aboutir à un tel résultat sans remettre en cause la loi du marché spéculatif dans l’économie mondialisée que nous connaissons aujourd’hui. Cela suppose, par exemple, d’en finir avec la théorie des « avantages comparatifs » de David Ricardo pour la conduite de l’économie. Ces trente dernières années, cette vision libérale a servi de justification aux délocalisations des productions industrielles et agricoles. Ces délocalisations ont alimenté et accéléré les opérations de « destruction créatrice », selon la théorie conceptualisée par Joseph Schumpeter comme moteur du développement économique au xxe siècle. Aujourd’hui, cette théorie est toujours préconisée, au nom de l’innovation permanente. Cela débouche sur un processus de production trop gourmand en capitaux au regard de la richesse produite finalement. En témoignent les innombrables fermetures de sites industriels performants en France, dès lors qu’il était plus rentable de produire les mêmes biens dans les pays à bas salaires dépourvus de protection sociale et utilisant une énergie bien plus polluante que chez nous. En France même, la « destruction créatrice » touche désormais les bureaux et les locaux commerciaux. Et elle émet inutilement beaucoup de GES.

Bien identifier les émissions de GES afin de mieux les réduire

Voilà plusieurs décennies, avant même que l’on commence à parler du réchauffement climatique, le secteur industriel était considéré en France comme le principal pollueur. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les principales émissions de GES proviennent du mode de vie qui nous est imposé par l’économie libérale. En France, le transport routier comprenant les camions, les bus et les véhicules individuels émet 32 % du CO2, suivi par l’habitat résidentiel et les bâtiments du tertiaire devant l’industrie et l’agriculture. La production d’électricité intervient pour 11 % environ dans nos émissions de C02. Ces faibles émissions sont redevables aux centrales nucléaires qui produisent plus de 70 % de notre électricité.

Alors que l’objectif retenu à Lima pour la conférence de Paris est de réduire les émissions de GES de 40 % d’ici à 2050, Ségolène Royal affirmait, lors de la présentation de son texte de loi sur la transition énergétique, vouloir atteindre cet objectif dès 2030 et diviser nos émissions par quatre en 2050 par rapport à celles de 1990. Mais la ministre affirmait dans le même temps vouloir réduire la production d’électricité d’origine nucléaire à 50 % de notre production totale, ce qui suppose de relancer l’activité des centrales au gaz et au charbon, notamment en l’absence de vent pour les éoliennes et de soleil pour les panneaux photovoltaïques.

Truffé de propos volontaristes eux-mêmes chargés de contradictions, le document qui a servi d’argumentaire au texte de loi que la majorité parlementaire prévoyait de voter au cours de l’hiver 2015 affichait les objectifs suivants : « La diminution de notre consommation d’énergie de 20 % en 2030 et de 50 % en 2050 ; un objectif de performance énergétique de l’ensemble du parc de logement à 2050 ; l’accès de tous à l’énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages ; le principe de lutte contre la précarité énergétique. »

Nous avons là un condensé des contradictions que l’on retrouve aussi bien dans les conférences internationales sur le climat qu’au sein des gouvernements qui participent à ces conférences. Sous toutes les latitudes, les décideurs politiques retiennent des objectifs de réduction des émissions de GES sans la moindre réflexion sur changements à opérer au niveau des processus de production comme des modes de vie. Or nous avons besoin de clarté sur ces questions. Car il y a urgence. Organisateur d’une conférence dont les climatologues sont unanimes pour affirmer que ses conclusions seront décisives pour les prochaines décennies, la France se doit de faire des propositions précises pour réduire de 40 %, voire plus ses émissions de GES d’ici 2050. Les leviers à activer en priorité concernent la circulation sur route, l’isolation des bâtiments, la conception de l’urbanisme, l’économie circulaire, la conduite de la production agricole, la production énergétique, l’utilité économique et sociale de chaque réalisation au regard de ses émissions de GES.

Réduire la circulation, améliorer l’isolation des bâtiments et pratiquer l’économie circulaire

En France, des millions d’hommes et de femmes perdent des millions d’heures chaque jour dans des bouchons qui se forment matin et soir entre leur lieu d’habitation et la grande agglomération au cœur de laquelle ils vont travailler. Pour commencer à réduire nos émissions de GES dans ce secteur, il faudrait réduire rapidement la circulation sur route de 30 à 40 %. Cela produirait un double effet positif : moins de véhicules et une plus grande fluidité de la circulation. Mais, dans un premier temps, réduire sensiblement la circulation automobile suppose de mettre en place des mesures incitatives, y compris financières, en faveur d’un important développement du covoiturage pour se rendre au travail. Il faut parallèlement rompre avec la loi du marché spéculatif concernant la localisation des activités économiques qui s’agglomèrent de plus en plus au cœur et à la périphérie des grandes métropoles tandis que l’habitat se dissémine à des dizaines de kilomètres aux alentours de chaque grande ville. Car la voiture individuelle devient alors le principal moyen de locomotion. Il ne suffit pas de préconiser la voiture électrique chère à Ségolène Royal pour sortir de cette impasse. Il faut aussi rapprocher le lieu d’habitat du lieu de travail. L’amélioration des transports en commun fait partie de la solution. Mais la tendance actuelle est à leur dégradation. En témoigne leur saturation dans les grandes agglomérations tandis que la loi Macron préconise la relance des autocars dans tout le pays. Pendant ce temps, le fret marchandise quitte le rail pour la route faute d’un entretien suffisant des voies secondaires. C’est notamment le cas pour l’expédition des céréales depuis les coopératives de stockage jusqu’aux ports d’embarquement.

Améliorer l’isolation des maisons et des immeubles, dans le neuf comme dans l’ancien, permettrait d’économiser beaucoup de gaz, de fuel, voire de charbon qui sont des énergies émettrices de CO2. Mais beaucoup de propriétaires de maisons individuelles comme de bailleurs sociaux n’ont pas et n’auront pas demain les moyens d’entreprendre ces travaux. Si l’argent destiné au Contrat investissement emploi compétitivité (CICE) avait été orienté vers l’aide à la rénovation des bâtiments entre 2013 et 2017 au lieu d’être offert au patronat sans contrepartie, le bénéfice pouvait être triple sur la durée : moins d’importation d’énergies fossiles, moins d’émissions de CO2 en provenance de l’habitat, plus d’emplois dans la rénovation des bâtiments.

Des technologies existent aujourd’hui pour construire des immeubles et des maisons à faible consommation énergétique. Il faut que ces pratiques deviennent systématiques pour que les bâtiments produisent tout ou partie des énergies qu’ils consomment. Dans un pays ou l’accès à la propriété demeure une aspiration très forte, il n’est plus possible de continuer les politiques ségrégatives induites par la loi du marché qui éloignent les habitants les plus pauvres de leur lieu de travail pour habiter des maisons rendues énergivores faute de moyens financiers pour les rendre économes en chauffage. La question du logement doit être repensée en France pour réduire son bilan carbone dans les prochaines décennies. Ce qui suppose aussi des choix pertinents de matériaux, à commencer par le bois.

Encore balbutiante et essentiellement ciblée sur le recyclage des papiers, des cartons, du verre et des déchets ménagers, l’économie circulaire avec ce qu’elle comporte de recyclage et de réparations doit être développée en France, notamment dans le secteur des métaux. Souvent promue par des associations caritatives, l’économie circulaire va devenir incontournable au fur et à mesure que vont se raréfier et se renchérir des matières premières comme le fer, le cuivre, le plomb et de nombreux autres métaux. Il s’agit aussi d’une source d’emploi non négligeable avec de la réinsertion sociale.

Transformer notre agriculture énergivore pour en faire un puits de carbone

Selon la manière dont elle est conduite, l’agriculture peut émettre beaucoup de GES ou capter beaucoup de carbone. Les labours systématiques libèrent beaucoup de carbone et consomment beaucoup de carburants. Les utilisations massives d’engrais chimiques et de produits de traitement des cultures sont des facteurs aggravants. La spécialisation outrancière des exploitations de régions comme l’Île-de-France en productions végétales et d’autres, comme la Bretagne, en productions animales est de plus en plus polluante et économiquement inefficace. Les terres céréalières manquent de matière organique, ce qui appauvrit leurs sols. Celles qui concentrent l’élevage ont trop de matière organique à recycler sous forme de lisier, ce qui augment les pollutions. Il est possible de sortir progressivement de cette spécialisation outrancière, de réduire le bilan carbone de la production de nourriture en réduisant le prix de revient des denrées produites.

Pour les grandes cultures céréalières, il convient d’accroître autant que possible les techniques de travail simplifié du sol et le non labour que pratiquent des paysans avisés depuis un quart de siècle. Le non labour réduit la libération du carbone au moment d’implanter une nouvelle culture. Il améliore la vie du sol et favorise le travail des vers de terre qui transforment les débris végétaux en matière organique. Augmenter le pourcentage de matière organique améliore la fertilité des parcelles et permet de réduire les épandages d’engrais. Les plantes cultivées en inter-culture entre deux récoltes sont broyées avant un semis de blé ou de maïs et apportent à ces nouvelles cultures ces engrais verts produits par la photosynthèse sur un sol que l’on ne laisse jamais nu.

Nourrir les herbivores à l’herbe devrait aller de soi, mais c’est de moins en moins vrai. Naturellement omnivores, cela fait des décennies que les porcs ne mangent plus que du grain dans les élevages industriels. Mais l’alimentation des bovins, qu’il s’agisse de vaches laitières où de l’engraissement des bovins de boucherie, est de plus en plus granivore avec des épis de maïs ensilés en même temps que la tige. Après quoi on ajoute encore des céréales concassées et des tourteaux de soja importés dans l’auge des bovins. Le prix de revient de cette alimentation granivore est élevé, son bilan carbone est désastreux.

La bonne méthode consiste à nourrir les bovins, les ovins et le caprins à l’herbe. Surtout que les prairies sont des puits de carbone. Des mélanges appropriés de graminées et de légumineuses (ray-grass, dactyle, trèfles et luzerne) permettent de cultiver l’herbe sans recours aux engrais azotés, lesquels libèrent aussi beaucoup de GES au moment de l’épandage tandis que la fabrication a été coûteuse en gaz naturel. Mais c’est au nom de la réduction de la charge de travail que les éleveurs d’herbivores ont été poussés à utiliser plus de grain. Cela débouche aujourd’hui sur des aberrations comme la « ferme des 1 000 vaches » en baie de Somme.

S’il est possible de réduire l’alimentation granivore des herbivores dans un souci de réduire également les émissions de GES imputables aux élevages, il convient aussi de réduire la consommation de produits carnés dans les pays développés et émergents. Le Français consomme annuellement 86 kilos de viande avec os, 34 kilos de produits de la mer et de l’aquaculture, l’équivalent de 210 œufs et de 371 litres de lait par an quand on additionne le contenu de toutes les préparations qui entrent dans notre assiette. Un régime aussi riche en protéines d’origine animale est incompatible désormais avec la lutte contre le réchauffement du climat. Nous devrons davantage consommer des protéines végétales comme le haricot sec, le pois chiche et la lentille.

Planter des arbres dans les champs et recréer des ceintures vertes autour des villes

Jadis les exploitants familiaux pratiquaient l’agroforesterie sans le savoir quand ils cultivaient le sol de leurs vergers plantés de pommiers, de poiriers, de pêchers, de cerisiers, de noyers ou de châtaigniers. Pour freiner le réchauffement climatique, il faut davantage d’arbres qu’aujourd’hui afin d’absorber du carbone. En France, il s’agit moins de replanter des forêts que des arbres sur les terres agricoles. Qu’ils portent des fruits ou qu’ils soient destinés à devenir du bois d’œuvre, planter une cinquantaine d’arbres par hectare en rangées bien espacées sur des parcelles cultivées ne réduit pratiquement pas les rendements des cultures annuelles, ni la production d’herbe quand il s’agit de prairies. L’arbre enrichit le sol par la tombée annuelle de feuilles et par la remontée des nutriments puisés en profondeur dans la roche mère.

Avant le développement massif des transports routiers, toutes les grandes villes de France étaient entourées de ceintures vertes productrices de cultures maraîchères et fruitières. Elles ont disparu presque partout tandis que les tomates, les courgettes, les melons et les fraises cultivés du côté d’Agadir au Maroc font 3 000 kilomètres dans des camions réfrigérés avant d’atteindre les zones de logistique des distributeurs. Les camions ne passent que le détroit de Gibraltar en bateau. Puis ils reprennent la route à travers l’Espagne pour la France et d’autres pays européens. Recréer des ceintures vertes est donc indispensable pour réduire les émissions de GES. C’est vrai pour toute la France et plus encore pour l’Île-de-France qui compte près de 12 millions de consommateurs. Alors que 49 % de sa superficie est encore composée de terres agricoles, seulement 0,5 % de ces terres sont consacrées au maraîchage et à l’arboriculture fruitière.

Bien gérer le nucléaire et savoir utiliser l’eau pour freiner le réchauffement

Diversifier notre bouquet énergétique est indispensable, tant pour réduire les émissions de GES que pour économiser les énergies fossiles comme le pétrole et le gaz qui sont d’une grande utilité pratique. En optant pour une sortie rapide du nucléaire, l’Allemagne relance ses émissions de GES et fait payer de plus en plus cher la facture électrique aux ménages allemands. En France, la sortie du nucléaire ne peut être que lente et longue compte tenu du nombre élevé de centrales en activité. Si toutefois sortie il doit y avoir dans le courant du siècle en cours. Car des centrales plus économes que celles d’aujourd’hui en uranium et encore plus sûres dans leur conception seront peut-être fonctionnelles dans quelques années. En attendant, la production d’énergie renouvelable ne doit pas être limitée à la mise en place d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques. Les centrales les plus faciles à mettre en route quand il n’y a ni vent ni soleil sont celles des barrages hydroélectriques. D’Eguzon à Serre-Ponçon, en passant par d’autres sites, nous avons de bons exemples de barrages qui permettent d’écrêter des crues en cas de pluies abondantes et de produire de l’électricité en période de forte consommation sans relancer les centrales au charbon, au fioul ou au gaz. Et il est faux de dire qu’il n’existe plus de sites adéquats en France pour construire des barrages.

La manière dont a été conduit le projet de barrage de Sivens sur un cours d’eau à faible débit pour ne servir qu’à l’irrigation agricole est révélateur d’un manque de réflexion en amont d’un projet. Mais ne déduisons pas de cette erreur que nous n’avons pas besoin de stocker de l’eau en surface pour les prochaines décennies. Des grands pays comme la Chine, l’Inde, le Pakistan, l’Iran et même les États-Unis vont avoir de plus en plus de mal à s’approvisionner en eau parce qu’ils en ont trop peu stocké en surface et trop pompé dans les nappes phréatiques. Nous ne devons pas commettre cette erreur dans un pays bien irrigué en ruisseaux, rivières et fleuves. Il existe dans nos régions beaucoup de vallées encaissées aux prairies abandonnées par l’agriculture. Sous réserve d’études d’impact dans chaque cas, il est possible de trouver des sites pour produire de l’électricité en alternance avec les éoliennes et disposer de volumes d’eau suffisants pour alimenter les foyers et certaines cultures vivrières en cas de sécheresse. En faisant travailler des hydrologues en amont de chaque projet, nous aurons plus d’eau pour verdir la France afin de la rendre plus résiliente face au réchauffement.

Changer notre manière de vivre et repenser les critères d’une société de progrès

En France, les comportements les plus inconséquents face à la nécessité de lutter contre le réchauffement du climat sont ceux des décideurs politiques et des décideurs économiques. Les premiers sont généralement dépourvus de réflexion prospective et gèrent le court terme le regard fixé sur la prochaine élection. Ils décident ce que leur soufflent leurs conseillers pour passer ce cap. Les seconds décident en fonction de leurs intérêts immédiats dans la majorité des cas, soumis en permanence aux critères de la rentabilité financière la plus immédiate et la plus élevée possible. Même dans les négociations sur le climat, les décisions réputées positives pour freiner le réchauffement sont prises selon des critères de rentabilité financière. Or la lutte pour freiner le réchauffement passe par une réduction massive des gaspillages engendrés par la société capitaliste qui appauvrit chaque jour des centaines de millions de gens dans les pays développés. Désormais les solutions ne jailliront que du débat citoyen car nous devons aussi orienter notre façon de vivre vers moins de consommations superflues proposées par le marché. Et si le Parti communiste français a plus d’atouts que d’autres pour nourrir ce débat, il lui faut désormais bien baliser le chemin de la construction d’une société prenant en charge les enjeux climatiques. C’est aussi un bon tremplin pour rassembler la gauche de la gauche en France.

 

(*) Journaliste et auteur. Il vient de publier « L’écologie peut encore sauver l’économie », coédité par Pascal Galodé et l’Humanité,  un livre de réflexion prospective sur les enjeux climatiques du siècle en cours.

 

Théories sur la révolution technologique informationnelle : Ses enjeux ambivalents pour la crise systémique radicale et le besoin d’un autre système *

Par Boccara Paul, le 01 février 2015

Théories sur la révolution technologique informationnelle : Ses enjeux ambivalents pour la crise systémique radicale et le besoin d’un autre système *

Montée, nature et portée ambivalente de la révolution informationnelle

Vers la fin des années 1960, on assiste à la progression de technologies si fondamentalement nouvelles, dans leur nature et leur portée sociale, qu’on a pu parler par la suite à leur sujet de révolution informationnelle en relation avec le rôle nouveau des ordinateurs (1). Non seulement cette mutation technologique a pu être ainsi caractérisée à l’intérieur du système capitaliste, comme participant à sa crise systémique radicale tout en allant au-delà de l’économie, en concernant l’anthroponomie et donc toute la civilisation. Elle concerne, en effet, non seulement la production, la civilisation, avec l’automation dépassant les machines-outils de la révolution industrielle, mais aussi le dépassement de l’imprimerie.

Cependant, on a pu aussi parler de « société de l’information » puis de « révolution de l’information » (2), et antérieurement de « société post-industrielle » avec une « nouvelle technologie de l’intellect » en relation avec « l’avènement de l’ordinateur » (3) et de « société du savoir » ou d’« informatisation de la société » (4) ou encore de nouvelles ères de la communication et de « révolution de la communication » (5), d’économies fondées sur la « connaissance » avec « l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication » (6), de « révolution numérique » (7) et d’« économie immatérielle », de la Net économie et de « cyber espace » (8) voire de « capitalisme informationnel » (9) ou encore de « capitalisme cognitif » (10), etc.

À l’opposé de l’accent mis sur la communication et les media de masse par Dominique Wolton, en partant de l’ère de la communication et en considérant tout l’ensemble de la télévision et de l’ordinateur jusqu’à  l’Internet, il s’agit de l’accent mis sur l’information et de la rupture révolutionnaire introduite par l’ordinateur. Au-delà de la transmission internationale, l’ordinateur permet le remplacement du traitement de l’information par le cerveau humain par son traitement en partie par des moyens matériels, automatiquement grâce aux logiciels (11).

Et aussi, à l’opposé de l’idée de « troisième révolution industrielle » de Jeremy Rifkin, qui aurait démarré avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (et aussi du développement des énergies renouvelables) (12). Il y a non seulement un processus d’achèvement de la révolution industrielle vers le remplacement complet de la main dans la production avec l’automation (13) permis par ce qu’on appelait les calculateurs électroniques, avec les machines-outils ou commandes numériques, mais encore une nouveauté tout à fait fondamentale, une autre révolution.

En effet, « dans la révolution industrielle… on a essentiellement le remplacement de la main de l’artisan maniant l’outil par la machine-outil qui fait mouvoir l’outil. Dans la révolution informationnelle, on a essentiellement le remplacement de certaines fonctions du cerveau humain par des moyens matériels, cela pour des opérations de stockage, de traitement et de transferts d’informations, comme cela a lieu avec les ordinateurs. » (14)

Et, en outre, « avec les ordinateurs, ce n’est pas seulement la production matérielle et l’économie qui sont concernées. Déjà l’imprimerie avait permis le remplacement de la main maniant la plume, avec de très importantes implications sociétales. Désormais, avec la révolution de la numérisation binaire, les moyens des services et de la production informationnelle connaissent une autre révolution plus profonde encore. La numérisation binaire peut matérialiser tous les types d’informations objectives, d’où le caractère multimédia des ordinateurs concernant tous les types de données, textes, sons, images. » (15)

La numérisation binaire (1,0) va permettre la miniaturisation des matériels sans cesse poussée, avec la micro-électronique et ses composants de plus en plus petits et contenant de plus en plus d’informations, selon « la loi de Moore » (16), la montée en puissance et la chute des prix.

La portée sociale radicale mais très ambivalente de la révolution informationnelle, rendant compte de la radicalité de la crise du système capitaliste mondialisé, résulte d’« un premier ensemble fondamental d’implications : le développement du partage des coûts informationnels, à l’opposé d’échanges classiques sur le marché. En effet, désormais les informations symbolisées prédominent. Elles sont fondamentalement différentes des machines ou encore de produits industriels standards. Une machine est ici ou là ; c’est une base de la propriété privée, de son échange et de la concurrence. Une information, comme le résultat d’une recherche, peut, par contre, être partagée indéfiniment, jusqu’à l’échelle mondiale. Si je livre un produit industriel standard à un autre, je ne l’ai plus. Aussi celui à qui je livre le produit doit payer tous ses coûts, pour que je récupère au moins de quoi reproduire. Mais si je livre une information à un autre, je la conserve, tout en pouvant la livrer à un nombre indéfini de personnes. Je peux donc en partager les coûts avec tous ceux à qui je la livre. Dans le cas du produit industriel standard, nous avons l’échange sur le marché entre équivalents. Mais dans le cas de l’information nous avons un partage des coûts possible. » (17) Il faut souligner que « le concept de partage de l’information »… va bien au-delà du concept « d’externalités positives » des dépenses de recherche de l’entreprise, bénéficiant à l’extérieur de la société, et justifiant le soutien traditionnel de l’État. Il va aussi au-delà du concept « d’économie d’échelle » justifiant la concentration, ou encore de celui de « coût de reproduction négligeable » justifiant les surprofits par la conquête des marchés. Le partage se relie aux concepts de « bien non rival » et de « bien non exclusif ». Mais il ne se limite pas à certains biens plus ou moins classiques, en concernant les caractères grandissants de toute la production dans les conditions de la révolution informationnelle (18).

Ambivalence des implications entre exaspération du système capitaliste et besoin d’un autre système

On peut considérer que la montée de la prédominance du partage des résultats et des coûts informationnels entraîne, désormais, la possibilité d’autres règles que celles du marché et du capitalisme.

Cependant, sous les pressions spéculatives, idéologiques et politiques des capitaux financiers transnationalisés, la prédominance des informations et de leur partage a été récupérée, avec la mondialisation capitaliste, par les privatisations et l’expansion formidable des groupes monopolistes multinationaux. En effet, ces derniers peuvent partager les coûts de recherche-développement à l’échelle mondiale, et cela bien davantage que ne le pourrait une entreprise nationale. Ils utilisent le marché financier pour les prises de contrôle, le financement et la valorisation des actifs informationnels ou immatériels. Ils visent en outre le contrôle des marchés et la protection de leurs surprofits.

Le partage des coûts informationnels vise à réduire les coûts dans de grands ensembles privatifs monopolistiques. Mais ceux-ci rivalisent entre eux, jusqu’à chercher à se détruire. Ils mettent en concurrence les salariés du monde entier en détruisant des emplois, et en refoulant les exigences nouvelles de la formation, pour la rentabilité financière des capitaux. D’où l’ambivalence et les antagonismes entre le développement des potentiels de dépassement effectif et, au contraire, l’exaspération des contradictions du système existant mondialisé.

D’autres auteurs doivent reconnaître que le « développement de deux tendances profondément contradictoires creuse une ligne de fracture pour l’évolution future des techniques, de l’économie et des sociétés. Deux scénarios s’y affirment. Le premier est activement promu par un petit groupe de multinationales [...]. En permanence s’élargissent les domaines d’application des titres de propriété (brevets, copyright […])

Des mouvements très importants s’exercent en sens inverse, conduisant au développement de nouveaux modes d’innovation et de création coopérative reposant sur le partage libre des connaissances et de leurs droits d’usage [...] cette coalition de biens communs que nous appelons de nos vœux est-elle envisageable. Le rééquilibrage en faveur des biens communs, face aux mécanismes restrictifs dans le champ de l’information… représente-t-il un projet utopique ? [...] le rapport de forces n’est-il que disproportionné… ? [...] Le facteur essentiel pour une coalition de biens communs tient-il dans la capacité à articuler son projet avec celui d’une redomestication générale du capitalisme » (19). On voit ici, néanmoins, malgré les vœux concernant les biens communs, à l’opposé de la crise radicale du système capitaliste et de sa mise en cause en direction d’un autre système, la vision de la conciliation avec une maîtrise de système conservé.

Ce point de vue d’une mixité de conciliation persistante, malgré ses critiques, au lieu d’une mixité de transition avec une prédominance évolutive vers un autre système, se trouve déjà dans l’ouvrage de Philippe Aigrin : Cause commune. L’information entre bien commun et propriété, Fayard, Paris, 2005, où il emploie d’ailleurs l’expression de révolution informationnelle (Ouvrage cité, p. 31). Il évoque dans la préface une économie plurielle non pas seulement de marché mais « avec marché » (ibidem, p. 15). L’auteur souligne « la dimension planétaire des tensions entre propriété et biens communs » avec « la mondialisation de la propriété » (ibidem, p. 33), ainsi que les « deux mondes »… des programmeurs de logiciels libres distribués dans le monde entier… [et] des multinationales [qui] produisent des contenus standardisés… défendant leurs monopoles par de multiples murs de propriété » (ibidem, p. 24-25) avec « la surpuissance des entreprises du nouveau capitalisme informationnel »( ibidem, p. 99), ainsi que selon Jeremy Rifkin « La nouvelle culture de l’hypercapitalisme, où toute la vie est transformée en activité payante »( ibidem, 195) Cf. Jeremy Rifkin, The Age of Access, the New Culture of Hyper capitalism Where All life Is a paid- For Experience, J.-P. Tarcher/ G.P. Putman’s Sons, New York, 2000, traduction française L’Âge de l’accès, La Découverte & Syros, Paris 2000.

Cependant, en ce qui concerne « les biens communs informationnels », il insiste sur « le rôle de l’État » (ibidem, p. 179). Et il propose « des mesures de la taxe sur l’appropriation intellectuelle » (ibidem, p .219) ainsi que des « arbitrages fondamentaux entre biens communs et propriété. »(ibidem, p. 232).

Plusieurs spécialistes soulignent que les arbitrages et réglementations étatiques sont confrontés aux conflits entre prélèvements gratuits permis par la technique avec le téléchargement et la dénonciation du « piratage massif des œuvres », notamment musicales et cinématographiques, et les mesures pour les dissuader ou les faire payer. Et au-delà ce sont les oppositions entre perspectives de biens publics participatifs et leur financement public ou protections des propriétés et des monopoles capitalistes soutenues par l’État (20).

Le débat persiste entre deux pôles contradictoires des interventions publiques. On le voit dans les rapports de Jean Tirole, Claude Henry, Michel Trommetter et Laurence Tubiana, Bernard Caillaud.

Dès l’Introduction, Christian de Boissieu demande : « Comment protéger l’inventeur et l’innovateur sans créer des rentes excessives… et sans nuire à la diffusion souhaitée… des nouveaux produits. […] Il y a là des enjeux essentiels pour les régulations publiques avec un curseur délicat à placer. » (21)

Dans son Rapport, Jean Tirole déclare : « La protection de la propriété intellectuelle a toujours dû arbitrer de manière fine entre des objectifs contradictoires, la création d’un environnement propice à l’innovation et la diffusion de l’innovation une fois celle-ci réalisée […].

Le rapport débute par un rappel de la logique de la protection de la propriété intellectuelle et de l’articulation entre ses différentes formes, en particulier le brevet, le secret de fabrication et le droit d’auteur. Cette protection de la propriété intellectuelle est destinée à créer une incitation à produire de la connaissance (un bien public). » (22)

On comprend que, pour la suite, le législateur, dans le cas de la France, ait pu hésiter entre d’abord l’adoption de la coupure d’Internet en sanction contre le téléchargement illégal instaurée en 2009 mais très peu appliquée, puis sa suppression en 2013. Tandis que, par ailleurs, le Code de la propriété intellectuelle ait pu prévoir, notamment, des accords relatifs à la rémunération des auteurs et des artistes, ainsi que leurs modalités. (Cf. « Les 80 propositions du rapport Lescure », 13 mars 2013, <http://obsesssion.nouvelobs.com/high-tech/20130513.OBS8851>).

Mais plus concrètement, dans l’économie des logiciels, se sont développées des tendances contradictoires et leurs tensions dans le système capitaliste, ainsi à la fois exacerbé et pouvant être mis en cause.

D’un côté, c’est l’irrésistible domination de quelques très grands groupes monopolistes. Ainsi, à propos des progiciels commercialisés : « depuis les années 1990… c’est la même entreprise (Microsoft) qui domine les principaux segments avec des parts de marché proches de 90 %.

La place acquise par Microsoft ne repose pas sur une supériorité qualitative de ses produits, mais sur le pouvoir financier et technologique, que lui confère sa position monopolistique acquise sur les systèmes d’exploitation par micro-ordinateurs. Dès 1991, le chiffre d’affaires de Microsoft, constitué par la plus grande part de la vente du système d’exploitation, est supérieur à la somme des quatre entreprises suivantes avec un taux de profit bien supérieur. » (23)

Plus précisément : « Microsoft a réussi notamment à conquérir en quelques années le marché des navigateurs, qui était au départ complètement dominé par Netscape. Pour imposer son navigateur (Internet Explorer), Microsoft conclut des accords avec les fournisseurs d’accès à Internet et les constructeurs de micro-ordinateurs… puis fournit gratuitement Internet Explorer et enfin intègre celui-ci à Windows 98. » (24)

D’un autre côté, « dans l’économie du logiciel, le monde de la création correspond au développement des logiciels libres qui sont des logiciels distribués avec leur code-source et avec l’autorisation de les rétribuer librement. Ce monde est le lieu de la création originale de logiciels très divers [...] le plus connu est le système d’exploitation Linux. » (25)

On retrouve toujours les tensions entre propriété collective et partages, d’une part, et récupérations des apports de logiciels libres par des grands groupes capitalistes monopolistiques, qui peuvent de leur côté les soutenir avec les autres interventions des pouvoirs publics. D’une part : « Pour protéger les logiciels libres contre tout verrouillage technique ou légal de leurs utilisateurs… ont été créées des licences publiques… le logiciel libre apparaît fondamentalement comme un système d’antibrevet, où la propriété n’est pas garantie mais refusée… [cela] implique la gratuité de fait de ces logiciels […] une activité fondamentalement non marchande […] une tradition éthique de partage des connaissances. » (26)

D’autre part : « les logiciels libres… ont bénéficié d’un soutien de certaines entreprises informatiques exerçant des activités complémentaires : vente par des constructeurs (Dell, HP, Compaq) de micro-ordinateurs et de serveurs avec des logiciels libres préinstalllés [...] Le financement de la participation au logiciel libre doit être assuré par la vente d’autres produits auxquels ils sont associés et qui doit être favorisée par cette participation.

Pour des entreprises comme Sun ou IBM qui vendent du matériel et des logiciels, l’importante contribution à des logiciels libres présente notamment l’avantage de pouvoir orienter les développements dans une direction conforme à leurs intérêts. » (27)

Et en ce qui concerne le rôle des pouvoirs publics : « si l’on estime toutefois que les logiciels libres ont un rôle bénéfique pour l’ensemble de l’économie des logiciels, un soutien délibéré des pouvoirs publics peut s’avérer nécessaire pour que les logiciels libres continuent à se développer » (28).

Cela se rapporterait tout particulièrement aux « méthodes de développement » comme « la conception participative », « qui donnent la possibilité aux utilisateurs d’apprécier concrètement les futures caractéristiques du logiciel et de réagir devant le processus de développement » et « peuvent permettre de mieux répondre aux besoins réels des utilisateurs […] peuvent faciliter le dialogue et l’inter compréhension entre concepteurs et utilisateurs des applications » (29).

Cependant les spécificités radicalement novatrices des technologies de la révolution informationnelle permettraient aux récepteurs d’informations d’intervenir à leur tour et de faire partager leurs interventions dans une intercréativité. Cela entraînerait les potentiels d’un tout autre système, sans empêcher néanmoins l’exacerbation des dominations monopolistiques dans le système capitaliste mondialisé et les défis d’une alternative entre eux.

« La révolution numérique et la télé-numérisation intermédia de toutes les informations humaines (30) ont des caractères et des implications sociétales qui peuvent s’opposer à ceux qui se rattachent aux technologies de l’imprimerie dans les sociétés libérales. Cela peut, à la fois exacerber, mais aussi mettre en cause les séparations éditeurs/auteurs/lecteurs dans l’ensemble de la culture et par là-même, pour la vie en société. La possibilité monterait de la prédominance de dialogues interactifs, éventuellement opposés à la scission “auteurs/lecteurs” avec la rotation des rôles pour chacune et chacun entre apport d’écoute et réception. Un partage des activités de création informationnelle commence à être possible à tous les niveaux, avec notamment les sites et les blogs personnels ou d’associations. Mais à l’inverse, les exigences concernant les capacités créatrices et les financements peuvent aussi entraîner les prises de contrôle des activités les plus intéressantes, leur utilisation par la publicité ainsi que la domination des services par les groupes monopolistiques […].

L’information nouvelle pourrait désormais rester ouverte aux retransformations possibles et aux modifications opérées par chacun […]. Cela ouvre la possibilité de voir chacun participer à un processus inachevé de créations. [...]

Face aux dominations des entreprises multinationales ou encore des appareils étatiques, d’autres groupements pourraient intervenir. C’est déjà l’utilisation grandissante des moyens de la révolution informationnelle par les associations non lucratives et d’intérêt social, par les universités et institutions de recherche, ou encore par les partis politiques, etc. Mais aussi, face à l’insuffisance des compétences et des moyens, c’est la possibilité de nouvelles associations d’usagers (31) que les pouvoirs publics pourraient favoriser avec de nouveaux droits pour leurs réseaux citoyens. » (32)

En d’autres termes, il a pu être précisé à propos des nouvelles techniques, que « Les technologies de communication… tel l’internet et la téléphonie mobile, sont susceptibles d’engendrer un régime de réciprocité […]. Elles tranchent ainsi avec les technologies précédentes orientées surtout vers la transmission de l’information et de la diffusion des contenus. Les nouvelles technologies intègrent ces fonctions de transmission et de diffusion mais, surtout, elles permettent l’instauration d’un régime de réciprocité dans la communication. […] les usages des technologies de communication… agissent comme révélateurs de nouveaux enjeux politiques et éthiques d’une société hypermoderne hautement connectée » (33).

Par exemple, dans le même sens, on a pu souligner : « les solutions basées sur des technologies numériques ouvrent peut être… la voie à une réappropriation par les citoyens de sa santé […].

Les lois de 2002 et 2004 sur les droits de la personne malade sont venues conforter cette réappropriation. La relation médecin/malade se rééquilibre. La parole du premier ne peut plus s’exprimer sur la forme de la simple injonction (ordonnance, prescription), quand celle du second veut être reconnue, et souhaite que la décision soit partagée […] le premier apporte des TIC à la santé, c’est l’information citoyen/patient, la possibilité pour lui d’échanger avec d’autres lui-même. L’Internet est un facteur clé… » (34)

Cela développe, outre le soutien de l’information des citoyens tout particulièrement pour des services publics, le défi d’une « co-élaboration » entre professionnels et usagers comme les patients pour la santé.

D’un côté, « cela impose de repenser le rôle de l’État. Régulation ou mission régalienne comme en Grande Bretagne ou aux Pays- Bas, où le service public propose un site d’information médicale grand public ».

D’un autre côté, « Pour le médecin ce nouveau citoyen/patient va orienter les pratiques vers un rôle… de partage des informations et des décisions jusqu’à devenir lui-même le prescripteur d’informations permettant à la personne d’élaborer les décisions… Ici comme ailleurs, l’Internet est et sera un levier de transformation radicale […] Les citoyens préoccupés de leur santé… peuvent échanger sur leurs problèmes […] Les progrès de la médecine, de même que sa pratique quotidienne, se feront de plus en plus dans un acte de co-élaboration, manière de réconciliation entre deux parties, les professionnels de la santé et les patients œuvrant pour un même objectif […] Grâce au numérique, une nouvelle santé citoyenne est en cours d’apparition. » (35)

En effet, en s’appuyant notamment sur des études de revues médicales, des théoriciens des nouvelles technologies informationnelles ont pu affirmer que « les réseaux informatiques ont permis de coordonner des groupes d’entraide, fourni à des associations de patients des outils pour augmenter leur visibilité et leur poids politique [...] La recherche d’informations de santé en ligne est, depuis le début des années 2000, l’une des activités les plus communes des internautes […] les patients qui cherchent soutien et avis dans les forums en ligne dans les médias sociaux ne veulent pas être ménagés par les spécialistes, ni être renvoyés au rôle d’objet passif d’une démarche thérapeutique [...] Le rôle des professionnels de la santé serait d’orienter, non plus de contraindre les usagers à un traitement. Ils ne détiendraient plus une autorité absolue, mais seraient partis prenante d’un réseau d’acteurs où leur pouvoir serait équivalent à celui des familles, des associations ‒ et des communautés virtuelles qui fleurissent sur la Toile. Dans cet environnement social et technologique, les patients et les médecins collaboreraient pour collecter les informations relatives à la santé, accéder aux dossiers médicaux personnalisés et aux résultats d’examens… [Cela] marquerait l’avènement d’une nouvelle ère dans les rapports entre corps médical et communautés de patients. Il serait alors envisageable que les deux parties évaluent ensemble les alternatives thérapeutiques qui se présentent et établissent les modalités et le calendrier des soins » (36).

Au-delà des différents secteurs d’informations et d’interventions partagées possibles, tout particulièrement dans les différents services publics, on peut souligner l’importance de l’information publique participative nouvelle dans tous les pays dépassant la presse traditionnelle, avec les interventions sociales éventuelles corrélatives, notamment politiques.

Le thème qui a pu être plus précisément avancé à ce sujet, est « les réseaux sociaux nouveaux médias d’information » (37). Sous ce titre L. Forestier et S. Maria déclarent que « La vaste toile virtuelle tissée entre les intervenants par le biais des réseaux sociaux facilite la circulation dans le partage d’informations entre les individus ; grâce aux réseaux nationaux et internationaux… l’information devient donc immédiate et accessible au-delà des frontières physiques et culturelles […] les informations diffusées sur les réseaux sociaux sont régulièrement reprises dans la presse ou à la télévision. »

Au colloque « Les réseaux sociaux : les nouveaux maîtres de l’information ? » de 2013, il est affirmé : « Apparus dans les années 1990 pour permettre les échanges entre personnes… il s’avère qu’aujourd’hui, ces réseaux sociaux ont pris une autre dimension dans nos vies et notamment celle des journalistes, qui diffusent l’information… ont changé la pratique journalistique… Avec les réseaux sociaux, serons-nous tous demain journalistes ? [...] le rôle des journalistes est dorénavant de filtrer l’information… Au cœur des réseaux sociaux : Facebook avec plus de 1 milliard 200 millions de comptes actifs dans le monde […]. On parle [aussi] beaucoup de Twitter… des réseaux sociaux professionnels comme Viadéo… cependant les réseaux peuvent être piratés. » (38)

Dans tous les domaine de la vie, il faut de nouveau souligner les ambivalences concernant la crise systémique notamment la « cyber-dépendance » mais aussi les potentiels d’un autre système social et de civilisation possible, avec tout particulièrement la progression de l’équipement individuel technologique, comme les smartphones et les tablettes, poussant à une nouvelle sociabilité [Cf. Sébastien Compagnon, « Internet et smartphones : comment survivre dans une société connectée », <http://www.larepubliquedespyrenee.fr/2013/02/04>]. n

 

* Extraits du deuxième volume (Partie III) de l’ouvrage de Paul Boccara, Théories sur les crises, la suraccumulation et la dévalorisation du capital, à paraître chez Delga en août 2015, sous le titre « Crises systémiques et cycles longs. Transformation du capitalisme jusqu’aux défis de sa crise radicale ».

-------------------------

(1) Voir Paul Boccara sur la « Révolution informationnelle »in Issues, 2e et 3e trimestre 1983 ; La Pensée, octobre 1984 ; La Pensée, janvier- février – mars 2008. Cette expression est reprise, sans se référer à la première mention du concept, dans Jean Lojkine, La révolution informationnelle, PUF, Paris, 1992, ou encore dans l’Introduction de Christian de Boissieu au rapport sur La société de l’information de Nicolas Curien et Pierre-Alain Muet, Conseil d’analyse économique, 2004. Cependant, déjà en 1968, Herbert Simon sous le titre « L’avenir de la technologie du traitement de l’information » pouvait dire, en évoquant la présence des ordinateurs : « Nous devons nous demander s’il et réellement justifié de qualifier de “révolution”, l’évolution actuelle de la technologieou d’“explosion” le phénomène qui affecte plus précisément l’information »(Administration et processus de décision, Economica, Paris, 1983, traduction française de Administration Behaviour, A Study of Decision- Making Process in Administrative Organization, The Free Press, New York, 1973, p. 251).

(2) Cela concernait le sénateur puis vice-président Al Gore aux États-Unis en 1992 puis 1993 (cf. Société et Technologie de l’information, www.shotgun, 2013.fr. Après Simon Nora, Alain Minc pour « Société d’information », in L’informatisation de la société, La Documentation française, Paris, 1978 et avant le rapport déjà cité du Conseil d’analyse économique de 2004.

(3) Daniel Bell, Vers la société post-industrielle, Robert Laffont, Paris, 1976, traduction française de The Coming of Post-Industrial Society, Basic Books, Inc., Publishers, New York, 1973, p. 50, 59, 259).

(4) Simon Nora, Alain Minc, L'informatisation de la société, nouvelle informatique et nouvelle croissance, La Documentation française, Paris, 1978.

(5) Dominique Wolton, Internet et après, Flammarion, Paris, 2000, p. 9 et p. 32.

(6) Dominique Foray, L’économie de la connaissance, La Découverte, Paris, 2000, p. 3.

(7) Pierre Musso « La révolution numérique : de l’économie industrielle à l’économie immatérielle », La Pensée, juillet-août-septembre 2008. Voir déjà Laurent Cohen-Tanugi, Le nouvel ordre numérique, Odile Jacob, Paris, 1999.

(8) « Les défis de la net économie », Problèmes économiques, 18 février 2009 et « Qui tire les câbles du cyberespace ? », Laurent Checola et Olivier Dumont, ibidem, p. 8.

(9) Patrick Viveret, « Capitalisme informationnel et émergence d’une société civique planétaire », 29/01/2000, Attac France.

(10) Yann Moulier-Boutang, Le capitalisme cognitif. La nouvelle grande transformation, Amsterdam, Éditions, 2007.

(11) « Quand on est confronté à l’action d’un logiciel… on peut considérer qu’on a affaire à des acteurs non humains avec lesquels l’utilisateur va devoir composer […] des connaissances sont encastrées(embedded) sur un support physique… indépendamment des agents humains… comme un texte numérique actif […] qui agit dans la mesure où il se compose d’un ensemble d’instructions qui seront exécutées automatiquement par une machine »(François Horn, L’économie des logiciels, La Découverte, Paris, 2004, p.7-8).

(12) Jeremy Rifkin, La troisième révolution industrielle, traduction française de The Third Industrial Revolution, 2011, éd. Les liens qui libèrent, 2012.

(13) Cf. John Diebold, Automation, traduction française Automatismes (Automation). Vers l’usine automatique, Dunod, Paris, 1957.

(14) Paul Boccara, « La révolution informationnelle », La Pensée, janvier-février-mars 2008, p. 5.

(15) Ibidem, p. 6 et 7.

(16) En 1965 puis 1975, Gordon E. Moore formule sa « loi » empirique selon laquelle le nombre de transistors contenus dans les microprocesseurs double tous les deux ans, comme conséquence de la miniaturisation croissante des composants électroniques ; qui touche également les mémoires des ordinateurs. Des processeurs contenant des milliers de transistors, on passe à des millions puis des milliards. Il y a également progression en puissance et chute des prix (La loi de Moore, <http://www.com>).

(17)  Paul Boccara, « La révolution informationnelle », La Pensée, article cité, p. 12.

(18) Ibidem, p. 13.

(19) Philippe Aigrin « Le temps des biens communs » in Internet révolution culturelle, Manière de voir, Le Monde Diplomatique, n° 109, février- mars, 2010, p. 68-69-70.

(20) Cf.Pierre-Noel Giraud, « Un spectre hante le capitalisme : la gratuité » (Problèmes économiques, 16 janvier 2008, p. 16-18) ; Bernard Benhamou, « L’Internet et l’échange gratuit : quelle place dans la société de l’information » (ibidem, p. 19-22) ; Extraits du rapport Olivennes, « Comment développer et protéger les œuvres culturelles sur le Net » (ibidem, p. 23-29).

(21) Conseil d’analyse économique, Propriété intellectuelle, La Documentation française, Paris, 2003, p. 7.

(22) Ouvrage cité, p. 9

(23) François Horn, L’Économie des logiciels, La Découverte, Paris, 2004, p. 87.

(24) Ibidem, p. 88.

(25) Ibidem, p. 91.

(26) Ibidem, p. 92-93-94.

(27) Ibidem, p. 106 et 108.

(28) Ibidem, p. 113.

(29) Ibidem, p. 55-56.

(30) Laurent Cohen-Tanugi, Le nouvel ordre numérique, Odile Jacob, Paris, 1999.

(31) Cf. « La mobilisation des associations d’usagers » pour « créer et diffuser », in Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès..., ouvrage cité, p. 380-381.

(32) « Les ambivalences de la révolution informationnelle », La Pensée, article cité, p. 15-16.

(33) Francis Jauréguiberry, Serge Proulx, Usages et enjeux des technologies de communication, Éditions éres, Toulouse, 2011, p. 8 et 9.

(34) Roger Picard et Antoine Vial, « Quand le citoyen se réapproprie sa santé», La Gazette de la société et des techniques, repris dans Problèmes économiques, 02 2013, p. 58 et 61.

(35) Ibidem, p. 61 et 63.

(36) Antonio A. Casilli, « Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? », Éditions du Seuil, Paris, 2010, p. 176, 180, 183, 184.

(37) <http://www.tilder.com/les-reseaux-sociaux- nouveaux- medias- d’information/>.

(38) <http://clemidijon.info/colloque-les-reseaux-sociaux-les-nouveaux-maitres-de-l’information>.

 

20150130-LeP-Creil-Un collège musulman attendu pour septembre

le 30 janvier 2015

20150130-LeP-Creil-Un collège musulman attendu pour septembre

20150130-CP-Oise-Sundy a battu l'indifférence avec la moitié de son cerveau

le 30 janvier 2015

20150130-CP-Oise-Sundy a battu l'indifférence avec la moitié de son cerveau

20150128-BonP-Monchy-Saint-Éloi-Alain Boucher remonté contre la baisse des dotations de l'État

le 29 janvier 2015

20150128-BonP-Monchy-Saint-Éloi-Alain Boucher remonté contre la baisse des dotations de l'État

20150129-CP-Amiens-Le président de la Mutualité française « Le tiers-payant, un outil efficace »

le 29 janvier 2015

20150129-CP-Amiens-Le président de la Mutualité française « Le tiers-payant, un outil efficace »

Conférence de Presse de Pierre Laurent du 27 janvier à Toulon

le 28 janvier 2015