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La ville et la mutation écologique, des questions inédites, François Labroille*

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Si chaque grande mutation historique se cristallise dans la transformation des villes, nous sommes probablement entrés dans une phase inédite, celle de la mutation écologique.

La conjonction des crises sociales, économiques, écologiques… tout annonce des métamorphoses urbaines d’aussi grande ampleur que celles qui ont accompagné les révolutions industrielles. L’examen des évolutions récentes en région Ile de France est une illustration de quelques unes des questions qui en résultent.

La montée en puissance des préoccupations écologiques

 En matière d’urbanisme en Ile de France, la montée en puissance des préoccupations écologiques ces dernières années est spectaculaire. Il suffit pour s’en convaincre de comparer le schéma directeur de 1994 dont elles sont quasiment absentes et celui que la Région a adopté en septembre 2008. Entre temps, la prise de conscience de la fin de l’énergie à bon marché et des effets dévastateurs de l’utilisation des énergies fossiles est passée par là (1). Parmi les trois défis identifiés par le SDRIF, à côté de l’égalité sociale et territoriale et de l’attractivité économique, sera ainsi retenue la nécessité d’anticiper les mutations climatiques et énergétiques avec l’objectif d’une « ville robuste, compacte et économe en ressources » (2). En 2008-2009, la consultation internationale de 10 équipes d’architectes urbanistes sous l’égide du ministère de la Culture va dans le même sens (3). Elle portait sur la métropole de l'après-Kyoto et l’agglomération parisienne. Elle a largement dépassé l’opération de faire-valoir qu’avait sans doute imaginé Nicolas Sarkozy et a été saluée pour le fourmillement d’idées auquel elle a donné lieu. Elle a souligné l’importance du lien urbanisme/transport et pris « la mesure de la mutation écologique » (4). Comme avec le SDRIF, on y retrouve les principes de la ville durable et de plus faible empreinte écologique avec la densification des lieux les mieux desservis par les transports en commun.Beaucoup plus régressive est l’approche qui a présidé à l’instauration de la société du Grand Paris engagée depuis l’été 2009. Elle a été consacrée par la loi du 3 juin 2010 avec pour fonction la construction du « réseau de transports d’intérêt national du Grand Paris ». Il s’agissait alors de mettre en relation une dizaine de « pôles économiques, moteurs de croissance » en s’inscrivant dans la mondialisation libérale. Certes les références aux enjeux sociaux ou environnementaux n’en sont pas absentes mais ces dimensions ne sont pensées que comme des résultantes d’un type de développement économique jamais interrogé. En revanche bien des projets qui ont émergé des collectivités territoriales depuis quelques années indiquent d’autres ambitions et une réelle inventivité. Le dispositif des « nouveaux quartiers urbains » crée par la Région en 2008 a déjà eu une vingtaine de lauréats prometteurs et l’appel à initiatives de Paris Métropole en 2010 a suscité 74 projets d’une grande diversité. Une bonne dizaine s’inscrivent d’ailleurs dan le partage des pratiques d’écologie urbaine (5).

Pour un nouvel urbanisme

Ce bref survol ne signifie pas une conversion écologique généralisée et consensuelle. Il indique certes la place prise par les enjeux écologiques dans les débats concernant l’urbanisme mais aussi l’existence d’approches théoriques et politiques très conflictuelles pour les penser. A cet égard, même s’il a déjà été en partie déstabilisé par les débats publics, le projet sous-jacent à la démarche du Grand Paris de Nicolas Sarkozy subordonne toute la conception de l’aménagement urbain à une certaine vision de la compétition mondiale pour les groupes les plus puissants à partir de quelques pôles supposés d’excellence. Or l’enjeu est bien celui de réorienter le mode de développement économique, dans ses finalités et dans ses modalités et donc de croiser en permanence exigence écologique et exigence sociale. Sinon, pour faire image, la mutation écologique se ramènera à quelques écoquartiers et à des toits végétalisés tout en s’accommandant et même en renforçant la ségrégation territoriale et sociale.Ce survol indique aussi l’importance de la question démocratique, si difficile soit-elle à résoudre, pour maîtriser les mutations en cours, intervenir dans les choix et peser sur des transformations qui sont de longue haleine. Certes l’appétence pour les préoccupations urbaines est perceptible quand on voit ce qu’a pu être le succès de l’exposition des 10 équipes d’architectes au printemps 2009 ou l’implication de 20 000 participants aux débats publics sur les transports d’octobre 2010 à janvier 2011. Mais il faudra beaucoup plus pour aller vers un véritable urbanisme participatif et populaire. Les composantes du mouvement social les plus rompues aux mobilisations sur les questions des droits des salariés ou sur des enjeux locaux sont encore trop souvent prises au dépourvu sur de tels enjeux larges, qui se nouent à l’échelle métropolitaine. Pourtant, pour une large partie, se joue sur cette capacité d’intervention la mutation écologique de la ville réellement transformatrice.

 

*François Labroille est conseiller régional Alternative Citoyenne – président de la commission aménagement du territoire.

(1) Schéma directeur de la région Île de France (SDRIF). Projet adopté par délibération du conseil régional le 25 septembre 2008.(2). IAU. Contraintes énergétiques et mutations urbaines. Cahiers n° 147. Février 2008(3) Le Moniteur. Le grand Pari(s). Consultation internationale sur l’avenir de la métropole parisienne. (4) IAU. Stratégies métropolitaines. Cahiers n° 151. Juin 2009(5) Paris Métropole. Journal des initiatives. 10 décembre 2010.

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le 12 mars 2011

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