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Bobines sociales : un festival militant de quartier

 

Engagement et passion semblent être le ciment des bénévoles qui organisent depuis plus de 10 ans ce festival de ciné parisien. Une volonté affirmée de faire découvrir des œuvres occultées par les média traditionnels et de susciter le débat entre les créateurs et le public.

 

Par Corinne Mazel*

Ce festival est né à l’initiative de jeunes de la section du PCF du 20e arrondissement de Paris à la suite des présidentielles de 2002. Chaque année des membres s’en vont, d’autres reviennent ou des nouveaux rejoignent l’association « Pavé & Manivelle », support du festival, renouvelant ainsi l’équipe d’organisation.

L’objectif du festival est de favoriser l’émergence et la reconnaissance d’une création cinématographique dont l’objet principal est une appréhension de la réalité sociale abordant des sujets occultés par les grands media, ou dont le traitement qui leur y est réservé ne nous semble pas satisfaisant.

Par la projection de films socialement engagés, le festival souhaite donner des outils et des repères pour comprendre, penser et questionner le monde qui nous entoure. Il s’agit aussi de donner la parole (et l’image) à ceux qui, dans ce cadre, tentent de dire autre chose et autrement.

Dès lors, organiser un festival de films qui dénoncent des situations inadmissibles, montrent des initiatives, des luttes décrites par ceux qui les mènent, implique la gageure d’une double tension. Il faut en effet trouver l’équilibre entre la forme du film et le sujet qu’il aborde tout en ouvrant les séances à un large public.

 

Un festival engagé

Organisateurs d’un festival de cinéma engagé, la qualité du traitement cinématographique des œuvres et la démarche des auteurs sont pour nous les critères de sélection des films. D’autre part, l’organisation des projections en séances thématiques permet d’articuler engagement et regards singuliers des réalisatrices réalisateurs.

Il s’agit donc de présenter des formes cinématographiques dont le traitement du sujet dépasse son simple exposé plus ou moins bien agencé, que celui-ci soit de décrire ou de dénoncer. Ce traitement du sujet et de la forme doit permettre, non pas d’imposer un sens de lecture – ce qui nous ramènerait à du film de propagande – mais de proposer, à l’égal d’œuvres de fiction de qualité, un ou des points de vue s’explicitant tant dans le « discours » qu’ils tiennent que dans la forme qu’ils adoptent. Le désordre que les pouvoirs imposent est rendu visible par la fabrication d’un film qui donne alors à voir ce qui est caché ou nié dans d’autres média.

Ainsi les formats (en particulier la durée) des films projetés ne sont pas tous identiques, et nous faisons se côtoyer un documentaire de 52 mi­nutes (format TV) avec un court-métrage de cinq minutes ou un film d’animation, pour peu qu’un lien nous apparaisse ou qu’ils s’inscrivent dans une thématique retenue pour la construction des séances.

Ces thématiques peuvent préexister à la sélection des films, correspondant à l’envie de certains d’entre nous ou se rapportant à des faits d’une actualité plus ou moins récente. Nous recherchons en ce cas les documentaires qui l’illustreront, comme, par exemple dans la séance « Prisons : penser la peine… » de l’édition 2015.

Elles peuvent aussi émerger lors des visionnages. La mise en perspective de films qui ne traitent pas forcément du même sujet nous permet alors de dessiner un thème qui leur est commun. Ainsi la séance : « Légalité, légitimité, désobéissance » regroupe-t-elle des films dont les thèmes et les formats sont extrêmement variés.

 

Échanger avec le public

En plus de la qualité, c’est aussi la capacité d’un film à provoquer le débat, à échanger avec les spectateurs qui nous intéressent. Bobines sociales veut donner la parole aux réalisateurs et leur permettre de présenter leur démarche et leur travail, de rencontrer leur public.

Les échanges entre intervenants invités (réalisateurs, acteurs de milieux associatifs, spécialistes, universitaires…) et spectateurs se font de façon conviviale. Cet aspect du festival est renforcé, lors du week-end, par la possibilité de se restaurer sur place, par des tables de presse et différents espaces que public et participants peuvent investir pour communiquer, discuter des films visionnés.

Pour accentuer la proximité avec le public, des projections « Hors les murs » sont organisées dans des lieux plus propices à la discussion que des salles de cinéma : bistrot, bibliothèques, centre social…

Nous pensons que dans ces espaces populaires peut exister une forme de média démocratiques, dans le sens où le choix des lieux de projection tient compte de leur identité, de leur histoire et de leur situation géographique. De fait, sont pris aussi en compte les publics, habitués de ces lieux, qui sont invités à se réapproprier une culture cinématographique et politique, démontrant ainsi qu’il n’y pas de naturalité du regard.

 

Nous pensons que le cinéma, en particulier le cinéma documentaire, en libérant des idées, stimule le jugement des spectateurs. Nous souhaitons que ceux-ci ne soient plus condamnés à n’être que consommateurs mais sujets élaborant eux-mêmes leur propre pensée à partir de films qui témoignent de problématiques locales et cependant généralisables. 

 

*Corinne Mazel est membre de l’équipe d’organisation du festival Bobines sociales.

La Revue du projet n°44, février 2015.

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Bobines sociales : un festival militant  de quartier

le 26 février 2015

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