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Critique de la religion, une imposture morale, intellectuelle et politique

La ville brûle, 2014

Yvon Quiniou

Par Jean-Michel Galano

En ces temps de guerre idéologique, où les partisans d’une « France toute catholique » et autres adversaires de la laïcité ne désarment, il est sans doute bon que paraisse ce livre décomplexé. Pour autant, il est à craindre que réduire le phénomène religieux au pouvoir temporel des religions constituées rétrécisse dommageablement le problème.

L’auteur a choisi de traiter « la religion » comme un tout. Il se retrouve ainsi de plain-pied avec la pensée des Lumières. Cette concentration de l’analyse lui permet de mettre en évidence une structure essentielle de la pensée religieuse : « une révélation divine s’autorisant de sa seule certitude intime et s’inscrivant dans un texte prétendument sacré… le message (religieux) se présente comme ayant sa source dans une instance radicalement supérieure et extérieure à la raison humaine, porteuse d’une Vérité absolue devant laquelle l’esprit humain devrait s’incliner… ». Il peut dès lors pointer la « contradiction absolue » entre le lien religieux de soumission et l’adhésion intellectuelle fondée sur la raison, médiation interne par laquelle chaque individu s’égalise à l’humanité. Et souligner que la connaissance scientifique est la mise en jeu de cette norme elle-même, d’où son dynamisme et son ouverture.

L’intérêt pédagogique de ce livre est qu’il présente diverses critiques radicales de la religion. Il les donne à penser comme convergentes. Et c’est là que les choses se gâtent : oui, la vérité de la religion est extérieure à la religion elle-même. Celle-ci est-elle pour autant une « imposture ? » Cette dénonciation ne risque-t-elle pas d’être récupérée à son tour ? La critique de Feuerbach, « athée de Sa Majesté » a été totalement intégrée par Karl Barth à l’apologétique protestante ; Freud réduit la religion à une indéfendable symptomatologie névrotique, quant à Nietzsche, n’est-il pas resté captif des « ombres de Dieu » ?

Faute d’envisager dans toute son extension la religion en tant que phénomène anthropologique fondamental corrélé au travail, au langage et à la socialisation, l’auteur s’en tient à une dénonciation aussi véhémente dans son principe qu’éclectique dans ses contenus, et oublie ces résurgences ou rémanences du phénomène religieux que sont la sacralisation du pouvoir, les différentes formes de fétichisation, les figures modernes de la superstition et de l’idéalisation, combats pourtant essentiels pour un rationalisme moderne. Il y faudra, il est vrai, plus d’un ouvrage.

La Revue du projet, n°42, décembre 2014.

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le 16 décembre 2014

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