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Synthèse des débats, Olivier Mayer

Le travail, levier pour la transformation sociale

De la passion, de la raison et de l’expertise, c’est ainsi qu’on pourrait qualifier le débat dans cet atelier du projet qui vise à « transformer le travail, l’entreprise, pour transformer la société ». Pendant deux heures et demie, plus de 35 intervenants ont brassé leurs idées sur le travail et l’entreprise, un débat d’experts du quotidien puisque l’essentiel de ceux qui sont intervenus militent à l’entreprise, comme syndicalistes ou/et comme militants du Parti communiste.

 

En vérité, le sujet est plutôt neuf dans la manière qu’ont les communistes d’aborder les choses. Mais cette idée que le travail doit être mis au cœur du projet de la transformation sociale semble faire mouche. « Le levier pour la transformation est là parce que l’activité humaine est la seule richesse qui croit quand elle se déploie », affirme Christian des Hauts-de-Seine. Et c’est, partant de cette idée, qu’il explique comment en « défendant les professions et donc les emplois et l’entreprise », ses collègues ont pu faire suspendre un plan de licenciements. D’une autre manière, Ulysse de Paris traite la même question : « Il ne s’agit pas de savoir ce qu’on va faire du travail quand on sera au pouvoir mais de savoir comment reconstruire le mouvement social à partir du travail ». Pour Michel Rizzi, de la section de la section du PCF de la RATP, avec le management capitaliste, « on assiste aujourd’hui à une attaque contre identités professionnelles et de métier et c’est une des causes essentielles de la souffrance au travail. Sachons investir ce terrain ». Jonathan, syndicaliste de Solidaires, dénonce la profusion des bullshit jobs, des « boulots à la con » : « Le plus dur c’est de perdre le sens du travail. » « Les cadres veulent être reconnus dans leur capacité créative et d’initiative » assure Stéphanie qui travaille dans une entreprise du CAC 40 des Hauts-de-Seine. Aujour­d’hui ils se sentent frustrés, humiliés. Il faut mesurer le potentiel productif et créatif qui existerait si on permettait aux gens de s’épanouir dans leur travail ». Nicolas Marchand du Conseil national du PCF, demande cependant qu’on « renforce la liaison entre notre activité sur le travail et sur l’emploi car l’emploi est le facteur majeur qui pèse sur tout le salariat ». Il estime qu’il faut « majorer les enjeux de financement et de pouvoir dans notre réflexion ».

Parler travail, métier, profession, parler de la qualité du travail, ouvre donc des perspectives. Elles se déclinent sur quantité de sujets, effleurés plus que creusés dans le débat. Ceux de la santé, de la souffrance au travail. Nadine, médecin du travail dans le Lot-et-Garonne, dénonce les attaques actuelles contre son institution. « Le rôle du médecin du travail, c’est de soigner le travail car c’est le travail qui est malade et qui a besoin d’être soigné », avance-t-elle.

 

Évoquée aussi l’organisation du travail. « Les collectifs de travail sont mis à mal », constate Flore, hospitalière dans le Val de Marne. Elle met en cause le turn-over. « Les salariés ne s’investissent plus dans le collectif de travail », déplore-t-elle. Elle regrette que pour beaucoup, les syndicalistes estiment qu’ils n’ont pas à prendre en main les questions de l’organisation du travail dans l’entreprise et les services. « Nous devons être porteurs avec les salariés de l’organisation du travail parce que nous n’avons pas la même vision que les directions d’entreprise de ce qu’est la valeur du travail ».

Statut de l’entreprise, réduction du temps de travail, propriété des moyens de production sont encore des sujets qui viennent dans les interventions. Et c’est la discussion sur les droits des salariés qui tient la corde. « Le droit n’est efficace que dans la mesure où on l’emploie, affirme d’emblée Jacques qui travaille à Élancourt dans les Yvelines. Et on ne s’en sert pas ou on s’en sert mal ». Comme plusieurs intervenants, il relève l’hésitation, voire l’opposition parfois, du monde du travail devant les droits d’intervention des salariés. Gérard Alezard témoigne de cette question à propos des lois Auroux, au moment où il était secrétaire confédéral de la CGT. Il rappelle que les lois Auroux « doivent beaucoup à la CGT » et que « leur mise en œuvre s’est heurtée au patronat ». Mais elle s’est heurtée aussi « à des hésitations syndicales sur le terrain. La loi ne suffit pas, il faut qu’il y ait une prise en charge par l’organisation syndicale et les militants politiques, pour que les salariés se saisissent de leurs droits ».

 

La question de l’organisation du Parti communiste à l’entreprise est donc posée au cœur de ce débat. « Si certains chez nous, nous ont fait abandonner le terrain de l’entreprise, Gattaz, Hollande et Valls nous ont remis le sujet sur la table », lance Nicolas Marchand en évoquant la forte lutte idéologique à propos du coût du travail. Nadine Garcia, coordinatrice CGT d’AXA, ne partage pas l’idée que « le PCF ait lâché le travail à l’entreprise. On s’y prend différemment et je l’apprécie, en partant notamment des questions du travail. » « Aujourd’hui, on culpabilise les salariés et on leur fait perdre le sens du travail », semble confirmer Valérie, qui travaille à DCNS dans la Manche. « Il faut redonner de la fierté au salarié. Le travail est dévalorisé. Il faut montrer aux salariés que c’est eux la richesse de l’entreprise. » 

La Revue du projet, n°42, décembre 2014.

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Synthèse des débats, Olivier Mayer

le 15 December 2014

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