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Les retraites : un progrès de civilisation, Catherine Mills*

L’accroissement de l’espérance de vie, une chance pour conquérir le droit à une retraite active. Un financement nouveau lié à la promotion de l’emploi et des salaires, une issue de progrès à la crise.

L es plans gouvernementaux sur les retraites sont dangereux. Ils visent à relever l'âge de la retraite et la durée de cotisation, à réduire les pensions et le financement solidaire de ces dernières. Les retraites sont présentées comme une charge, alors qu’articulées à une politique familiale moderne ainsi qu'à un financement nouveau lié à la promotion de l'emploi et des salaires, elles contribueraient à une issue de progrès à la crise systémique que nous traversons.

Les problèmes démographiques
Il convient de les relativiser et de répondre aux enjeux qu’ils portent. Certes, la part des 60 ans et plus dans la population augmente mais l’accroissement de l’espérance de vie permettrait de réaliser la conquête sociale que représenterait une retraite « active ». Les retraites permettent le remplacement et le renouvellement de la force de travail, les retraités laissent la place à de nouveaux travailleurs et peuvent grâce à l'augmen­tation de la longévité participer à des activités sociales utiles et créatrices (formation, vie associative et culturelle). L'enjeu est alors surtout de financer de façon solidaire le risque dépendance en créant un nouveau service public de l'autonomie. Autre enjeu : les inégalités d’espérance de vie. Celles-ci sont de sept ans entre les ouvriers et les cadres supérieurs et plus élevées encore pour l'espérance de vie en bonne santé et doivent être combattues en agissant notamment sur les causes de la mortalité prématurée des hommes ouvriers. Il faut aussi lutter contre les inégalités en matière de pension et revaloriser les plus basses, qui concernent particulièrement les femmes, inférieures de 38 % à celles des hommes.
Il faut encore rompre avec la régression générale du pouvoir d’achat des retraités. Ceux-ci sont loin d’être tous des « nantis », et l'on voit resurgir l'importance des retraités pauvres. Il faut ainsi établir un plancher à 75 % du revenu net d'activité pour une carrière complète, avancer l’âge de la retraite, notamment pour ceux qui ont commencé à travailler tôt et exercent les métiers les plus pénibles.

Sécurisation de l’emploi et de la formation
Ce projet doit s'inscrire plus généralement dans la sécurisation de l’emploi et de la formation, à tous les âges de la vie, avec notamment l'instauration d'une allocation-autonomie-formation pour les jeunes et la prise en charge de leurs années d’études comme période cotisée.
Le taux d’activité et d'emploi des seniors  doit également être accru : il faut rompre avec l’éviction des travailleurs vieillissants : 2/3 des salariés sont en effet sortis du monde du travail dès 55 ans (retraite anticipée forcée, chômage, RSA…). Cela entraîne une décote de leur future pension, mais aussi des cotisations en moins pour le système de retraite et des prestations chômage supplémentaires, un phénomène aggravé par le report de l'âge de la retraite.
La sécurisation de l'emploi et de la formation assure les cotisations, en outre, cela s'accompagnerait d'une prise en charge par des cotisations des années d’interruption non voulues de la carrière ou d'insertion.

Garantir le financement de la retraite par répartition
Un nouveau financement de la retraite par répartition constituerait un outil majeur de l'alternative à construire contre la réforme programmée par Hollande et pour une réforme de progrès des retraites. Il faut garantir le financement de la retraite par répartition. Celle-ci ci repose sur la solidarité intergénérationnelle, les cotisations d'aujourd'hui sont immédiatement versées aux retraités actuels. Elles alimentent la consommation, la croissance et l'emploi, alors que la capitalisation repose sur l'épargne individuelle et les placements financiers au détriment des retraites, de l'emploi et de la croissance réelle.
Or, les dogmes libéraux présentent les cotisations sociales comme un boulet handicapant l’emploi, en prétendant que cela élève de façon excessive le coût du travail et s'oppose à la compétitivité des entreprises. Au contraire, les cotisations sociales favorisent la demande, en offrant des débouchés aux entreprises, et ainsi la croissance, à l'opposé de la logique d'austérité. Les salariés cotisent en fonction de leur capacité contributive et reçoivent des prestations sociales en fonction de leurs besoins.
Au PCF, nous sommes opposés à la fiscalisation de la protection sociale (CSG, TVA). Celle-ci vise la réduction des cotisations sociales, notamment patronales, et exerce une pression à la baisse sur les salaires et sur les retraites. Cela réduit les gestions paritaires. La CSG, loin d’être plus juste que les cotisations, ne repose que sur les ménages (et pour 88 % sur les salariés et les retraités tandis que, les revenus financiers ne contribuent que pour 11 %).

De nouveaux moyens de financement
Il est donc essentiel de dégager de nouveaux moyens de financement pour garantir l'avenir. Plusieurs pistes s'ouvrent à nous : tout d'abord, on peut réformer l’assiette des cotisations patronales et accroître le taux et la masse des cotisations sociales patronales. Une modulation du taux de cotisation patronale en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée de l'entreprise permettrait en outre de relever celle-ci, et ainsi de développer l'emploi, les salaires et la formation, et par suite, cette hausse de l'emploi et des salaires amènerait une hausse des cotisations perçues. Inversement, les entreprises qui licencient et réduisent la part des salaires dans la valeur ajoutée pour fuir dans la croissance financière, seraient assujetties à un taux de cotisation beaucoup plus lourd.
Il est également possible et nécessaire de créer une nouvelle cotisation sur les revenus financiers des entreprises et des institutions financières. Ceux-ci s’élèvent à plus de 300 milliards d’euros par an et échappent largement aux prélèvements sociaux. Nous proposons donc de les soumettre au taux de la cotisation patronale sur les salaires, 10 % pour les retraites, ce qui apporterait plus de 30 milliards d’euros au système de retraites : cela contribuerait à la croissance réelle, contre la financiarisation. Notre projet constitue une transformation sociétale de très grande ampleur, c'est un véritable enjeu de civilisation. Nous voulons instaurer un service public des personnes âgées, ainsi qu'une sécurisation tout au long de la vie, qui vont de pair avec la promotion des activités créatrices des retraités et des dépendants.   n

*Catherine Mills est économiste. Elle est maître de conférences honoraire à l'université Paris-1 Panthéon-Sorbonne.  

La Revue du projet, n° 28, juin 2013
 

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Les retraites : un progrès de civilisation, Catherine Mills*

le 12 juin 2013

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