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La Pensée libre : 1941-1942

 Aden, 2013
Par Ambre Blondeau
Après avoir publié (avec Georges Aillaud, en 2008) les numéros clandestins des Lettres françaises et des Étoiles, François Eychart, sous l’égide de la société des amis de Louis Aragon et Elsa Triolet, a entrepris de sortir de l’ombre La Pensée Libre – une des toutes premières publications de la Résistance – aujourd’hui à peu près inaccessible au grand public. Se trouve ainsi exhumé un symbole de vitalité intellectuelle durant cette période sombre où la France est envahie par la propagande nazie. Dès la première parution en février 1941, le ton est donné : la pensée française doit redevenir légale. « Cette revue s'appelle La Pensée Libre parce qu'elle est rédigée par des savants, des écrivains, des penseurs, et des artistes français libres de tout lien matériel et idéologique avec les impérialismes qui ont jeté les peuples pour la seconde fois au XXe siècle dans une guerre pour le partage du monde. » La revue dénonce ainsi avec vigueur la volonté d'éliminer de notre héritage intellectuel la raison et la liberté. Le second numéro, publié un an plus tard, est un peu plus étoffé et davantage organisé. Des témoignages sur les nombreux assassinats et emprisonnements des intellectuels français par la Gestapo y sont publiés. Les rédacteurs y font aussi paraître des chroniques, dans lesquelles, encore une fois sans détour, ils proclament leur lutte acharnée contre l'occupant. Yves Gallouedec (pseudonyme de René Blech) s'insurge ainsi contre l'oppresseur nazi dans un vibrant poème : « Vous l'avez hissé noir sur l'arc et sur la tour/Votre pavillon de pirates du vieux monde/Vos mains dans notre ciel égorgeaient nos colombes/Vos doigts ensanglantés s'égouttaient sur nos jours ». De cette manière, alors que la position dans laquelle furent placés les communistes aurait pu engendrer un repli dogmatique, c'est le contraire qui se produit, avec la réalisation dans la Résistance du principe d'attention critique au patrimoine littéraire, comme à la création contemporaine. En republiant ces textes de l'édition originale, il s'agit aussi de rendre hommage à ses principaux rédacteurs (l'écrivain Jacques Decour, le philosophe Georges Politzer et le physicien Jacques Solomon) et de saluer le courage de ces hommes qui furent à l'initiative de cette parution clandestine, en osant exprimer, non seulement un point de vue communiste dans un contexte particulièrement hostile, mais aussi et surtout, en osant défendre et affirmer, contre la perte d'identité du pays, tout l'héritage national dans ses dimensions culturelles. Ainsi, à la fin de l'ouvrage, plusieurs textes postérieurs – qu’ils soient signés par Aragon, le romancier Claude Morgan, le philosophe Henri Lefebvre, ou encore, plus récemment, l’historien Jean-Numa Ducange – rendent hommage et apportent un éclairage devant la force et la bravoure du parcours de ces trois hommes, fusillés par les nazis, bien décidés à ne pas abandonner la plume, pour préserver la liberté intellectuelle de la France.

La Revue du projet, n° 27, mai 2013
 

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