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La gauche française et le gouffre européen, Patrice Bessac

Le produit intérieur brut (PIB) de la Grèce a décru massivement : au moins 15%. La dette privée et publique de ce pays s’est accrue tout aussi massivement en faisant abstraction des mesures d’annulation. Au total, la Banque centrale européenne détient 172 milliards d’euros de dette grecque dont 104 milliards d’euros garantis par les gouvernements de l’Union et 55 milliards d’euros en obligations de l’État grec. Au plan international, on estime la facture de la dette privée et publique à plus de 400 milliards d’euros.

Ces chiffres nous laissent, nous, commun des mortels, pantois. Ils traduisent l’ampleur de l’impasse de l’Europe austéritaire. Un tsunami menace la zone euro, l’Union européenne ; et plus la crise avance plus le risque de son extension à toute l’Europe du Sud menace.

Les banques grecques affrontent un run c’est à dire un retrait massif des dépôts en euros dont une grande partie partira vite du pays pour être nettoyée et réinvestie sous d’autres cieux. Certaines banques grecques affrontent déjà un refus de refinancement de la Banque centrale européenne.

En un mot, la gauche française, le nouveau gouvernement est devant de sombres perspectives et un choix cornélien car il s’agit de rompre avec trois décennies de construction européenne pour sauver la construction européenne.

La sortie de la Grèce de l’euro est un fantasme. Un fantasme utile, un épouvantail mais un fantasme tout de même. Le coût serait exorbitant et les conséquences imprévisibles : personne ne peut prédire les effets d’une rupture de confiance des marchés dans la monnaie unique.

Huit économies européennes sont actuellement en récession dont sept membres de la zone euro. L’Allemagne, elle-même, affronte un volant de chômage et de précarité insupportable.

Quelle est notre responsabilité ?

 

Certainement pas de passer notre temps en commentaires, gloses et autres amabilités à l’encontre des politiques gouvernementales françaises et allemandes. Le nouveau président français a ouvert dans le discours la porte de l’Europe de la croissance et de la réorientation de la BCE. Quoi que nous pensions de sa détermination réelle ou supposée, il s’agit d’un pas, d’une contradiction utile, y compris du point de vue de sa propre politique.

Notre responsabilité est d’apporter notre contribution à la construction d’un rapport de forces européen qui déverrouille la Banque centrale européenne pour en faire l’outil d’une croissance nouvelle, sélectionnant les activités humainement et écologiquement utiles, sanctionnant l’économie de casino, réduisant la dette publique, soutenant les services publics. C’est le fameux crédit sélectif, c’est-à-dire une création monétaire levier d’un projet économique nouveau qui entend éradiquer le principe de rentabilité financière comme critère d’allocation des ressources.
Après les élections législatives, le rapport de forces européen à la fois intergouvernemental, politique et social devra donc nous servir de boussole pour l’action. Pierre Laurent, notre secrétaire national, préside le Parti de la gauche européenne, très bien. Nos frères grecs sont en passe de devenir le premier parti grec. Tant mieux. Les forces communistes et de transformation ont trouvé une dynamique nouvelle en Europe cette dernière décennie. Parfait.

Reste qu’à l’échelle du continent, nous sommes pour le moment forces éparses face à deux blocs, conservateurs et sociaux-démocrates, qui de fait cogèrent les affaires européennes. Il s’agit, à ce point, de savoir ce que nous voulons : soit considérer que nous sommes la relève face aux deux blocs, soit considérer qu’il s’agit d’emporter la masse de l’électorat social-démocrate et leurs formations politiques vers une stratégie de rupture avec la construction libérale de l’Union pour un nouveau modèle de croissance et de démocratie.

Ces deux options sont bien deux stratégies différentes car l’une se conforte dans la contestation et l’autre affronte le réalisme d’une nouvelle politique. Aux amis grecs, peut-être demain au pouvoir, notre solidarité impose non pas seulement de les acclamer lors de meetings mais de contribuer à les sortir de la cruauté de leur sort présent.

 

La Revue du projet, n° 18, juin 2012

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La gauche française et le gouffre européen, Patrice Bessac

le 03 juin 2012

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