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Au cœur des problématiques migratoires : le partage des savoirs ! Hugo Pompougnac*

En réponse au patronat qui exerce toujours plus de pression sur l’offre de formation, il faut gagner l’égalité des droits entre étudiants immigrés et français.

C’est dès la Renaissance qu'étudiants, savants et artistes voyagent à travers le monde entier pour y échanger des savoirs, comme le plus célèbre, Erasme, humaniste hollandais qui partira faire ses études à l'université de Paris, donnant ainsi son nom au programme d'échanges européen.
Mathématiques, philosophie, droit,... les connaissances sont ainsi partagées, plutôt que d'être dispersées en multitudes de propriétés nationales et individuelles. Forgé collectivement, dans le partage et la confrontation, le savoir est la propriété de l'humanité. C'est dans les années 1970 que l'on voit exploser le nombre d'étudiants étrangers venus des pays du Sud ayant tout récemment acquis leur indépendance. Le partage de savoir se situe une fois de plus au cœur du mouvement d'émancipation des peuples.

Le vol des cerveaux

 

Nous assistons aujourd'hui à un double mouvement : d'une part, la privatisation
des savoirs qui sacrifie leur construction collective  sur l'autel des brevets et de la concurrence internationale et d'autre part, les mesures de restriction du séjour des étudiants étrangers sur le territoire, comme outil de maintien de la domination des pays du Nord sur les pays du Sud. En effet, derrière l'interdiction de redoublement, tout comme l'interdiction de se réorienter, sous l'apparence anodine de démasquer les profiteurs, se cachent les mécanismes de maintien des inégalités de classe, et le vol des cerveaux. Les étudiants sont de plus en plus sélectionnés dès leur pays d'origine par le biais des Centres d’Études en France (CEF), qui conditionnent leur autorisation à venir étudier en France à leurs ressources financières (7 680 euros sur l'année ou un revenu de 620 euros par mois). Les CEF ont fait leur apparition en premier lieu dans les anciennes colonies françaises, et les pays victimes de la Françafrique. En France, plus l'étudiant a des ressources limitées, plus la liste des justificatifs à fournir auprès de la préfecture s'allonge : il y a là une volonté claire de sélectionner les étudiants issus des classes déjà dominantes des pays en voie de développement. La masse des étudiants étrangers, précaires, ne pouvant prétendre à aucune aide sociale, sont jetés tout crus dans la gueule du patronat, où ils s'épuiseront en heures de travail non déclarées, avant de tomber sous le coup de l'expulsion. Dans un contexte de politique d'austérité et de quotas d'expulsions, qui fait du milieu étudiant l'armée de réserve du salariat précaire, nous voyons bien qu'à l'inverse des traditionnels discours réactionnaires, la réalité nous montre que ce sont les pays du Sud qui fournissent chaque année des dizaines de milliers d'étudiants et de jeunes travailleurs qualifiés à la France. Qu'en est-il pour ceux qui réussissent leur parcours du combattant, et obtiennent leur diplôme ? Ceux-ci, alors que nos diplômes sont chaque jour davantage soumis aux exigences du patronat local, se voient contraints de rester en France, faute de débouchés dans leur pays d'origine. Ainsi, dire que les étudiants étrangers ne peuvent pas bénéficier d'une formation qualifiante utile dans leur pays d'origine, c'est observer que les pays du Sud sont maintenus dans la dépendance concernant l'offre de formation, et que lorsque les patrons français délocalisent leurs entreprises, ils y délocalisent aussi leurs cadres dirigeants. La circulaire Guéant, ne fait que plonger ces jeunes diplômés ainsi retenus dans l'illégalité, pour faire pression sur leurs salaires et les rendre dociles.
De même, nous pouvons avoir l'illusion, que du côté des programmes d'échanges européens, la vie est bien plus rose, il n'en est rien ! Le processus de Bologne n'a pas été une harmonisation des diplômes, mais une harmonisation des exigences du patronat européen. Aujourd'hui, le programme Erasmus tant vanté, en l’absence quasi-totale de cadrage structurel et financier, permet à moins de 2 % d'étudiants français de partir étudier à l'étranger, le plus souvent il s'agit d'étudiants favorisés par leurs ressources familiales, ou dans le cadre des IEP. En Grèce, en Italie, comme en Irlande, nous assistons à de réels exodes d'étudiants qui ne trouvent aucun débouché professionnel dans leur pays d'origine, et qui rejoignent notamment la France dans l'espoir d'un avenir meilleur.

Remettre le savoir au cœur de la solidarité internationale

 

En premier lieu, il nous faut démasquer l'imposture du discours qui nous est tenu actuellement par le pouvoir en place : ce ne sont pas les politiques d'expulsions dont les étudiants sont les premières cibles qui créeront toutes les conditions nécessaires à l'accès de tous à une formation de qualité dans les pays du Sud.
À l'inverse de ce gouvernement qui expulse pour maintenir sa domination, nous devons lutter pour l'égalité des droits entre étudiants français et étudiants étrangers pour construire avec eux, un fort maillage territorial de la formation partout dans le monde. La revendication historique de l'UEC « une carte d'étudiant = une carte de séjour » permet ainsi de remettre le droit d'accès à l'enseignement au cœur d'une vraie politique qui soit au service des besoins de l’humanité, plutôt que ceux d'obscurs quotas d'expulsions. Le droit d'étudier, c'est le droit de prendre le temps de s'adapter à des normes méthodologiques qui ne sont pas les siennes. Donner vraiment le droit d'étudier, c'est reconnaître qu'étudier est un travail à plein temps, c'est prendre conscience du fait que l'immense majorité des étudiants a besoin de six ans pour atteindre le niveau licence, c'est donner le droit de persévérer. Donner le droit d'étudier à tous, c'est donner accès à un logement social, à la santé, à un cadre d'aides sociales. C'est pourquoi les étudiants étrangers ont été nombreux à nous rejoindre pour clamer avec nous : « Ni précarité, ni charité, des moyens pour étudier ! ». Ensuite, dans la bataille pour la reconnaissance de l'état palestinien, les étudiants communistes se sont rendus en Palestine, et se mobilisent dans leurs universités pour y obtenir la création de jumelages avec les universités palestiniennes. Partout, et jusqu'au Sénégal, nous construisons nos combats en commun. C'est dans cette démarche, que nous comptons contribuer à l'émancipation de l'humanité tout entière, pour que les étudiants méditerranéens qui ont fait leur printemps en 2011 rencontrent notre chaleureuse solidarité, loin de l'hiver rude que leur ont réservé Sarkozy et Berlusconi.

*Hugo Pompougnac est secrétaire à l'organisation de l'Union des étudiants communistes.

 

La Revue du Projet, n° 17, Mai 2012

 

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le 16 mai 2012

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