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Le jour d’après, Patice Bessac

Après la fureur de la campagne électorale, la chaleur des meetings, les cris, l'enthousiasme, après que le chaudron a été chauffé à blanc viendra le jour d'après.

Il serait présomptueux de préjuger de la situation politique future. Le Front de gauche est en bonne voie, cela me semble être un acquis. Pour le reste, mon âge avançant, j'apprends à me méfier comme de la peste des jugements définitifs.

Donc laissant de côté la futurologie, je me propose juste d'évoquer ce qui me semble être quelques nécessités de notre travail à venir.

La vertu de notre candidat à l'élection présidentielle a puissamment contribué à redonner de la dignité et du courage à celles et ceux à qui le système médiatique et politique dénie toute existence. Plus encore, la dynamique commune du Front de gauche a permis à tout un peuple militant, et au delà dans une capillarité de valeurs, de points de vue, d'engagements, d'éprouver sa force de conviction et d'action.

Ce constat fait, je veux m'attarder sur quelques conséquences pour notre parti.

La première consiste à observer le grand écart entre les forces disponibles et les capacités à les organiser. Et ce n'est pas, seulement, un problème de cartes, d'huile de coude ou d'un quelconque volontarisme. Il s'agit d'un problème de conception. Quelle est la place, authentique, de ce que nous appelons militantisme ? Ou encore comment concevons-nous l'action organisée ? Est-ce juste l'addition des hasards de l'initiative locale ? Quant à moi, je pense que notre organisation actuelle est une préhistoire, des prémices éparses d'un chemin à trouver qui permettra aux bonnes volontés de trouver la force d'un cadre national. Porte-à-porte, sms, appels téléphoniques, assemblées de quartiers, sorties d'entreprises, assemblées citoyennes, tout cela travaille une même idée : reprendre nos vies en main, (re-)construire des liens de solidarités sociales et politiques, (re-)trouver une sociabilité politique populaire. Pour émerger puissamment, tout cela a besoin d'institutions, d'outils, d'idées directrices. Notre rapport à l'organisation de ces dernières années est largement marqué par la critique disons de la période stalinienne pour faire court. Il est temps à présent de résoudre la contradiction, de passer à autre chose.

La deuxième consiste à observer le dessèchement moral d'une grande part des élites, leur cynisme assumé, leurs sourires narquois à l'évocation des valeurs et nos propres difficultés à extraire le débat politique de sa réduction à la bonne gouvernance des contraintes. C’est la question des voies d’une nouvelle hégémonie culturelle. Il s’agit moins là, de considérer qu’il s’agit d’écrire des lignes définitives pour décrire la société que nous voulons, que de mettre en mouvement, fédérer, agréger les réseaux intellectuels, syndicaux, citoyens disponibles pour penser autrement l’avenir. L’initiative d’élus pour favoriser les circuits agricoles courts pour l’alimentation des cantines, des syndicalistes qui présentent des alternatives à un plan de délocalisation, le mariage homo célébré à Villejuif, notre modeste revue, les initiatives d’éducation populaire, tout cela concourt à dire l’avenir dans le présent. Nous écrivions dans notre dernier Congrès notre ambition de forger une nouvelle culture commune. Cela passe par un nouvel aggiornamento dans les relations qui s’établissent entre élus, syndicalistes, citoyens, intellectuels. Et donc des espaces nouveaux de rencontre et de diffusion.

La troisième consiste à observer à la fois l’adhésion aux valeurs que nous proposons et le scepticisme trop grand quant à la possibilité que ces valeurs président demain aux destinées de notre pays. C’est, entre autres, la vieille question du parti de gouvernement. Je ne préjuge pas ici de l’avenir et de la situation issue des élections, ce n’est ni la place, ni l’heure. J’évoque un problème de longue durée : notre capacité d’apparaître, d’être vécu par le peuple pour ce que nous sommes, c’est-à-dire un parti et un Front qui a vocation, avec d’autres, à diriger le pays. Je le répète, quelle que soit la situation issue des urnes, quelles que soient nos décisions quant à la participation à un gouvernement, dedans ou dehors le problème resterait : opérer dans les années à venir la mue par laquelle nous passerions du statut de force de protestation, d’incarnation d’idées dans le débat à gauche, de défense, à celle d’un parti, d’un mouvement reconnu pour sa capacité à présenter une alternative au pays. À nouveau, ce ne sont pas que des mots ou des postures. Il s’agit de réformer nos méthodes de travail pour se préparer : fixer des priorités, constituer des équipes, avoir un lien fort avec le travail de nos parlementaires, établir des relations constantes avec les organisations tant syndicales que patronales, développer et donner un écho plus grand à nos relations internationales.

 

En un mot, la crise ne nous laissera pas tranquille. Il s’agit donc de savoir si nous serons prêts à l’heure où nous serons appelés à assumer nos responsabilités et à jouer un grand rôle.

Patrice Bessac, responsable du Projet

 

La Revue du Projet, n° 15, mars 2012

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Le jour d’après, Patice Bessac

le 08 March 2012

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