Aujourd’hui, l’énergie est un produit de première nécessité. Sans l’énergie, que serait en effet l’accès aux droits fondamentaux ?
Ainsi, l’accès aux soins : il faut bien produire et réfrigérer les médicaments et pas un hôpital ou centre de santé ne peut fonctionner sans électricité. Ainsi, la mobilité elle-même, impensable sans consommation d’énergie, est la condition de l’accès à nombre de droits, à l’emploi et à la formation par exemple. Ainsi, des conditions normales d’existence sont impensables sans l’accès à l’électricité, au chauffage. Bref, être un homme parmi les hommes implique l’accès à l’énergie. Tel est le sens que je donne au droit à l’énergie, un droit à la fois individuel et social, que je ne conçois pas comme un droit à un usage illimité, déraisonnable, usage inhérent à cette société inégalitaire. Garantir ce droit tout en tenant compte des impératifs écologiques doit être l’objectif d’une politique énergétique.
Et ce qui est vrai en France l’est à l’échelle du monde : qu’on le veuille ou non, il n’y aura pas de droit au développement sans une énergie abondante, de qualité, au meilleur coût. Or, deux milliards d’êtres humains n’ont accès à l’énergie qu’au travers du bois de chauffe, ce sont souvent les femmes et les enfants qui cherchent le bois ce qui n’est pas sans poser des problèmes de scolarité, cette pratique en outre est souvent facteur de déforestation. Ceci au moment où nous assistons à l’épuisement de ressources naturelles comme le pétrole et le gaz, épuisement proche puisqu’il se situe à l’échelle d’une vie humaine et que les conséquencesécologiques et climatiques de l’exploitation des combustibles fossiles deviennent irréversibles.
Il faut savoir encore que la consommation des ressources naturelles des quarante dernières années dépasse celle cumulée par toutes les générations qui ont vécu depuis les origines de l’homme. Enfin, l’accident de Fukushima au Japon relance le débat public sur les risques liés à l’énergie nucléaire en même temps que sa pertinence.
La précarité énergétique
Il est donc évident que nous sommes à l’heure des choix. Des solutions existent. Elles ne sont pas simples. Elles nécessitent créativité et novation politique et sont, de fait, l’un des enjeux des élections en 2012.Le rapport de Philippe Pelletier1 propose une définition de la précarité énergétique résultant de trois facteurs : la faiblesse des revenus, la mauvaise qualité thermique des logements occupés, la difficulté de s’acquitter des factures d’énergie. Est en précarité énergétique une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières nécessaires à la satisfaction de ses besoins énergétiques élémentaires en raison notamment de l’inadaptation de ses ressources et de ses conditions d’habitat. Ainsi, aujourd’hui environ 3,4 millions de ménages dépensent plus de 10 % de leurs revenus à régler leur facture d’énergie, ce qui les place en situation de précarité énergétique. 87 % d’entre eux vivent dans le parc locatif privé et 70 % appartiennent à la population percevant les plus bas revenus.L’énergie est aussi un droit essentiel. Le droit à l’électricité est porteur d’une caractéristique spécifique : il déclenche l’accès à d’autres droits. Il peut favoriser le droit à la culture et à la communication par la radio, la télévision, la téléphonie. Il ouvre le droit au transport. Il permet le développement des forces productives.
*Denis Cohen a été secrétaire général de la fédération CGT de l'énergie de 1989 à 2003 et il est l’auteur de Nucléaire : débattre avant de décider, Fondation Gabriel-Péri, 2011.
1) Pour une meilleure efficacité des aides à la performance énergétique des logements privés, Plan bâtiment Grenelle, 15 avril 2011.
La Revue du Projet, n° 13, janvier 2012
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