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Les Communistes et le cinéma. France, de la Libération aux années 1960, Pauline Gallinari

Presses universitaires de Rennes, 2015

Par Stève Bessac

D’emblée, Pauline Gallinari, dans son ouvrage issu de sa thèse de doctorat, justifie son objet d’étude en rappelant que, d’après Lénine, « le cinéma est le plus important de tous les arts » touchant un vaste public. Pour mener à bien ses recherches sur les liens qu’entretient le PCF avec le champ cinématographique et sur les productions du parti, l’auteure s’appuie sur de riches et nombreuses sources. Parmi celles-ci, citons Ciné-Archives – dont le but est de conserver et promouvoir les films communistes –, des fonds d’archives personnels (dont ceux de Georges Sadoul, de Jean-Paul Le Chanois et de Charles Chézeau), les comptes rendus des réunions des instances centrales du parti, les sociétés de production et de diffusion, l’association France-URSS –  chargée de diffuser le cinéma soviétique –, la presse communiste et la presse spécialisée (L’Écran français, hebdomadaire consacré au cinéma, 1944-1952), ou encore de nombreux entretiens.

L’intérêt du PCF pour le cinéma est précoce, comme le prouve la figure de Léon Moussinac qui adhère au parti en 1924 et publie en 1928 une histoire du Cinéma soviétique. À partir de la deuxième moitié des années 1920, des films sont réalisés à l’initiative du PCF ou de municipalités communistes de la banlieue parisienne, à l’instar de La vie est à nous (1936) de Jean Renoir, commandé à l’occasion du Front populaire. Les communistes se montrent également attentifs à la diffusion en créant en 1937 des sociétés comme la Marseillaise ou les Films populaires. Ceci contribue à créer un « contrechamp » cinématographique s’opposant aux productions dominantes.

Après la Seconde Guerre mondiale le PCF investit directement le champ principal afin de lui donner un sens progressiste. Cet investissement est permis par la nomination de sympathisants ou de communistes à des postes clés, comme Jean Painlevé à la tête de la Direction générale de la cinématographie en 1944, mais aussi par l’attrait et l’influence qu’ont le parti et la CGT chez de nombreux professionnels. Aucun autre parti ne peut alors rivaliser avec le PCF dans le champ cinématographique. Cependant, le parti ne parvient pas à peser suffisamment sur le cinéma français, par manque de poids économique mais aussi politique, surtout après 1947. Les films produits ou diffusés ne sont pas rentables et ne touchent qu’un public réduit, limitant fortement leur portée.

Malgré l’influence que le PCF conserve chez de nombreux professionnels du cinéma, malgré les campagnes visant à défendre le cinéma français, progressiste, contre le cinéma hollywoodien favorisé par les accords Blum-Byrnes, les films produits ou défendus par le parti ou par des communistes ne rencontrent qu’un écho limité dans la France de la fin des années 1940-1950. Cela s’explique en partie par la censure qui les touche après la fin du tripartisme mais aussi par une rigidification interne qui tend, avec le réalisme socialiste, à condamner de nombreux films en décalage avec le message ou le ton politiques du moment, marqués par un contexte de guerre froide.

À partir du milieu des années 1950, une certaine distance se crée : la critique est moins inféodée, voire hostile au parti, à l’instar de la revue Positif, fondée en 1952. Les décès de certains professionnels communistes ou les départs volontaires suite aux événements de Budapest (1956) entraînent également un changement générationnel. De plus, se développe un cinéma militant – parfois communiste – en dehors des cadres du parti, tel que Sucre amer, documentaire réalisé par Yann Le Masson en 1963.

S’il n’y a qu’une conclusion à tirer de ce riche ouvrage qui s’inscrit dans le renouvellement des études consacrées à la culture communiste, c’est probablement l’échec de la tentative d’investissement du champ cinématographique – et plus largement artistique – par le PCF, ou un parti politique, échec à la fois en termes politiques puisque le message propagandiste passe peu, en termes économiques puisque les films produits sous ce signe sont des charges financières et cinématographiques. Cela ne signifie pas que les deux sphères doivent être distinctes. Il faut trouver une juste distance, permettant à la fois une autonomie artistique (esthétique) et la défense d’un message politique ou civique, sans renoncer à une forme de « commerciabilité », qui relève de la valeur de l’art et permet surtout une diffusion plus ample.

La Revue du projet, n° 64, février 2017

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le 21 mars 2017

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