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Terranova : avant de critiquer, lire ! Patrice Bessac

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L e rapport Terranova* sur les conditions d’une victoire électorale de la gauche a fait grand bruit. Ce rapport constatela disparition des ouvriers du bloc historique de l’électorat de gauche. Les bien-pensants, le plus souvent sociaux libéraux, ont défilé sur les antennes. À mon sens, le principal reproche qu’ils font à ce rapport est de dire tout haut ce qu’ils pensent tout bas. Résumons. Le vote en faveur de Ségolène Royal était constitué des couches les plus formées et les plus intégrées et des couches les plus précaires, les plus jeunes et celles dont la famille est issue de l’immigration. Pour aller vite, le vote en faveur de la candidate socialiste, se structure d’un côté sur la base d’aspirations sociétales pour les couches formées et du besoin deprotection et de coups de pouce pour s’intégrer pour les couches les plus précarisées. Au milieu de ces deux pôles, les ouvriers et les employés dont la caractéristique, selon le rapport Terranova, est d’être plus conservateurs sur le plan des valeurs et sur le plan économique notamment dans le rapport à l’Union européenne et au capitalisme contemporain. Ces quelques mots sont outrageusement simplistes par rapport à la qualité de l’analyse du rapport Terranova. Cependant,l’essentiel est là. Le plus scandaleux n’est pas dans le rapport lui-même, mais dans le point implicite qu’il véhicule et que l’on résume de cette manière là : parce qu’il n’y a pas d’autres politiques économiques possibles alors la reconquête du peuple des ouvriers et des employés est impossible. C’est le renversement fantastique auquel nous assistons depuis deux décennies dans les vieilles démocraties occidentales : pour gagner, la droite populise et extrêmise son discours en direction des forces traditionnelles du travail humiliées par le capital et les gauches social-démocrates se reconstituent autour d’un « cercle de raison » alliant modernité sociétale,acceptation des règles du marché et main tendue aux plus faibles.Au fond, ce rapport a pour mérite de reposer la question du bloc historique, c’est-à-dire des forces sociales sur lesquelles s’appuyer pour changer. À mes yeux le problème pour nous est simple. Il consiste d’unepart à travailler les contradictions socio-économiques des classes les plus formées et en apparence les plus intégrées. La catégorie « bobo » est unmensonge qui tend à supprimer les intenses effets de déclassement que subissent les professions intellectuelles précarisées. Deuxièmement, il s’agit pournous de regarder avec lucidité le fait que les « clientèles » traditionnelles des sphères politisées nous ont coupés d’un rapport,ne serait-ce que réel, avec le grand nombre des ouvriers et des employés qui forment ensemble la majorité du salariat. Reconnaître ce problème, faire un pas en direction de ce grand nombre que personne n’écoute, ni ne reconnaît, c’est faire l’essentiel du chemin. L’intendance suivra. Sur cette base, celui d’une synthèse des aspirations sociales et sociétales, je pense que nous pouvons forger l’idée d’une alliance nouvelle, sociale d’abord, politique ensuite de couches profondément éloignées et séparées du point de vue de leur appréhension du réel alors que la crise a accéléré la convergence possible de leurs intérêts matériels. Mais sur cela,il faut mettre des mots, il faut objectiver le besoin de cette alliance.Le titre de cet édito est : avant de critiquer, lire ! J’y insiste, ce rapport est stimulant. Scandaleusement stimulant.

*Cercle de réflexion de la gauche progressistefrançaise et européenne.

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Par Patrice Bessac, le 18 May 2011

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