La revue du projet

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Un programme démocrate, François Delapierre*

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La comparaison avec le programme du PS 2007 montre que la conversion démocrate du PS se poursuit malgré la crise historique que traverse le capitalisme.

L’analyse du programme du Parti socialiste pour les élections de 2012 est un exercice ingrat. On sait d’expérience que le candidat désigné du PS en fera ce qu’il voudra. Le vainqueur des primaires pourrait même être Dominique Strauss-Kahn, qui le piétinera d’autant plus qu’il n’a pas participé à sa discussion. Sa lecture requiert un décodeur doublé d’un diplôme de solférinologue. Les formulations à l’ambigüité calculée pullulent dans ces textes destinés à opérer des synthèses entre les positions contraires qui cohabitent au sein du PS comme on cache la poussière sous le tapis en se disant que personne n’ira y regarder. Enfin, il ne faut pas compter sur le secours des médias qui, faute de temps et de mémoire, se laissent abondamment bourrer le mou par les factions socialistes concurrentes qui rivalisent pour expliquer que leur point de vue l’a emporté sur tous les autres. Selon l’identité de celui qui l’alimente, le journaliste parlera donc d’un tournant à gauche ou d’un chef-d’œuvre de modération. Car s’il a une vague idée de ce que contient le projet pour 2012, il n’a en revanche aucun souvenir des éditions antérieures.    

 

LE COUP DE RABOT PERMANENT

Les exigences sociales sont encore revues à la baisse conformément à la doctrine démocrate. Le projet 2012 préconise un simple « rattrapage du SMIC que la droite a déconnecté de la hausse des prix » alors qu’en 2007 il voulait « porter le SMIC à au moins 1500 euros bruts le plus tôt possible dans la législature ». Il défend une simple modulation des exonérations de cotisations en cas de recours abusif aux contrats précaires. Les entreprises pourront faire le choix de la précarité en payant un peu plus, alors que le projet socialiste pour 2007 promettait : « Pour lutter contre la précarité, nous réaffirmerons la primauté du CDI sur toute autre forme de contrat de travail. » Il ne revient pas sur les réformes de la droite qui flexibilisent le temps de travail quand le projet 2007 voulait « relancer la négociation sur le temps de travail, pour étendre le bénéfice des 35 heures, avec création d’emplois, à tous les salariés. Si la négociation n’aboutit pas, la loi interviendra. »On trouve aussi le deuxième pilier de la ligne démocrate, la confiance dans le marché. Même dans le secteur essentiel de l’énergie, le projet PS 2012 ne prévoit aucune remise en cause des privatisations et libéralisations alors qu’en 2007 il promettait de « réintroduire le contrôle public à 100 % d’EDF et mettre en place un pôle public de l’énergie entre EDF et GDF – dont nous refusons la privatisation. » De même, le projet 2012 propose une « banque publique d'investissement » uniquement dédiée à l’investissement industriel et sans moyens nouveaux puisqu’elle se contentera de « regrouper des outils existants » tandis que le projet 2007 envisageait un « pôle financier public » à vocation généraliste.Les rares « mesures de gauche » annoncées ne changent pas la donne. Le salaire maximum, présenté comme une concession au Front de Gauche, ne concernerait que les firmes dans lesquelles l’Etat a des participations, soit 7 % des salariés dans 57 des 3 millions d’entreprises du pays. Et le « droit de partir à 60 ans » est un mot creux dès lors qu’est avalisé l'allongement de la durée de cotisations qui le fait rimer avec retraite amputée.

 

BIENVENUE CHEZ BISOUNOURS

Ce projet ne prépare aucun affrontement avec les puissances qui se coalisent pourtant actuellement contre les gouvernements sociaux-démocrates dans toute l’Europe. Il ne cherche pas à combattre l’emprise des banques et de la finance internationale, n’envisage aucun affrontement avec les traités européens et semble ignorer le fait que l’oligarchie au pouvoir dans notre pays pourrait se montrer insensible aux bonnes intentions du PS.Ainsi, le PS ne prévoit aucune mesure structurelle pour sortir la dette publique de sa dépendance face aux banques et aux marchés. Il prévoit plutôt d'affecter chaque année 25 des 50 milliards de ressources nouvelles à rembourser purement et simplement la dette. Il n’est pas question par exemple d’autoriser l’Etat à emprunter auprès de la banque centrale ou d’obliger les banques à détenir des titres de dette publique... Ce silence fragilise l'ensemble du projet du PS, car un gouvernement désarmé face aux marchés financiers serait de fait soumis à leur bon vouloir.De même, le PS ne prévoit aucune remise en cause du cadre actuel de l'Union européenne. Cela ôte toute crédibilité à ses propositions contraires au Traité de Lisbonne : les "emprunts européens pour financer les investissements du futur" (rendus impossibles par les articles 310 et 311 TFUE), la "taxation des transactions financières au sein de l'Union" (contraire à l'article 63 TFUE), "l’augmentation des droits de douane au niveau européen sur les produits ne respectant pas les normes internationales en matière sociale, sanitaire ou environnementale" (contraire aux articles 21 TUE et 206 TFUE). Quant à l’idée de "donner vie aux coopérations renforcées, proposer les contours d'un groupe pionnier adossé à la France et à l'Allemagne, autour d'objectifs précis" et la "construction avec les pays qui le voudront, dons le cadre d'une coopération renforcée permise par les traités actuels, d'une communauté européenne des énergies", elle ignore visiblement le contenu du traité qui conditionne le lancement d’une coopération renforcée à l’accord de la Commission européenne, à l’unanimité à 27 pays au Conseil (art. 329 TFUE), à la participation d’au moins 9 Etats et le prévoit uniquement pour réaliser des objectifs de l’Union sans créer de distorsion de concurrence (art. 20 TUE).Dès lors, le projet du PS ne cherche pas à créer dans la société un rapport de forces favorable au changement. Il valide le cadre débilitant de la 5e République et abandonne toute perspective de 6e. Il ne reprend les revendications d’aucune des grandes mobilisations de ces dernières années, sur les retraites, les sans-papiers ou les suppressions de postes dans la fonction publique… Sa stratégie est plutôt de capter le rejet de Sarkozy jusque dans l’électorat de droite. On lit ainsi un surprenant hommage aux fondateurs de l’UDF et du RPR, Chirac et VGE : « Depuis 1958, par-delà les alternances et les époques, tous ceux qui ont exercé la magistrature suprême ont contribué au rayonnement de la France. Tous sauf l'actuel chef de l'Etat. »

*François Delapierre est secrétaire national du Parti de Gauche

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le 17 May 2011

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