Écouter les jeunes, leur soif de reconnaissance et construire avec eux les actions qui leur permettent de prendre toute leur place de citoyennes et citoyens.
En cette rentrée nous sommes nombreux, nombreuses à nous poser la question : comment aborder les jeunes et qu’avons-nous à leur dire ? La situation politique de l’été a été marquée par la belle lutte contre la loi Travail, lutte dans laquelle les jeunes ont pris toute leur place avec leurs organisations.
En juillet, les abominables crimes terroristes commis par quelques individus fanatisés et souvent en grave difficulté psychologiques, ont pu être instrumentalisés pour opposer les citoyens entre eux, et parfois conduire à une vraie défiance à l’égard des jeunes, singulièrement ceux des quartiers populaires.
Dans ce contexte quelle est notre responsabilité de communistes, de militantes et militants ? Je crois que notre première exigence est d’aller simplement à la rencontre des jeunes et d’engager le dialogue. Dans cette démarche il nous faut privilégier l’écoute attentive, bienveillante de ce que les jeunes ont à dire. Pour beaucoup ils en ont gros sur le cœur. Le temps de l’écoute donné sincèrement est essentiel pour construire… Nous devons faire confiance et nous aurons alors le bonheur de découvrir souvent l’intelligence, la sensibilité des jeunes. Au cours de mon mandat d’élue, dans toutes les consultations que j’ai organisées dans des lycées, des villes, des quartiers, des villages les plus divers, j’ai retenu que le premier cri des jeunes était « nous aussi on veut avoir notre mot à dire ». La demande était donc d’être d’abord reconnu comme citoyen et citoyenne. L’implication forte et dans la durée des lycéens et lycéennes pour obtenir la régularisation de camarades sans papiers dit clairement leur refus du racisme et leur volonté d’actions concrètes, efficaces ! Ils et elles veulent exprimer directement leur fraternité. Et c’est cet engagement-là qui les motive et les intéresse. Dans nos échanges disons leur clairement qu’ils et elles ne sont pas impuissants contrairement à ce que l’on veut leur faire croire, valorisons le caractère positif de leur engagement. Le pouvoir a peur de leur mobilisation. Il ne fait pas bon avoir la jeunesse contre soi !
Les jeunes veulent aussi pouvoir montrer ce dont ils sont capables. Leur sentiment qu’une grande partie de leur potentialité est ignorée, voir niée, constitue une véritable blessure ! Le sentiment de ne pas « être calculé », de ne pas compter les conduit au découragement. Pourtant, dès qu’on insiste révolte contre les injustices, aspiration à l’égalité s’expriment. C’est dans les quartiers populaires que j’ai entendu les paroles les plus fortes et porteuses de sens pour toute la société.
J’ai en mémoire les mots de Sofiane : « il faut donner une autre perception des jeunes du 93. À la base on est en République, c’est la démocratie, tout le monde a les mêmes droits. C’est une question décisive parce que, soit on a un avenir, soit on n’en a pas » ou encore cette jeune fille de Goussainville : « on parlait tout à l’heure d’ambition, mais quand on voit la réalité... nous, on sort de Romain Rolland. Si on veut s’inscrire à la Sorbonne on se dit qu’on peut, mais en fait c’est très sélectif. Quand on sort de Goussainville, on est vite stigmatisé. Dijdi a exprimé son désir en étant dans un lycée populaire de devenir réalisateur parce que le cinéma ça permet de dire comment on voit le monde. Il faudrait qu’au lycée on ait beaucoup plus les moyens de s’exprimer. Il faudrait qu’on ait des ateliers, qu’on puisse faire du théâtre, de la musique du cinéma, parce qu’à l’école on fait trop de place à l’intelligence, à l’abstraction et il faudrait aussi une place pour l’intelligence du cœur. Il ne veut pas opposer le raisonnement et la sensibilité.
Ce qui m’impressionne toujours dans mes discussions avec les jeunes c’est qu’on les sent souvent à la fois fracassés par la vie et en même temps dès qu’on accueille vraiment leurs paroles avec respect, ils ont une belle capacité à nommer ce qui fait leur vie. Ce qu’ils attendent en retour c’est que la politique conduise à de vrais engagements en actes.
Nous nous devons de dénoncer avec les jeunes les images fausses, les amalgames que véhiculent les forces réactionnaires de la société à leur sujet. C’est un véritable enjeu politique. Beaucoup nous demandent de leur tendre la main, de ne pas les laisser tomber. Saisissons cette main et construisons avec les jeunes, les actions qui leur permettront de prendre leur place de citoyennes et citoyens à part entière. C’est peut-être un magnifique levier pour la transformation progressiste de la société, un message d’espérance pour les jeunes, mais aussi pour toute la population de nos quartiers populaires si inquiète pour l’avenir de ses enfants. n
* Henriette Zoughebi a été vice-présidente (PCF) du Conseil régional d’Île-de-France en charge des lycées et de la politique éducative.
NB : Les citations sont extraites de : Henriette Zoughebi, Le Parti pris des jeunes, Éditions de l’Atelier, 2015.
La Revue du projet, n°59, septembre 2016
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