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On vaut mieux que ça ! Camille Lainé*

C’est derrière cette affirmation qu’en ce début d’année 2016, une génération s’est rangée pour faire éclater aux yeux de tous, les conditions indignes dans lesquelles elle se voyait forcée de grandir, de se former, d’évoluer avec pour horizon un avenir assombri.

En effet le constat que nous sommes forcés de réaliser est sombre pour notre génération concernant l’emploi, l’éducation et de manière générale la maîtrise des parcours de vies.
À ce jour, 25 % des 18-25 ans sont au chômage et 23,7 % des diplômés du supérieur depuis 1 à 4 ans sont en emploi temporaire (hors intérim). Cette situation pèse lourdement sur les jeunes concernés et plus largement sur les épaules d’une génération que certains semblent vouloir condamner à l’échec, ou du moins à la précarité à vie.
Ce n’est pas anodin d’affirmer qu’il y a bien une volonté de cibler notre génération qui est derrière tout ça. Cette volonté ne réside pas dans le fait de porter atteinte gratuitement à la dignité, aux droits et aux vies des jeunes de notre pays, mais elle est bel et bien d’utiliser notre génération comme cobaye afin de tester les pires recettes du capitalisme et ainsi tirer les droits de tous vers le bas.
Condamner une génération à ne plus pouvoir réaliser ses aspirations, à subir les lois d’un marché organisé par les puissants et à courber l’échine faute d’entrevoir l’espoir d’un avenir meilleur est la recette qui se généralise tant sur le continent (Belgique, Espagne, Portugal…) que dans le monde avec les différents processus de libéralisation et de casse des droits (Canada, Chili…)
Mais ce manque de confiance en un avenir que l’on nous promet nuageux résulte de processus bien rodés qui s’attaquent à la racine de la construction de nos parcours.

L’apprentissage
de la concurrence

En effet, c’est dès l’éducation que nous sommes touchés. Lorsque l’éducation nationale est sacrifiée sur l’autel de l’austérité, que les postes de professeurs sont en nombre insuffisant, que des lycées ou des Centres de formation d’apprentis (CFA) sont dégradés et offrent des conditions d’études déplorables, lorsque l’autonomie des établissements organisée par la droite met en concurrence directement les territoires et les lycées au sein de ces territoires, c’est le premier tour de ce grand manège. Quoi de mieux pour former les jeunes générations à la concurrence que de permettre à certains d’entre eux d’avoir des options ou non, de partir en voyage scolaire ou non, de pouvoir choisir sa filière ou non, selon où l’on habite et donc de quelle origine sociale nous sommes ? Ceci mis en lien avec l’individualisation des parcours, le livret de compétences, etc. vous avez ici les clés de l’apprentissage de la concurrence qui suggère aux jeunes de notre pays que dès 15-16 ans : si tu veux réussir il faudra soit avoir de la chance, soit écraser l’autre pour s’en servir de marche pied.

L’orientation, le parcours
du combattant

Puis vient le temps de l’orientation. En réalité, la question se pose dès le collège. Dès le départ, la prégnance de l’économie et de l’économie locale, liée au bassin d’emploi notamment, vient influer sur les choix d’orientation. L’acte III de la décentralisation en fut d’ailleurs un des outils majeurs visant à accentuer encore plus la concurrence entre les territoires. Ceci ajouté à un nombre de conseillers d’orientation psychologues toujours moins nombreux, dotés de peu de moyens, vous pouvez vous imaginer très vite à quel point les conditions sont réunies pour que certains passent à la trappe dès cette étape.
C’est donc dans ces conditions que ceux qui font le choix de poursuivre leurs études arrivent dans l’enseignement supérieur sachant que 1,9 million des jeunes sera sorti du système scolaire sans formation ni qualification. Et là encore les choses se compliquent. Dans un contexte de concurrence généralisée entérinée par les suites logiques du Processus de Bologne et les différentes réformes de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR) en France, c’est avec des moyens déplorables et dans une université livrée en partie aux mains du marché que nous sommes condamnés à étudier.
Quand bien même ce contexte ne nous pousserait pas à l’échec, 50 % d’entre nous sont condamnés à travailler pendant leurs études afin de subvenir à leurs besoins.
Enfin, c’est l’entrée dans l’emploi… ou presque ! Le passage par le sas de précarité étant semble-t-il devenu obligatoire, ce n’est qu’aux alentours de 30 ans que nous accédons à l’emploi stable. Entre-temps ce sont des contrats spécifiques, des enchaînements de CDD, des services civiques etc. qui viendront tenter de nous permettre de payer le loyer si tant est que l’on ait réussi à accéder à un bout d’autonomie.

La conquête
de nouveaux droits

Dans ces conditions notre génération a donc affirmé qu’elle n’était pas née pour subir et qu’elle refuserait d’une part les logiques de précarisation en cours et d’autre part qu’elle se battrait pour conquérir dès maintenant de nouveaux droits.
Cet ensemble de nouveaux droits, leviers essentiels de la transformation, nous les rassemblons dans notre proposition de statut social pour les jeunes pour lequel nous bataillons sur tout le territoire.
Car oui, les jeunes doivent pouvoir étudier dans de bonnes conditions, choisir leurs parcours via un service public de l’orientation par exemple. Pendant leurs études, il est nécessaire que les jeunes travailleurs en formation bénéficient d’un présalaire via les cotisations sur le modèle des retraites, dans tous les cas où ils ne sont pas directement en position de produire. Il s’agit d’universaliser un montant perçu, ne dépendant que de la situation du jeune et de ces besoins, a contrario des dispositifs actuels de bourses, sélectifs et calculés sur la situation des parents. Enfin, le CDI doit redevenir la norme d’emploi pour tous afin d’en finir avec les galères de l’incertitude.
Nous sommes nombreux, motivés et prêts à relever tous ces défis depuis le mouvement toujours en cours contre la loi Travail jusqu’à la grande marche que nous organiserons pour les droits des jeunes au printemps 2017 ! Comptez sur les jeunes communistes pour être à la hauteur des défis historiques que nous impose la période ! n

* Camille Lainé est secrétaire générale du Mouvement Jeunes communistes de France.

La Revue du projet, n°59, septembre 2016
 

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On vaut mieux que ça ! Camille Lainé*

le 07 septembre 2016

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