Lors du discours de clôture du 37e congrès, Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, a donné rendez-vous à la jeunesse. « Notre parti est le vôtre ».
Il a rappelé que celle-ci, précarisée, malmenée, rarement écoutée, a fait irruption dans le mouvement social contre la loi Travail, avec des mobilisations aux formes nouvelles [...] autant de signes et d’actes exprimant une soif de démocratie et de politique de leur part. « Nous entendons cet appel et nous sommes prêts à y répondre. Nous nous adressons à toute la jeunesse [...]. Nous disons aux jeunes : « vous cherchez un lieu d’échange, des idées neuves, du travail en réseau, vous cherchez un endroit stable où vos paroles seront entendues, attendues, écoutées, prises en considération. Un lieu d’actions utiles, de solidarité, de fraternité, d’inventions. Alors notre parti est le vôtre, nous vous y accueillons, vous y aurez toute votre place, vous pourrez y prendre des responsabilités. » C’est bien parce que le PCF porte un projet d’émancipation humaine fondé sur le partage, la mise en commun, la fraternité et la paix en France, en Europe et dans le monde que l’adresse de Pierre Laurent peut rencontrer un écho auprès des jeunes. C’est bien parce que le PCF a décidé d’une démarche de front citoyen et populaire où les citoyennes et citoyens sont les principaux acteurs de la transformation sociale qu’il peut y avoir convergence avec les aspirations des jeunes à une démocratie renouvelée.
Potentialités et obstacles à l’engagement
Encore, nous faut-il savoir détecter les potentialités et les obstacles coexistant dans la jeunesse quant à son éventuelle implication dans le combat émancipateur et sa traduction politique. Pour cette raison, le PCF pendant l’année 2015 a conduit un travail d’auditions, de lectures de travaux qui a fait l’objet d’une note publiée par le LEM (voir p.26). Quand nous disons « la jeunesse », ayons en tête que cette tranche d’âge n’est pas uniforme mais traversée de clivages liés aux origines de classe, au niveau d’éducation, aux discriminations diverses… Cependant, ce qui tend à « l’unifier », c’est le rapport à la précarisation de son parcours de vie, qui se caractérise par un accès de plus en plus tardif et de plus en plus difficile à l’autonomie. Les chiffres, en progression, du chômage des jeunes et de la pauvreté indiquent que c’est la catégorie d’âge qui subit le plus durement les effets de la crise.
C’est d’ailleurs, ce moteur-là, avec le slogan : « Précaire un jour, précaire toujours ? Les jeunes disent non au projet de loi Travail » qui a rassemblé plus de 27 organisations de jeunesse autour d’une plate-forme de revendications et qui a fait descendre dans la rue et sur les places, des milliers de jeunes pendant plusieurs mois. Cependant parmi les obstacles, notons les tentatives de division de toutes parts pour affaiblir et disqualifier ce qui pourrait unir les jeunes dans un combat commun contre les politiques austéritaires : les jeunes étudiants contre les jeunes de banlieue, les diplômés contre les non diplômés. Sans parler aussi d’une soi-disant fracture générationnelle, entretenue par les tenants du libéralisme dont le but est la remise en cause du « modèle social français » par la jeunesse d’aujourd’hui, sur le monde : « le monde a changé, il faut changer de modèle de société ».
Alors qu’une très grande majorité de nos concitoyens constatent que la situation des jeunes s’est dégradée depuis 2012 et estiment que l’État devrait consacrer davantage de moyens aux politiques dédiées à la jeunesse au cours des prochains mois, il s’agit bien d’une prise de conscience et d’un appel majoritaire à de grands changements dans la politique de notre pays.
Une défiance
à l’égard du politique ?
Rappelons qu’avant les élections de 2012, une kyrielle d’organisations d’éducation populaire, de jeunes, d’acteurs sociaux et politiques dont le PCF, avaient signé, soutenu un appel « Pour un Big Bang des politiques de jeunesse » assorti de propositions audacieuses. À la suite de son élection, François Hollande avait déclaré faire de la jeunesse la priorité de son mandat mais force est de constater que parmi la jeunesse et au-delà, c’est la déception qui prime voire de la colère.
Une défiance qui se traduit de manière globale envers l’ensemble des partis politiques, la représentation politique et une faible participation électorale. Cependant, gardons-nous de préjugés : le différentiel de participation aux élections entre les jeunes et les adultes demeure stable depuis 30 ans. Quant aux futures élections, les premières enquêtes du CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences-po) sur les primovotants à élection présidentielle de 2017), ceux-là se disent pour le moment, moins intéressés par cette élection que les autres groupes : moins 10 points dans leur intention d’y participer que la moyenne. Concernant les choix électoraux de ce groupe de primovotants, il se rapproche de l’ensemble de l’électorat, se situant nettement plus à droite qu’à gauche. Mais gardons-nous, à ce stade de figer des analyses, cependant nous savons qu’un jeune sur trois dit (en 2014) ne se retrouver dans aucune offre politique.
Le vote des jeunes est plus un vote intermittent et est exercé suivant les enjeux du moment. Ils se montrent plus mobiles que les adultes dans leurs premiers choix électoraux, le principe du vote reste fortement valorisé par les jeunes générations. Il est à noter que 85 % des jeunes sont inscrits sur les listes électorales (88 % pour l’ensemble de la population). Concernant l’abstention des jeunes, un point doit attirer notre attention. Elle est très marquée par la « mal inscription », être inscrit dans une commune où on ne réside pas. Elle représente près de 15 % des inscrits.
Si l’inscription d’office a fait augmenter le taux d’inscrits, une autre disposition pourrait inciter à la participation : c’est l’inscription universelle, où chaque citoyen serait inscrit automatiquement dans la commune de sa résidence.
Pour autant, le comportement électoral des jeunes ne signifie pas un désintérêt de la politique, il est plus un marqueur de désaffection envers la représentation politique. Le quinquennat actuel et toutes les désillusions qui l’accompagnent n’y sont pas pour rien : au contraire, cela a accéléré cette défiance voire ce rejet. En effet, toutes les enquêtes montrent que les jeunes sont plus politisés qu’auparavant : ceux qui considèrent la politique comme très importante et se disent intéressés double (entre 1999 et 2008) et il en est de même de ceux qui discutent souvent de politique. Plus de 8 jeunes sur 10 suivent l’actualité politique.
Les clichés trop galvaudés (« les jeunes ne s’intéressent pas à la politique ») et donc ils n’y connaissent rien qui arrangent ceux et celles qui veulent poursuivre ou imposer leur projet politique sans se remettre en cause, sont mis à mal avec ces constats. C’est donc un des premiers points qui révèle un potentiel d’engagement.
Une absence
de résignation
Le deuxième point, c’est une forte participation, ou envie de participer à des formes de protestation : manifestations, pétitions. Un chiffre : 61 % participeraient à un mouvement de type 68 (qu’ils soient étudiants, chômeurs, précaires…).
D’ailleurs, la mobilisation des jeunes ces derniers mois, et le mouvement Nuits debout et autres formes de participation valident ce constat. Ces nouvelles formes de militantisme sont à prendre en considération. Une conférence organisée par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) sur « jeunes alteractivistes, d’autres manières de faire de la politique » apporte des éléments de réflexion intéressants : l’expérimentation de la démocratie en vrai, la bienveillance et l’ouverture à autrui : « les occupations de places sont le siège d’expériences, de relations sociales nouvelles, l’expression et la mise en œuvre de valeurs par lesquels on se transforme ». Malgré leurs limites ces mouvements indiquent une volonté de renouvellement des formes démocratiques. Une volonté et une aspiration que l’on retrouve dans d’autres enquêtes, y compris celles commandées par le gouvernement en 2015 : des débats politiques sur les sujets de société, plus de culture politique à l’école, la création de lieux de dialogue et de participation dans les villes…
Un fort attachement aux valeurs de démocratie
et d’égalité
Le troisième point, c’est que même si le positionnement politique est moins orienté à gauche, le clivage droite-gauche fait toujours sens, il y a un fort attachement aux valeurs de démocratie et d’égalité et une prise de conscience que les « politiques » peuvent agir sur leur vie mais qu’ils ont laissé la finance prendre le pouvoir.
Aussi, tous ces éléments sont loin des clichés et préjugés sur la jeunesse : individualiste, désengagée, passive, plus violente, voire délinquante. Même s’il ne faut pas nier les problèmes et qu’il faut les traiter. Quand 70 % de jeunes disent qu’ils n’ont pas les moyens de montrer ce dont ils sont capables et qu’une partie importante de la jeunesse se sent exclue de la société, c’est une situation de la jeunesse « comparable à une cocotte-minute sans soupape ». Pour ne prendre qu’un exemple, et pas des moindres tant il est grave : quand des jeunes s’engagent dans l’horreur d’actes terroristes, choisissant de mourir en donnant la mort pensant donner du sens à leur existence, nous avons la responsabilité d’apporter des réponses. Nous, c’est la société dans son ensemble, y compris notre organisation, le PCF. Car s’il y a une constante à relever, c’est l’exigence de démocratie renouvelée pour apporter des solutions aux crises diverses. Les jeunes contestent à la fois le développement des inégalités, la précarisation de leur vie et le manque de démocratie. C’est donc bien sur ces deux enjeux qu’il faut engager la construction de solution avec eux et elles. Le gouvernement en mettant en place un forum français de la jeunesse réunissant 18 organisations de la jeunesse dont le Mouvement des jeunes communistes de France (MJCF) a fait un pas en avant, mais on ne peut que constater que quasiment toutes les mesures prises ou annoncées concernant la jeunesse l’ont été sans concertation avec ses représentants.
Permettre
la confrontation
sur le projet de société
Alors qu’en 2015, après les attentats de Paris en janvier, les organisations de jeunesse, lançaient un appel : « La génération de la crise ne sera pas celle de la guerre », proposant la constitution d’espaces d’échange, de débats et d’engagements ouverts à l’ensemble des jeunes pour que la société ne se construise pas sans nous », il n’y a pas eu de réponse de la part du gouvernement. Pourtant, c’est bien de ces espaces publics, partagés, organisés, pluralistes, permettant la confrontation sur le projet de société pour sortir de la crise dans toutes ses dimensions dont ont besoin les jeunes générations, et c’est d’ailleurs ce que beaucoup d’intellectuels, chercheurs, acteurs dans le mouvement social appellent de leurs vœux.
Le PCF partage cette exigence, l’exprime dans ses prises de position en dénonçant le manque de débats contradictoires, que ce soit au parlement sur plusieurs projets de lois et récemment sur la poursuite de l’état d’urgence, et est disponible pour s’y engager et l’organiser. La proposition de loi-cadre du groupe communiste à l’Assemblée nationale, fin 2011 : « Permettre aux jeunes de prendre en main leur avenir » même si elle a besoin d’être réactualisée, aborde l’ensemble des domaines de la vie des jeunes : sécurisation des parcours de vie, éducation, culture, lutte contre les discriminations, engagement.
Ce qui anime la démarche du PCF en direction de la jeunesse, c’est tout d’abord de consulter les organisations de jeunesse sur les mesures à prendre : c’est ce qui s’est produit pour la loi-cadre comme sur bien d’autres, par exemple sur la loi égalité-citoyenneté, le service civique, la lutte contre le contrôle au faciès, la formation et l’enseignement universitaire, l’emploi et le travail… et de proposer voire de mettre en place quand cela est possible, dans les collectivités locales, ou autres instances des lieux de concertations et de codécisions avec les jeunes.
Notre dernier congrès fait de la question de la jeunesse une de nos priorités : dans le texte « Le temps du commun », nous nous plaçons résolument dans le combat pour l’autonomie de la jeunesse » et dans notre relevé de décisions, nous décidons de soutenir et d’aider à l’implantation et au développement du MJCF et de travailler à des batailles en direction des jeunes.
En conclusion, prendre le parti pris de la jeunesse, c’est possible et c’est indispensable ! n
*Isabelle De Almeida est présidente du Conseil national du PCF.
La Revue du projet, n°59, septembre 2016
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