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Pour une euthanasie très encadrée, Jeannie Barbier, Marlène Chevallier

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« Sain de corps et d’esprit, je me tue avant que l’impitoyable vieillesse, qui m’enlève un à un les plaisirs et les joies de l’existence et qui me dépouille de mes forces et physiques et intellectuelles, ne paralyse mon énergie, ne brise ma volonté et ne fasse de moi une charge à moi-même et aux autres. »Ces derniers mots de Paul Lafargue – accompagnés de l’acte annoncé – furent objet de polémique en leur temps (1911) dans la « bonne société » française. Mais au sein du mouvement socialiste, ce suicide serein face au refus de la sénescence fut accueilli avec émotion et respect. Les progressistes ont de longue date lutté pour le droit au suicide – conquis seulement dans l’élan de la Révolution française. Les hommes et les femmes sont libres de leur vie : c’est un acquis considérable.La question de l’euthanasie ne nous pose donc pas de problème moral ou métaphysique touchant au droit de refuser de vivre une vie dont on ne veut plus. Pour autant, une extension libérale et sans contrôle de ce droit de mourir ne saurait recueillir nos suffrages.Considérant l’état réel de notre société contemporaine – mais fait-on des lois pour des sociétés imaginaires ? –, on est en droit de penser que le pire en la matière pourrait advenir : sous couvert d’euthanasie, le meurtre de personnes ne désirant pas mourir. La marchandisation à marche forcée de l’hôpital et de tout notre système de soins donnerait à ce nouveau droit un visage assurément terrifiant. À l’heure où la rentabilité est le maître-mot hospitalier, on ne devine que trop le sort réservé à ces patients sans le sou dont l’état de santé est gravement détérioré. Aux riches l’acharnement thérapeutique ; aux pauvres une mort vite emballée pour libérer les lits et faire entrer les devises. Ce noir horizon n’est pas évanescent phantasme. Il a ses cyniques zélateurs à l’image de Jacques Attali qui explique calmement et doctement que « dès qu’il dépasse 60/65 ans, l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte alors cher à la société ; il est bien préférable que la machine humaine s’arrête brutalement, plutôt qu’elle ne se détériore progressivement. » (L’Homme nomade). Qui peut soutenir que, loi Bachelot aidant, aucune personne bénéficiant actuellement de coûteux soins palliatifs ne serait poussée vers une euthanasie non voulue si une simple légalisation survenait ?Surgissent alors communément deux garde-fous : la parole et l’écrit du patient lui-même. Ils nous semblent tous deux de bien frêles barrières. Que penser d’une lettre écrite par une personne en bonne santé disant en ce temps T son désir de mourir si, à l’avenir (temps T+x), elle était atteinte de telle ou telle infirmité jugée trop dégradante ? Confrontée réellement (et non plus lointainement et abstraitement) à ladite infirmité, est-il si sûr que la personne demeure d’une volonté inchangée de mort ? Qui peut assurer que le goût de la vie, contrairement aux attentes de la personne elle-même, ne l’emporte pas finalement face à la concrétude d’une situation qui touche aux limites de notre imagination ? La Fontaine le montrait déjà dans « La mort et le malheureux ».Plus profondément, quiconque s’intéresse au suicide sait bien que le dit et le voulu sont des réalités potentiellement distinctes. Dire qu’on veut mourir est souvent un appel de détresse qui s’assortit bien davantage à une soif aiguë de vie meilleure qu’à une authentique volonté de quitter la scène. La réponse adéquate n’est alors pas l’euthanasie mais bien plutôt la lutte contre la douleur et les peines morales, c’est-à-dire le renforcement des soins palliatifs et l’amélioration de l’encadrement des patients – hautement nécessaires en tout état de cause.Il nous semble donc que l’euthanasie ne saurait être envisagée, dans notre société actuelle, que dans le cas d’un patient impotent (mais conscient) dont la volonté résolue de mourir aura été attestée par une structure médicale détachée de tout impératif budgétaire.

 

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*Jeannie Barbier, Marlène Chevallier, Groupe santé du conseil national du M.J.C.F.          

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le 07 avril 2011

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