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Que dit la crise ? Henri STERDYNIAK*

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La crise, que nous venons de traverser et que nous continuons à vivre, est une crise de la mondialisation libérale et de la globalisation financière. La crise n'est pas finie. Les États-Unis et la Grande-Bretagne ne réussissent pas à repartir. Et en Europe, la crise de la dette est plus forte que jamais. La crise est évidemment une période de difficultés économiques, mais aussi une remise en cause de la croissance déséquilibrée des dernières années, une période où les peuples prennent conscience de la nécessité d'un changement de politique. La crise fait apparaître comme des  évidences que la mondialisation libérale et la globalisation financière ne peuvent fonctionner et ne permettent pas un développement équilibré ; que la construction européenne doit être réorientée ; que nous ne sommes pas condamnés à avancer vers le modèle libéral, que ce modèle libéral ne fonctionne pas ; que la France et l'Europe doivent défendre un modèle de société original. Et qu'il faut changer de société, changer d'appareil productif, changer la façon de faire évoluer la production si on veut éviter la catastrophe écologique. La crise a fait beaucoup de victimes et beaucoup de couches sociales ont le sentiment qu'ils peuvent être les prochaines victimes. Et donc il y des alliés importants qui faut rassembler, en France, en Europe et dans le monde, et on a des arguments importants pour ça.

 

Crise de la globalisation financièreLa crise c'est d'abord une crise de la globalisation financière. Le modèle vendu des marchés financiers ne fonctionne pas. Ces marchés sont prédateurs et parasitaires. Ils sont la cause de cracks, des booms et condamnent l'économie mondiale à vivre en permanence dans une ambiance de casino. Nous devons effectuer des propositions en vue de réduire l'importance des marchés financiers, pour cloisonner les banques et les marchés financiers, pour recentrer les banques autour de leur métier qui est le crédit et leur interdire de spéculer sur les marchés financiers. Sur ces thèmes, il est possible de rassembler, au-delà des salariés, des couches importantes de la population, qui trouveront scandaleux que leur emploi dépende des spéculations que font les banques et les organismes financiers. La crise pose la question de la domination de la finance sur les entreprises. On a connu une période où les entreprises ont été gérées de plus en plus dans le seul souci de l'actionnaire, celui-ci réclamant des taux de profit exorbitants, de l'ordre de 15 %, nuisant de cette manière aux possibilités de l'entreprise d'investir, de former leur personnel et de développer le capital humain. La crise fait bien apparaître l'impasse que représente cette domination des marchés financiers sur les entreprises productives. Autour de ce thème, on peut rassembler une partie des industriels et des cadres, qui considèrent que le but de leur travail n'est pas d'enrichir des actionnaires, mais de développer l'emploi et mener une activité utile pour la société.

 

Crise de la mondialisation libéraleLa crise est une crise de la mondialisation libérale. Elle met en cause la stratégie des pays qui étaient les bénéficiaires de la mondialisation. D'un côté, le développement des pays anglo-saxons présente de plus en plus d'inégalités sociales, entraînant les bulles financières, l'endettement des ménages. Tout cela provoque la crise des subprimes et se répand à l'échelle mondiale. De l'autre, la stratégie catastrophique chinoise et allemande, qui est de rechercher la compétitivité, le développement au détriment des partenaires, provoque l'endettement des États-Unis et des pays de la zone euro qui contrebalancent les excédents de l'Allemagne. La France doit ouvrir un chantier mondial sur la modification de la croissance, qui doit reposer sur les salaires, sur la consommation, sur les revenus sociaux et non pas sur la concurrence internationale, sur les parts de marché à l'étranger et les bulles financières. La crise pose la question de la construction européenne qui aurait pu défendre l'idée d'une société sociale-démocrate, sur la base d'un modèle de société originale. Au contraire, l'objectif des classes dominantes est d'utiliser cette construction européenne pour faire évoluer les sociétés européennes vers des sociétés de plus en plus libérales, avec de moins en moins de services publics et de dépenses sociales. La crise a révélé à quel point ce programme est dangereux. La France doit trouver des alliés, en Europe, dans les forces sociales de tous les pays, notamment dans ceux qui ont les mêmes aspirations, pour réorienter la construction européenne vers la défense du modèle social européen, d'harmoniser le progrès et d'augmenter la solidarité entre les pays de l'Union européenne. La crise actuelle, celle des dettes publiques, celle des pays du Sud soulignent les dangers de la globalisation financière. Si nous renonçons, comme le G20 et le président Sarkozy l’ont fait, à lutter contre cette globalisation, les marchés financiers dresseront des carcans de plus en plus pesants sur les États, sur les finances publiques et sur les dépenses sociales. Les pays du Sud sont ainsi obligés de pratiquer des coupes claires dans leurs dépenses sociales, publiques et d'infrastructures, dans le nombre de fonctionnaires, ils sont de ce fait victimes d'une catastrophe, qui les condamne pendant une longue période à une croissance médiocre, qui brise leur cohésion sociale et qui diminue le pouvoir d'achat des peuples. Face à cette offensive des marchés financiers, la Commission européenne est passive et n'organise aucune riposte et aucun scénario global. En réponse à cette passivité, les forces de gauche et les syndicats doivent proposer une stratégie alternative, reposant sur l'idée que la crise ne doit pas être payée par les peuples, mais par les riches et par les banquiers. Pourquoi demander aux Irlandais de souffrir pendant dix ans à cause de la faillite d'une de leurs banques ? Pourquoi ne pas prélever un impôt auprès de toutes les banques européennes pour les restructurer et ainsi repenser le système bancaire de demain, pour en faire un système beaucoup plus utile et moins développé.

 

Un programme original et ambitieux La crise pose un grand nombre de questions difficiles. La France doit, en réunissant autour d'elle des alliés, se doter d'une stratégie originale. Cette stratégie se doit d’être européenne et provoquer des répercussions mondiales afin de remettre en cause la mondialisation libérale. Le poids de la globalisation financière et de la mondialisation doit pouvoir être diminué dans chaque pays. Les pays émergents doivent restructurer leur croissance, qui doit s'appuyer beaucoup plus sur leur demande intérieure et non pas être au détriment des peuples, pour détourner aussi l’impact sur l’emploi des pays développés. Le programme se doit d'être extrêmement ambitieux, car la crise met en cause le niveau de vie de pays entiers, et de couches importantes de la population. Cette occasion doit être saisie pour développer un programme original, pour obtenir un rassemblement et une adhésion importante de la population et ainsi avoir une influence en Europe.

 

*Henri Sterdyniak, co-animateur des Economistes atterrés.

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le 05 avril 2011

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