La revue du projet

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Construire du commun, Michel Laurent *

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Le capitalisme domine la planète mais aujourd'hui le roi est nu. La crise mondiale est la sienne. Mis en cause, ce système apparaît de plus en plus injuste, inefficace, dangereux pour l'humanité et la nature, pour la planète tout entière. Par Michel Laurent*Ce constat populaire, accompagné de nombreuses analyses intellectuelles, accentue, et c'est le paradoxe, la crise de la gauche. Elle s'est ralliée majoritairement, au travers des évolutions de la social-démocratie mondiale, à la thèse de l'horizon indépassable du capitalisme. Et pourtant la crise est là. Elle s'amplifie et elle est de plus en plus vécue et comprise comme celle d'un système. D'où un doute, lui aussi grandissant, sur la capacité de la gauche à faire véritablement autrement et autre chose que la droite. D'où aussi le risque et le danger de voir monter le populisme, les intégrismes et autres nationalismes pour exprimer un ras-le-bol insupportable mais sans perspective réelle, sinon de chercher un ennemi chez l'autre, les autres. La recherche d'une issue, si elle commence souvent par la critique du système et la protestation, ne peut pas s'y réduire. Une issue progressiste, transformatrice se doit d'être espérance positive d'une autre société, recherche de solutions aux problèmes d'aujourd'hui dans les conditions d'aujourd'hui.Autrement dit, tout rassemblement qui se construit uniquement sur un rejet, sur de l' « anti », atteint vite ses limites et se brise au moment où il s'agit de trouver ensemble des solutions. La crise de la gauche étant avant tout une crise de projet, il faut donc y travailler. C'est sur la base de ces réflexions que le LEM, Lieu d'étude sur le mouvement des connaissances et des idées, a initié le principe d'une Rencontre nationale du Projet. Cette rencontre, organisée par le PCF, s'est déroulée les 26, 27 et 28 novembre 2010. Ce numéro spécial en reprend les interventions introductives. Cette rencontre se proposait comme une rencontre de travail, publique, sur le projet de gauche auquel une grande partie de notre peuple aspire et sur sa faisabilité dans le contexte européen et mondial d'aujourd'hui. Il s'agissait de s'engager dans la construction d'un projet qui réponde aux problèmes d'aujourd'hui et aux aspirations populaires, en rupture avec les logiques libérales. Un projet utile à toute la gauche, un projet pour la France, européen et internationaliste.

Travailler le ProjetC'est une question de cohérence. Il est le ciment de tout rassemblement qui se veut durable. Ce travail de contenu va nous amener devant des obstacles, des contradictions qu'il  nous faudra surmonter ensemble. Patrick Viveret n'a-t-il pas évoqué, dès la première séance, la nécessité pour la gauche de « construire ses désaccords » pour pouvoir enfin les traiter et être en mesure de proposer. Dépasser les débats de posture pour mieux travailler aux solutions, n'est-ce pas ce qu'attend  impatiemment notre peuple ? Et puis, il faut prendre la mesure d'une autre crise, celle de la représentation politique, de la politique. Les peuples de France, de Tunisie, d'Égypte ou d'ailleurs se résignent lorsqu'ils ont le sentiment de ne pas avoir prise sur les événements. Ils sont activement présents et font l'Histoire quand ils prennent confiance en eux-mêmes. Créer cet espace de confiance que Michela Marzano appelle de ses vœux, c'est le moyen de faire reculer la peur, la politique de la peur. Créer cet espace de confiance où se rassembleraient les citoyens, les responsables politiques, les élus, les intellectuels, était  aussi l'un des buts assumés de l'initiative. Il est encore, nous le savons tous, à créer. Cette confiance n'existe pas aujourd'hui. Pour qu'elle prenne corps, il faut lui donner un objet – que voulons-nous pour la France ? – et une méthode de traitement de cet objet : analyse de la crise, échange d'arguments et de solutions, écoute et travail en commun.

jouer collectifTous les acteurs et actrices du champ politique, c'est-à-dire les citoyens, les acteurs sociaux et intellectuels, les élus et les responsables politiques doivent y être conviés. C'est de leur rencontre que peut naître du neuf. Entretenir la séparation de tous ces acteurs, c'est entretenir, voire accentuer l'éclatement de la société alors que nous visons au contraire son rassemblement.Diviser pour régner a été depuis longtemps la méthode de gouvernement des puissants et de tous ceux qui veulent confisquer le pouvoir. Nous voulons construire au contraire du commun, jouer collectif. La forme rejoint ici, comme toujours, le fond. Cette démarche nouvelle, originale, exigeante que le Parti communiste veut promouvoir, nous avons commencé à la mettre en œuvre lors de cette rencontre. Nous voulons l'impulser partout dans le pays autour de la construction « d'un programme populaire et partagé » et de l'élargissement populaire du Front de gauche. La rencontre nationale a fait écho à ces deux objectifs. S'agissant du « programme populaire et partagé », Pierre Laurent insistait dans la lettre d'invitation sur la demande aux intervenants « de répondre à partir de leur sensibilité propre et de leur itinéraire singulier, à ces questions : quelles sont, à vos yeux, les composantes incontournables d'un projet de gauche répondant aux aspirations de notre peuple aujourd'hui ? Quels degrés de liberté existent-ils ou peuvent-ils être conquis, selon vous, pour atteindre ces objectifs ? Quel(s) chemin(s) estimez-vous devoir être empruntés pour réaliser les rassemblements majoritaires à même de les imposer ? »C'est la recherche d'une construction commune qui nous a incités à inviter des intervenants et des participants d'horizons divers. La qualité des interventions (vous en jugerez par cette première publication) et des débats a été remarquée. Des thèmes récurrents en ont émergé : la démocratie, la jeunesse, l'Europe, l'argent, le travail, la formation et la culture. Toutefois, des absences ou des faiblesses importantes sont à noter : les territoires, l'égalité femmes/hommes, le monde, l'écologie n'ont pas fait l'objet d'un véritable débat.Le succès, aussi bien que les manques de cette initiative, nous invitent à continuer en décentralisant la démarche au plus près des territoires et des citoyens et en se donnant les moyens de la remontée de ce qui se dit dans les multiples rencontres de terrain. Il s'agit aussi dans de prochaines conventions nationales de fédérer les réflexions, d'acter en commun ce qui peut l'être et d'organiser les réflexions sur ce qui continue à faire débat. En un mot, d'amplifier cette édification citoyenne d'un programme populaire et partagé, réfléchi, conçu ensemble pour pouvoir être porté ensemble lors des prochaines échéances électorales et au-delà.

 

*Michel Laurent est animateur du LEM , Lieu d’étude sur le mouvement des idées.

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le 05 April 2011

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