La revue du projet

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Sous le signe de la politesse, Patrice Bessac*

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Pour introduire, je veux m’en tenir à une seule question en essayant de placer nos travaux sous le signe de l’histoire, de notre intelligence du moment historique et des conceptions les plus profondes qui fondent le travail que nous engageons.

 

À mes yeux, ce qui est devant nous est résumé par l’idée que nous sommes entrés dans une nouvelle période historique dont la caractéristique principale est le basculement des opinions publiques de l’acceptation résignée du capitalisme mondialisé à l’installation d’un doute massif quant à la nature du système et au risque de dé-civilisation du monde. Après plusieurs décennies de victoire idéologique des forces néo-conservatrices, nous sommes entrés dans l’ère du doute, des peurs, des contestations.Cette ère du doute sur le système capitaliste, qui provoque à la fois la montée en puissance de contestations claires comme de risques de replis multiformes, aux plans politique, social et religieux, est l’objet présent de notre travail. Ce qui est devant nous, durablement, c’est le débat de solution, c’est-à-dire la formulation structurée des axes essentiels permettant de penser et de réaliser le changement.À mes yeux, c’est donc cet objectif, parvenir à unifier le mouvement critique sur la base de nouveaux fondamentaux de la pensée communiste ou de transformation sociale ou encore progressiste, qui conditionne l’idée que l’essentiel de la période à venir est de réussir à enclencher un mouvement de travail entre tous les acteurs sociaux, politiques, citoyens qui sont disponibles.

Ce travail, nous plaidons pour qu’il soit placé sous le signe de la politesse. Oui, une forme de politesse envers nous-mêmes et envers celles et ceux avec qui nous voulons travailler. Une politesse qui fait taire l'injonction du capitalisme au mouvement perpétuel, au changement qui ne change rien, pour aller à la rencontre sans préjugé, sans esprit de domination, de notre propre pensée et de toutes celles qui existent dans le mouvement critique, progressiste, communiste, transformateur. Une politesse qui fait l'éloge de la lenteur dans les relations humaines et politiques, qui prend le risque, parce que c'est urgent, de penser lentement pour penser vraiment. Une politesse qui fait taire radicalement le populisme, l'esprit simple des communicants, qui tient en respect la vulgarité de l'exercice politique dans la société du spectacle, pour entretenir une relation de respect, au fond profondément républicaine, avec chacun, chacune d’entre vous, d’entre nous, avec chacune et chacun de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

 

Creer un espace de raison

J’y insiste. Notre problème, quels que soient nos engagements, n’est pas d’avoir raison mais de chercher la raison. Notre problème est de créer un espace de raison où des millions d’entre nous, travailleurs intellectuels, acteurs du mouvement social, citoyens de ce pays puissent trouver un espace de liberté politique. Pour atteindre ce but, je veux vous faire part de deux convictions.D’abord, et particulièrement dans une société de grande éducation comme la France, l’idée d’un nouvel âge de la démocratie doit devenir l’une de nos obsessions. Je ne suis satisfait de rien quant à tout ce que nous racontons sur la pratique d’un programme partagé et des changements à opérer dans la vie de nos organisations politiques, je ne suis satisfait de rien sauf de l’essentiel qui est la volonté de continuer à chercher dans le sens d’une démocratie plus ouverte, plus intégrative, plus participative. Et ainsi, je pense que les problèmes du présent ne doivent pas conduire à régresser vers des conceptions archaïques de l’action politique et citoyenne, elles doivent au contraire nous pousser en avant vers ce qui est l’une des clés de la révolution au XXIe siècle, c’est-à-dire une nouvelle démocratie politique et sociale.

Ma deuxième conviction est qu’il est nécessaire, dans le champ de la pensée communiste et de transformation sociale ou progressiste, de rassembler un môle de taille critique de personnes engagées signifiant durablement leur volonté d’un travail sans cloison autour du projet d’une civilisation pleinement humaine.En effet et paradoxalement, la question du rassemblement politique est, pour un temps long, principalement en réalité la question du rassemblement social, tant il est vrai que les forces les plus nombreuses qui existent ne sont pas dans les partis politiques. Or, nous ne résoudrons pas ce problème par l’idée : un chef, un programme, un parti. Nous résoudrons ce problème en cousant, en liant, en travaillant, en parlant, en dialoguant, en cherchant avec sincérité la mise en commun et en mouvement. Il y a ce qui est contingent et ce qui est nécessaire. Ce qui est contingent, c’est l’actualité politique ordinaire. Ce qui est nécessaire, à tout le monde et pour très longtemps, c’est parvenir à une unification positive du mouvement critique, c’est-à-dire sur des idées d’avenir à tous les moments, qu'ils soient sociaux ou électoraux.

Je veux conclure ce court propos liminaire par deux dernières remarques.La première, c’est que les vingt prochaines années se résument à l’idée de crise de civilisation ou encore de crise anthropologique, de crise du devenir humain et de sa niche écologique, la planète Terre. Notre problème principal n’est pas de mieux traiter la crise écologique, ou la crise du travail ou encore la crise du système productif, mais d’accéder à la pensée de l’ensemble. Et la pensée de l’ensemble à mes yeux, c’est que pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, notre organisation sociale par son caractère mondial, par son caractère de « société-monde » fait peser un risque global et majeur sur la survie de l’humanité en tant qu’espèce civilisée. Trois exemples à l'appui. Nous vivons actuellement la sixième phase d’extinction massive des espèces vivantes, bientôt à un rythme plus rapide que les cinq phases géologiques précédentes. Deuxième exemple : certaines prévisions, notamment de la CIA, prévoient à court terme des déplacements de populations de l’ordre de 500 millions du fait de la désertification et du climat. Troisième exemple : l’affaiblissement constant des démocraties occidentales avec comme corollaire la montée des populismes et, dans les classes dominantes, de stratégies de contournement des processus démocratiques. Si la source essentielle des désordres actuels est connue, penser l’ensemble, c’est tenter de dire en quelques mots, par-delà les conséquences multiples, la cohérence essentielles des sociétés actuelles et les défis fondamentaux que l’humanité devra affronter dans l’avenir.Mesurons qu’à chacun de ces risques répond aujourd’hui une tentation de régulation par la force. Et que l’hypothèse de travail des experts mondiaux est celle d’une augmentation des conflits armés. Le courant progressiste et révolutionnaire, à l’échelle nationale et mondiale, est donc bien placé devant le risque de dé-civilisation du monde par l’action du gouvernement des marchés.Ma deuxième et dernière remarque de conclusion est pour dire que chacune et chacun des acteurs de la préparation de ces rencontres a travaillé avec l’esprit de responsabilité qui doit caractériser toute entreprise politique. Ces rencontres ont pour but de dessiner et de partager des idées dont nous aspirons à ce qu’elles président un jour aux destinées de la France. Cette conscience de la gravité de nos responsabilités est en soi un objectif de reconquête et de décolonisation des esprits : les idées, le mouvement, la famille recomposée que nous sommes n’ont pas vocation à jouer les cabris dans un coin, notre vocation est de gouverner la France et de l’engager pour changer l’Europe et le monde. n* Patrice Bessac est responsable du Projet au PCF

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Par Patrice Bessac, le 05 April 2011

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