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La politique européenne de la France, Patrick Le Hyaric*

Citoyens et salariés, avec leurs associations et leurs syndicats, leurs élus, doivent s’emparer de manière plus permanente, plus tenace des enjeux découlant des politiques européennes pour éviter que l’influence française continue de diminuer au sein de l’Union européenne. En tant que membre fondateur de l’Union européenne, la France a une responsabilité particulière dans le débat européen, au service des peuples.

S’il est vrai que la France seule ne peut prétendre réorienter la construction européenne, rien ne peut se faire sans elle et encore moins contre elle.
Elle pourrait donc en en appelant aux travailleurs et aux peuples, en impulsant un véritable débat sur les enjeux sociaux, démocratiques, environnementaux, remplacer cette Europe de l’austérité par celle d’un pacte social et environnemental ; une Europe des biens communs avec la création et le développement de nouveaux services publics, une Europe de la paix et de la coopération et non celle des tensions et des guerres ; une Europe accueillante pour celles et ceux qui fuient aujourd’hui les guerres, les violences et la misère.
Il n’en est rien ! Car les pouvoirs successifs ont décidé, non seulement de se plier aux injonctions européennes, mais de participer directement à les édicter au sein du Conseil européen et de la commission européenne.
Si les citoyens, les salariés, avec leurs associations et leurs syndicats, leurs élus, n’arrivent pas à s’emparer de manière plus permanente, plus tenace des enjeux découlant des politiques européennes, il est à craindre que l’influence française continue de diminuer au sein de l’Union européenne. En s’alignant sur les normes antisociales européennes, sur la loi de la « concurrence », des « privatisations » et le « tout sécuritaire », notre pays ne rend pas service à un projet européen de progrès.

Affaiblissement du poids de la France dans les institutions
D’autre part, il faut avoir conscience que depuis la réunification de l’Allemagne, ce pays est devenu la première puissance démographique et donc mécaniquement le pays le plus puissant au sein des institutions européennes. Et les élargissements successifs aux pays d’Europe orientale ont encore agrandi la sphère d’influence de l’Allemagne. Ceci est encore renforcé par une utilisation de moins en moins importante de la langue française considérée hier comme la langue diplomatique entre fonctionnaires européens et entre responsables politiques qui est aujourd’hui remplacée par l’usage de l’anglais.
Cet affaiblissement, presque mécanique avec les élargissements, aurait pu être comblé par des initiatives politiques, par une présence forte dans les institutions, y compris au parlement européen, disposant d’un peu plus de pouvoir avec les traités.
Or, depuis le départ de Jean-Claude Trichet de la Banque centrale européenne, en 2011, les Français n’occupent plus de poste de dirigeant au sein de l’Union européenne, en dehors du poste de commissaire, qui est garanti par les traités. Au niveau inférieur, ce sont les Allemands qui occupent les fonctions les plus importantes : secrétaire général du Conseil, secrétaire général du parlement européen et chef de cabinet du président de la Com­mission européenne. Une présence française au sein des cabinets des commissaires et des postes d’encadrement corrige un peu cette situation.
Au sein du parlement européen, les effets sont plus nets. Aux élections européennes, la France a été le seul pays d’Europe à placer en tête des suffrages un parti d’extrême droite qui prône la sortie de l’Union, avec 24 députés.
S’agissant des responsabilités au sein du parlement européen, 26 députés français exercent actuellement des responsabilités importantes (voir tableau ci-dessous). C’est moins que l’Italie avec 29 postes, le Royaume-Uni, avec 28 et surtout l’Allemagne avec 56 postes, soit plus du double de la France.
La France, 2e puissance économique de l’Union, 2e puissance démographique, est aujourd’hui aussi influente au sein de cette assemblée que des pays comme l’Espagne ou la Pologne, qui ont pourtant moins de députés européens.

Quelle action de la France en Europe ?
La combinaison de l’acceptation des traités de Maastricht puis de Lisbonne, la mise en place de l’Organisation mondiale du commerce et le développement de la mondialisation capitaliste dans laquelle la France a été de plus en plus insérée, a conduit les gouvernements successifs, à adopter toujours plus les normes de l’ultralibéralisme. Avoir refusé de tenir compte du  NON  majoritaire français au projet de traité constitutionnel, a affaibli notre pays au lieu de faire respecter son peuple.
La dernière initiative majeure de la France en Europe, lancée par Nicolas Sarkozy lors de la présidence française de l’Union européenne en 2008, a été la création d’une Union pour la Méditerranée. L’idée aurait pu être porteuse d’avenir en incluant nos voisins du Sud dans un espace de coopération et de partenariat sur des projets communs. Mais, la mise en œuvre et la présentation qui en a été faite à nos partenaires européens, ont été catastrophiques. Les pays non-riverains et la commission étant exclus de cette nouvelle union. Ce projet a été torpillé par l’Allemagne qui ne voulait pas voir son rôle central au sein de l’Union remis en cause. De surcroît, un tel projet porté par l’un des seuls responsables politiques français à avoir approuvé l’intervention nord-américaine en Irak et à l’avoir initié en Libye, a rendu l’initiative suspecte. De fait, il ne se passe plus grand-chose dans les institutions chargées de ce projet.
Le projet politique européen porté par la France est aujourd’hui presque inexistant. Le projet de réorientation de la construction européenne est abandonné.
La proposition numéro 11 du programme du candidat François Hol­lande s’engageait pour « un pacte de responsabilité de gouvernance et de croissance pour sortir de la crise et de la spirale d’austérité ». Cela visait à ne pas mettre en œuvre le traité budgétaire qui avait été affublé du nom de « Merkozy ». Ceci s’est conclu par la vague décision d’un pacte, soi-disant de croissance, doté de 120 milliards d’euros dont on ne trouve trace nulle part.
Avec de petites nuances, l’alignement français sur les positions de l’Allema­gne a été flagrant cet été lors des négociations sur l’avenir de la Grèce.
On ne peut pas être plus influent que celui dont on porte le projet. Et, aujourd’hui, le projet européen de la France est, faute d’initiatives et d’ambitions, celui de l’Allemagne conservatrice. Pourtant, ce devrait être le moment de nouvelles initiatives alors que la crise européenne, la contestation même de toute idée de projet européen, s’amplifient dangereusement. Qu’il s’agisse de la crise sociale et économique, celle des migrants, les chantages de la Grande-Bretagne, la non-résolution de questions liées aux dettes, la violation par plusieurs pays des valeurs fondamentales des droits humains.
En tant que membre fondateur de l’Union européenne, la France a une responsabilité particulière dans le débat européen, au service des peuples. Or, sa seule initiative récente a consisté à demander, le 17 novembre dernier, l’activation de l’article 42-7 du traité de Lisbonne pour obtenir l’engagement d’autres pays dans ses interventions militaires extérieures.

De possibles axes d’action
Le président de la République pourrait mettre les paroles qu’il a prononcées au congrès de la Confédération européenne des syndicats qui s’est tenu à Paris, du 29 septembre au 2 octobre 2015, en accord avec ses actes pour une Europe sociale.
Ce pourrait être une base d’action populaire pour défendre et améliorer la protection sociale, permettre à chaque jeune de se former s’il le souhaite en vue d’une sécurité sociale du travail ; agir pour la refonte de la directive des travailleurs détachés ; accepter la directive sur le congé maternité ; porter le débat sur le rôle de la Banque centrale européenne et faire en sorte que les 1 100 milliards de création monétaire auquel elle procède servent vraiment à l’économie réelle, l’emploi et la transition écologique.
Elle pourrait aussi s’opposer au démantèlement des services publics et chercher au contraire à les développer à partir d’un fonds de développement humain, social et environnemental. Agir pour l’intégration de clauses sociales dans les politiques communes. Se désengager des négociations en cours sur le traité de libre-échange transatlantique et le projet de démantèlement des services, baptisé TISA, Trade in Services Agreement  (accord sur le commerce des services).
Elle pourrait reprendre le partenariat euro-Méditerranée sur de nouvelles bases pour un co-développement commun, éloignant les guerres comme moyen de résolution des conflits ; porter plus haut le droit international pour reconnaître la Palestine
C’est au peuple dans sa diversité, aux syndicats, aux associations, aux élus progressistes, de faire entendre une autre voix de la France et de rechercher les alliances et les solidarités nécessaires pour que notre pays joue un nouveau rôle au service des peuples et du bien commun.

*Patrick Le Hyaric est membre du comité de projet, responsable du projet européen. Il est député européen (GUE-NGL).

La Revue du projet, n° 54, février 2016

Répartition des responsabilités selon les pays


 

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La politique européenne de la France, Patrick Le Hyaric*

le 14 février 2016

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