La revue du projet

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Face à la crise écologique, unir écologie et justice sociale*, Hervé Bramy

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L'écologie politique va bien au-delà de la défense de l'environnement. Elle se veut radicale, s'attaque à la racine des causes de la catastrophe écologique : culte du profit, règne de la concurrence et du libre échange, montée des inégalités et fuite en avant productiviste...

La crise écologique est la conséquence d'une exploitation sans limites des ressources naturelles qui provoque une détérioration profonde, parfois irréversible, de l’environnement.Parce que nous faisons le lien entre l'oligarchie, les très riches, et la destruction de la planète, notre écologie ne peut qu'être profondément anticapitaliste et éprise de justice sociale. Parce que le système actuel provoque l'exploitation à la fois des individus et des écosystèmes, notre écologie vise à changer de système et à proposer des ruptures de transformation écologique et sociale, fermement ancrées à gauche, solidaires, internationalistes et citoyennes. Revoir nos modes de production et de consommation, dépasser le culte de la croissance économique à tout prix, interroger nos besoins et la notion de richesse. Repenser les rapports Nord-Sud et les solidarités internationales pour une autre mondialisation au service des peuples. En finir avec l'OMC et refuser la construction actuelle de l'Union Européenne avec son cortège de privatisations de services publics essentiels.

L’urgence écologique

Les causes en sont la recherche effrénée du profit et de l'exploitation sans limite des êtres humains et des ressources naturelles. Avec les transports de marchandises extrêmement polluants, aujourd'hui un jean fait le tour du monde avant d'arriver dans nos placards, après avoir été produit dans des conditions indécentes à l'autre bout du monde, du fait du dumping social et environnemental. Mais le problème trouve aussi sa source dans les politiques de l'OMC, du FMI et de la Banque Mondiale, relayées par les gouvernements libéraux qui détruisent les services publics, l'agriculture vivrière, la transformant en monocultures destinées à l'export – comme pour la Politique Agricole Commune de l'Union Européenne qui offre des subventions aux trusts agricoles. Le résultat, c’est la ruine des paysans, les migrations forcées des populations et la régression xénophobe dans la mise en place d’une Europe forteresse.La logique du capitalisme vert revient à créer des mécanismes qui font de la protection de l'environnement une nouvelle source de profits, sans souci des conséquences sur l'environnement ni sur les conditions de vie des peuples. Depuis plus de 150 ans, le capitalisme a entraîné un développement anarchique et brutal de la production, avec le renfort de la publicité, des modes et du crédit à la consommation, sans prendre en compte les besoins humains réels et les limites des ressources naturelles. Réalisation de profits, et satisfaction de besoins artificiellement créés étaient les critères des choix économiques. Aujourd'hui, la crise climatique dans laquelle l'Humanité est entrée depuis la fin du 20ème siècle joue un rôle d'accélérateur brutal des inégalités sociales, des crises alimentaires et énergétiques.

Un nouveau mode de développement

Le maintien voire le développement des écosystèmes - qui ont besoin de temps longs - est incompatible avec la recherche maximum et à court terme du profit. Les crises (alimentaire, écologique, financière, démocratique…) appellent de nouvelles avancées de civilisation qui remettent en cause les modes de production et d’échanges capitalistes, la recherche exacerbée du profit, et au-delà l’ensemble des rapports de domination, d’exploitation et d’aliénation qui gouvernent le monde, les êtres humains et la nature depuis des millénaires.Un nouveau mode de développement, c’est d’abord une action publique résolue en faveur d’une maîtrise citoyenne sociale et écologique de l’économie.  La question d’une croissance saine en terme d’emploi, de formation, de protection sociale et de services publics est une des questions fortes en débat. Bâtir un autre mode de développement suppose d’agir pour des transformations profondes de la société et de déterminer quels secteurs de l’économie devront être prioritaires et sur lesquels les investissements devront s’accroître et quels secteurs sont jugés inutiles et néfastes et devront être abandonnés. Une transformation économique, financière et sociale  suppose une maîtrise  publique des marchés tout en garantissant la liberté de choix des individus au sein du marché de biens de consommation courante. Un dépassement du marché du travail par la sécurisation tout au long de la vie des parcours de travail, de formation ainsi que des revenus. Enfin, une maîtrise publique des marchés financiers par la création de pôles publics de la finance, afin d’en finir avec la spéculation par la maîtrise politique des orientations des banques centrales - de leurs finalités comme de leurs missions - et par l’instauration d’une autre politique du crédit orientée vers l’emploi, la formation, l’investissement sous critères sociaux et environnementaux.Les enjeux environnementaux sont étroitement liés aux enjeux sociaux et les familles modestes, les personnes et les salariés en situation précaire sont les plus exposés aux risques environnementaux. En 40 ans, malgré une croissance considérable de la richesse produite dans le monde, les inégalités n’ont cessé de s’accroître : l’écart entre les plus pauvres et les plus riches était de 1 à 30 en 1960, il est aujourd’hui de 1 à 80Face au changement climatique nous devons penser l’après pétrole - énergie fossile en voie de disparition, et des plus contributives à l’effet de serre - et ouvrir en grand le débat sur la politique énergétique française et européenne : systématisation des plans climat, programme d’économie et d’efficacité énergétique [habitat aux normes écologiques, développement des transports en commun, ferroutage et fluvial…]. Dans tous les domaines, notre objectif est de viser la sobriété énergétique. Nous engagerons un soutien massif au développement des énergies renouvelables (solaire, géothermique, hydraulique, éolienne). Il est urgent d’accélérer les efforts de recherche en matière d’efficacité énergétique dans toutes les directions. Nous reconnaissons qu'un débat existe dans la société, dans le mouvement ouvrier sur la question du nucléaire. Ce débat existe également au sein du Front de Gauche entre la suppression progressive du nucléaire ou le maintien d'un nucléaire sécurisé et public. Un débat national sur la politique énergétique et le nucléaire devra être conduit, de l'information jusqu'à la décision à l'issue d'un référendum populaire. Un contrôle indépendant et citoyen doit permettre d'assurer la transparence du dossier.Des services publics nationaux coopérant entre eux jusqu’au niveau mondial pourraient concerner les « ressources naturelles » (eau, énergie, agriculture …), mais aussi la connaissance de la production, des effets des technologies, voire le transfert des technologies. Développer les services publics et s’émanciper des marchés demande de tout autres financements : beaucoup plus massifs qu’actuellement, et qui ne soient pas financés par une nouvelle taxe marchande pour les usagers. Cela suppose d’être capables de poser la question de la propriété des entreprises qui couvrent des besoins essentiels. Nous voulons mettre en œuvre un processus d’appropriation sociale, par la collectivité, les salariés et les usagers des secteurs de l’eau, de l’énergie, de l’alimentation … qui ne peuvent en aucun cas être soumis à la dictature des actionnaires. De nouveaux droits d’information, de regard et d’intervention doivent être institués afin de permettre aux salariés de réellement participer à la définition des stratégies d’entreprises et faire valoir de nouveaux critères de gestion.

Mettre en place une planification écologique démocratique.

Le Plan écologique donnera la possibilité d’organiser la transition vers un autre mode de développement, en interrogeant nos besoins et en réorientant production, échange et consommation en vertu de leur utilité sociale et écologique. La dimension démocratique et citoyenne de la planification écologique est centrale. Cela suppose de multiples initiatives : débats citoyens, participation des associations, syndicats, chercheurs. Sous le contrôle du Parlement, les débats publics doivent permettre de dépasser les contradictions actuelles entre les intérêts économiques, sociaux et environnementaux pour définir ce qui est l’intérêt général. Ce Plan écologique devra obliger tous ceux qui dépendent directement de l’État : services publics et entreprises nationales ; pour eux, les objectifs du Plan écologique revêtiront un caractère contraignant et leurs moyens budgétaires seront organisés en fonction de ses objectifs. Pour les autres acteurs économiques, et en premier lieu les collectivités territoriales et le secteur de l’économie sociale et solidaire, leur implication est essentielle, mais elle ne peut se faire que dans le respect de leur autonomie. 

        *Extraits du document préparatoire à l'élaboration du programme partagé du Front de gauche, proposé par Hervé Bramy, responsable PCF écologie et les partenaires du Parti de Gauche et la Gauche Unitaire (Forum de Bordeaux).   

Autres propositions du PCF à mettre en débat

l Transport et fret : passer du tout routier au rail et au fluvial, développer les transports collectifs, garantir un financement renforcé des transports en commun (réouverture de lignes SNCF, en particulier des transversales, financement de matériel TER), développer la filière industrielle des véhicules électriques.

l Lutte contre le consumérisme, contre l'invasion de la publicité et le système dominant des médias, mise en place du revenu maximum autorisé (à vingt fois le revenu médian). Passer de l'économie du remplacement à celle de la réparation, lutte contre l'obsolescence programmée (multiplication des temps de garanties sur tout le produit pour obliger les entreprises à la réparation). Lutte contre les modes, le surendettement et la création de besoins artificiels.

l Science et citoyenneté : Garantir l’indépendance des chercheurs et développer la recherche fondamentale. Mise en place de débats citoyens et d'instances de contrôle et de décisions sur les applications scientifiques par l’industrie. Création d'un statut de protection des lanceurs d'alerte.

l Agriculture : prise en compte des enjeux à la fois sociaux, d'emploi, de souveraineté alimentaire, d'environnement et de santé de l'alimentation. Garantir la souveraineté alimentaire - incluant le développement de l'agriculture paysanne et vivrière, et la protection du foncier agricole en zone urbaine et péri urbaine. Pour un nouvel ordre alimentaire mondial : Instauration d’une clause de sauvegarde internationale lorsque les terres d’un pays sont menacées de spéculation et de détournement de la production. Prolonger le moratoire sur l’utilisation des OGM agro-alimentaire ou PGM plein champ. Interdiction de la spéculation sur les matières premières agricoles et alimentaires. Taxation des importations abusives pillant les agricultures locales, en particulier dans les pays du Sud, afin de financer la relocalisation des productions (Voir à ce sujet les développements présentés dans le document produit à l’occasion du forum Front de Gauche de Bagnolet).

l Santé et environnement : lutte contre les produits chimiques néfastes, les pesticides consommés et l'exposition des agriculteurs, les problèmes des nanomatériaux pour la population autant que pour les travailleurs.

l Favoriser la relocalisation des productions, en particulier agricoles, pour développer les circuits courts et rapprocher les producteurs des consommateurs.

l Impulser un processus de coopération internationale pour favoriser et soutenir toutes les expériences d’écologie anticapitaliste.

l Création d’un service public national de l’Eau, un service public de l’Energie avec la réappropriation publique du secteur de l’énergie (EDF-GDF et Total) que le marché pousse dans les bras du privé en le détournant de sa mission de service public, mise en cause de l’ouverture à la concurrence dans les transports et l’énergie qui conduit à une véritable gabegie marchande au détriment de toute vision de long terme, soutien aux collectivités dans la mise en place de Plans climat, Agenda 21, Plans bruit etc … Création d’un service public du logement et d’un service public national de l’ingénierie durable au service des collectivités.

l Développer une grande politique d’enseignement et de recherche en écologie : Revisiter les programmes d’enseignement à tous les échelons, mettre à plat les enjeux de la recherche publique et privée, définir un nouveau rôle au CNRS, INRA, CEA… Garantir le statut indépendant des chercheurs pour qu’en lien avec la société ils définissent en dehors des pressions des monopoles, leurs programmes. Suppression de la loi LRU. Développement de la recherche dans tous les domaines énergétiques en encourageant la sobriété à tous les niveaux.

l Sur l’impact des installations industrielles et agricoles : il faut développer l’INRA, l’INERIS (risques industriels), l’IRSN (risques nucléaires) et les mettre en coopération de travail. La France, l’Europe, les pays riches industrialisés doivent payer leur dette écologique à l’égard des pays du sud spoliés de leurs ressources naturelles, les accompagner dans la maîtrise de leur développement en leur transférant brevets et technologies utiles à la lutte contre le réchauffement climatique.

l Réduction des déchets à la source : Dès la conception des biens de consommation l’avenir des déchets doit être envisagé. Il faut poursuivre la politique de collecte et de tri sélectif avec valorisation des déchets. Les technologies propres, comme la méthanisation (gestion des déchets verts), doivent être amplifiées et accompagnées d’un plan de valorisation du méthane produit dans les réseaux urbains par exemple. Le recours à la valorisation énergétique des grandes masses de déchets par incinération doit être utilisé en dernier recours. Développer l’éco-production territorialisée afin d’utiliser des déchets d’un type de production comme matière première d’une autre.                                                                                                                                 .

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le 12 March 2011

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