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La liberté est-elle « sexiste » ?

Si la « liberté » en tant que telle n’est pas sexiste, le sexisme, lui, est bien une entrave à la liberté. Le combattre par des politiques volontaristes dans la Cité et en particulier, en matière d’éducation c’est agir pour une société plus libre.

Par Brigitte Gonthier-Maurin*

Si l’on considère la « liberté » comme le fait de ne pas être empêché d’agir, sens le plus communément envisagé, et que l’on passe cette notion au tamis de l’égalité femmes/hommes, les choses ne semblent plus aussi évidentes. Car si la « liberté » en tant que telle n’est pas sexiste, le sexisme, lui, est bien une entrave à la liberté. Cette liberté se trouve organisée dans un cadre et une construction sociale pensés d’abord par et pour les hommes. Les nombreuses études de genre ont bien montré que cette réalité apparaissait aussi bien dans la sphère politique, économique, professionnelle, sociale, éducative, démocratique et même jusque dans l’organisation spatiale et architecturale de nos territoires.

 

Le travail au cœur de l’émancipation des femmes

L’entrave à la liberté prend alors des formes multiples qui sont désormais largement identifiées, qu’il s’agisse de l’invisibilité des femmes dans des domaines comme la culture et les arts, du plafond et des parois de verre encore si prégnants dans la sphère professionnelle. « C’est par le travail que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle », écrit Simone Beauvoir dans Le Deuxième Sexe, « c’est le travail qui peut seul lui garantir une liberté concrète. Dès qu’elle a cessé d’être un parasite, le système fondé sur sa dépendance s’écroule ».

Parce qu’il est la condition de l’autonomie économique des femmes, le travail est au cœur de leur émancipation. C’est la raison pour laquelle j’avais décidé de consacrer le premier rapport thématique de ma présidence de la Délégation aux droits des femmes du Sénat, il y a trois ans, au thème « Femmes et travail ». Partant du constat d’un « statu quo inégalitaire », témoignant de l’épuisement d’une dynamique face à la perpétuation d’un ordre sexué inégalitaire, j’ai voulu, avec ce rapport, avancer un certain nombre de pistes, selon une approche systémique qui replace le travail, son organisation et sa conception au cœur d’un ordre social émancipateur. Car l’enjeu est bien d’agir pour un nouvel âge de l’émancipation.

 

Les politiques volontaristes à engager

C’est cet enjeu qui se pose à nous aujourd’hui et que tout projet politique doit relever. Un impératif à cela : engager la refonte de nos institutions pour construire une République qui place les citoyennes et citoyens au cœur de l’appréhension de l’action et de l’intervention politiques. Permettre l’exercice du pouvoir par tous et toutes implique notamment une rotation dans les responsabilités aux moyens de la parité, du non-cumul des mandats exécutifs et du non-cumul dans la durée, de la mise en place d’un réel statut de l’élu. Ces conditions donneront à chacune et chacun les moyens de s’impliquer dans la vie de la Cité.

Cela passe aussi bien évidemment par la conduite de politiques publiques volontaristes transversales. La loi égalité adoptée par le Parlement en août dernier a incontestablement impulsé une dynamique. Mais il ne s’agit que d’un premier jalon qui doit en appeler d’autres et qui, face à la doxa « austéritaire », risque de se consumer très rapidement. Prenons un exemple : quid du droit à l’IVG, aujourd’hui quarantenaire, si dans le même temps l’accès à ce droit, libérateur pour les femmes, se réduit comme peau de chagrin ?

Parallèlement, doit se conduire un travail de fond sur les mentalités et les comportements pour déconstruire les stéréotypes de genre. Ce qui pose clairement la question de l’éducation. Cette éducation à l’égalité, attaquée frontalement par les réactionnaires de tous poils, est fondamentale. J’ai encore pu le constater dans les travaux que nous avons menés avec la Délégation sur les stéréotypes femmes/hommes dans les manuels scolaires et dans ceux que nous consacrons en ce moment aux stéréotypes dans les jeux et les jouets. Travaux qui rappellent que nous sommes face à des constructions sociales et commerciales dont les enjeux sont colossaux. Or agir pour déconstruire ces stéréotypes, dès le plus jeune âge, c’est agir en faveur de la « liberté ». Car si les femmes ont évidemment tout à y gagner, l’humanité tout entière en sortira plus libre. 

 

*Brigitte Gonthier-Maurin est sénatrice (PCF) des Hauts-de-Seine, vice-présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes.

La Revue du projet n°43, janvier 2015.

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le 21 janvier 2015

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