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Notre génération est révolutionnaire, Nordine Idir

 

Entretien réalisé par Léo Purguette

 

Au lendemain du congrès du Mouvement jeunes communistes de France (MJCF), Nordine Idir, son secrétaire général, en résume l’orientation. Pour La Revue du projet, il revient sur les batailles menées par les Jeunes communistes, expose l’analyse qu’ils font de la situation de la jeunesse de France. Nordine Idir évoque également le rôle qu’entendent jouer les JC dans le mouvement communiste et leur apport au projet communiste de nouvelle génération.

 

Dans le marasme général, le congrès du MJCF parle de « génération révolution ». En quoi la jeunesse de France a-t-elle intérêt à une transformation révolutionnaire de la société ?

Nous parlons de « génération révolution » car nous vivons une période de bouleversements intenses. La crise, du moins dans sa dernière phase avec l’implosion de la bulle financière de 2008, ouvre une nouvelle séquence. Des reconfigurations sont à l’œuvre à l’échelle mondiale et sont le fruit de changements sociaux considérables. Nous vivons une époque où les formidables développements humains se confrontent à des lois de l’argent toujours plus violentes. Cette contradiction fait émerger de nouvelles aspirations populaires et remet en selle l’idée d’une alternative. La révolution informationnelle symbolise à cet égard cette dynamique et les formidables potentiels de lutte.

 

Les grandes mobilisations des dernières années en sont l’illustration. Voilà pourquoi nous caractérisons notre génération comme étant révolutionnaire. Nous pensons qu’il existe les germes d’un changement de société radical qui met les besoins humains au cœur. La jeunesse de ce pays a intérêt au changement de société parce qu’elle subit l’ensemble des oppressions et des relégations dans la formation, le monde du travail, l’accès à la citoyenneté. Notre génération est en capacité de relever les défis sociaux de demain. Elle est pourtant brimée par des dispositifs infantilisants et précaires. La jeunesse de ce pays a intérêt à une transformation révolutionnaire car c’est la voie pour construire son avenir et le maîtriser. La période politique où les mobilisations sociales d’ampleur fleurissent, montre les potentiels de révolte.

 

Quelle analyse faites-vous de la politique du gouvernement à l’égard de la jeunesse ?

Les jeunes ont porté leur suffrage largement pour le président actuel en 2012 pour en finir avec Nicolas Sarkozy. Plus que des promesses, ce sont des aspirations portées durant les mobilisations des quinquennats de droite précédents qui les a animés. François Hollande a notamment déclaré vouloir être jugé sur la justice et la jeunesse.

Cela s’expliquait par la mobilisation que nous avons menée avec plus de soixante organisations de jeunesse pour exiger de remettre les jeunes dans la sphère du droit commun. Force est de constater que les dispositifs mis en place depuis deux ans s’inscrivent dans la continuité des politiques de précarisation précédentes. Les jeunes sont en effet au cœur de la spirale infernale du coût du travail et sont méprisés comme jamais. Les chiffres records de chômage et de pauvreté nous placent dans une situation alarmante, confirmée par le dernier rapport de l’UNICEF sur les effets de la crise pour les plus jeunes. Nos formations sont attaquées par l’austérité comme jamais et soumises aux desiderata des actionnaires.

Notre génération connaît un basculement : celui de se construire sans les solidarités d’institutions sociales conquises de haute lutte. Nous sommes structurés par la débrouille et les privations.

Le pire, c’est que les mobilisations sociales de notre part sont méprisées ou sévèrement réprimées. De la lutte pour nos camarades sans-papiers aux luttes contre les restrictions budgétaires dans le monde éducatif en passant par les luttes d’entreprises ou les manifestations de cet été pour la liberté du peuple palestinien, nos actions sont discréditées en permanence. On nous refuse le droit à exprimer une dénonciation sur nos conditions de vie, nos aspirations qui sont malgré tout structurées par un discours de solidarité.

 

Votre congrès a été l’occasion de faire le point sur les campagnes menées par le Mouvement jeunes communistes. Quelles sont-elles ? Quelles nouvelles batailles ont été lancées ?

Nous pensons qu’il faut tracer des continuités dans nos campagnes pour marquer notre génération. Nous construisons des campagnes autour de deux grands axes de bataille.

La lutte pour la conquête de nouveaux droits et la sécurisation de nos parcours de formation et d’emploi constitue notre première intervention. Nous voulons faire en sorte que chaque jeune puisse être en maîtrise de son parcours de vie. Pour cela, il faut actionner les leviers qui permettent de mettre les besoins des jeunes au cœur de toute politique de jeunesse. En clair, il s’agit de rompre avec les politiques de relégation actuelle.

Accès égal aux formations sur l’ensemble du territoire, réglementations et accès à un emploi digne pour les jeunes en situation de formation professionnelle (apprentis, stagiaires), appropriation sociale des finalités de la production et la recherche : voilà les piliers d’un socle de droits sociaux qui ne sera viable que par une reprise en main sur nos richesses. Nous mènerons la bataille acharnée pour déconstruire les discours dominant autour du coût du travail et montrer les véritables injustices.

C’est un statut social qui a pour ambition de ne pas en rester à la simple dénonciation d’un cycle infernal de perte de nos droits. Nous voulons retirer nos vies des méandres du marché pour se réaliser au travail et relever les défis sociaux de demain.

Notre seconde campagne porte sur la Palestine. Nous bataillons pour conquérir la reconnaissance de l’État de Palestine dans les frontières de 1967 par la France. Face aux affres du colonialisme, nous ne pouvons rester spectateurs. Cette perspective est réalisable au vu des derniers événements et mobilisations. Notons que les jeunes y ont pris une place motrice et nos initiatives de terrain attestent de cette dynamique. Nous avons 30 000 pétitions de jeunes pour la reconnaissance de l’État palestinien le 28 novembre dernier. Pour autant, l’urgence est bien présente tant le peuple palestinien est agressé en permanence par un gouvernement israélien d’extrême-droite qui poursuit la colonisation et les bombardements en toute impunité. Nous voulons mettre les autorités françaises devant leur responsabilité tant la responsabilité de la France et de l’Union européenne est grande. La reconnaissance ne doit qu’être un premier pas pour avancer vers la réalisation d’un État palestinien viable et souverain. Cela passe par l’application des résolutions internationales pour entamer la décolonisation des territoires occupés. Enfin, les prisonniers constituent une autre problématique à résoudre pour œuvrer à rendre la parole à un certain nombre de représentants légitimes (et élus) du peuple palestinien, dont Marwan Barghouti. Une campagne internationale pour leur libération est lancée depuis un an et nous comptons nous y investir pleinement. Cette campagne constitue un outil précieux pour dérouler d’autres fils en montrant que notre action peut avoir des répercussions internationales. Par ailleurs, la situation en Palestine cristallise d’autres sujets que nous devons investir : la prétendue « importation du conflit » révèle un travail de fond de forces réactionnaires pour apposer des grilles de lecture ethno-religieuses sur le monde et particulièrement la société française. Par le récit de nos voyages, nous déconstruisons des clichés savamment entretenus et pour donner les réelles perspectives d’action qui permettraient de relayer l’aspiration d’un peuple à vivre sur sa terre. Il s’agit aussi d’un enjeu politique pour évoquer les relations internationales et construire une culture de paix face aux périls interventionnistes et belliqueux au nom d’intérêts économiques contraires aux peuples. La situation au Moyen-Orient, en Ukraine, le démontre assez bien.

 

Le MJCF a modifié ses statuts, dans quels buts ?

Nous sommes partis du constat que nous sommes à une période charnière. La violence de la crise nécessite une réponse à la hauteur des enjeux. Pour cela, nous voulons adapter notre mouvement aux réalités des jeunes pour leur donner l’espace politique pour réaliser leurs aspirations. Nous déployons des pratiques d’éducation populaire, de solidarité concrète pour politiser les besoins des jeunes, leur donner un cadre d’expression. Par des actions comme des tournois sportifs, du soutien scolaire, l’accès aux vacances, il s’agit de montrer notre utilité concrète. Bien évidemment, nous restons actifs dans les luttes quotidiennes.

Nous voulons simplement amplifier notre audience auprès des jeunes. Notre objectif de passer le cap des 20 000 adhérents dans trois ans correspond à cette ambition. Il s’agit moins d’un but quantitatif que de lier les aspirations de changement de nombreux jeunes avec un cadre pour les réaliser. Faire sa place à un maximum de jeunes relève d’une démarche essentielle pour réaliser nos objectifs politiques. Le nombre ne fait pas tout mais il permet quand même de mener un rapport de forces face aux forces de l’argent. Les dynamiques collectives sont plus qu’essentielles pour transformer radicalement la société. C’est à la fois une condition en même temps qu’une démarche à alimenter en permanence.

 

Comment concevez-vous le rapport du MJCF avec le PCF ? Quel peut-être selon vous l’apport les Jeunes communistes à la construction du projet communiste de nouvelle génération ? Se limite-t-il aux questions de jeunesse ?

 

Nous concevons le rapport entre le MJCF et le PCF de manière fraternelle et constructive. Nous avons des interventions complémentaires. Il s’agit pour nous d’être une porte d’entrée en politique pour les jeunes de ce pays et leur donner les outils de compréhension du monde pour agir collectivement. Nous ne cachons pas évidemment notre visée, résolument révolutionnaire.

Nous réfléchissons quotidiennement aux voies pour dépasser ce capitalisme destructeur qui empêche de bâtir notre avenir. La perspective d’un autre monde reprend forme et nous voulons y participer. Nous concevons ainsi cette démarche à travers les défis d’avenir qui attendent notre génération. Quelle agriculture pour nourrir la planète ? Quelle industrie pour répondre aux besoins énergétiques et sociaux ? Comment sortir des logiques d’affrontement qui nous mènent à la guerre ? Quelle école, quelles formations pour demain ?

Voilà des chantiers qui ne sont pas minces ! Notre génération doit y prendre pleinement place pour y faire valoir les solutions de partage. Plus qu’un appendice délégué aux affaires de jeunesse, nous concevons notre mouvement dans une dynamique collective au service des jeunes et de notre idéal.

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La Revue du projet n°43, janvier 2015.

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Notre génération est révolutionnaire, Nordine Idir

le 21 January 2015

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