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Le chantier des libertés

Selon les époques, les pays, les enjeux de leur combat, les hommes et les femmes qui se sont engagés et qui s’engagent aujourd’hui dans des combats libérateurs se sont fait et se font des idées différentes de ce qu’ils nommaient dans le passé et de ce qu’ils nomment à notre époque « liberté ». Et nous  inscrivons les luttes, petites et grandes, dont nous sommes partie prenante dans une perspective d’émancipation humaine. Cette perspective était en son temps celle de Marx tout au long de ses combats. Ceux qui vivent des rapports d’exploitation et de domination sur d’autres humains ont aussi leurs idées sur la liberté. Elles se déclinent en « liberté d’entreprise », « libre circulation des capitaux », « liberté des marchés financiers » quand ce n’est pas, par antiphrase, « liberté du travail ». Au temps de la guerre froide, ceux-là mêmes qui menaient des guerres contre des peuples en lutte pour leur libération se posaient en défenseurs du « monde libre ».

 

Je ne crois pas sortir du sujet en écrivant que la guerre est aujourd’hui la première atteinte à la liberté des peuples et des individus. C’est une tragique vérité que dénonçait récemment le pape : « pour survivre » le système « doit faire la guerre comme l’ont toujours fait les grands empires » mais, « étant donné qu’on ne peut pas faire la troisième guerre mondiale, alors on fait des guerres locales. » Où est la liberté quand on est sous les bombes, quand on est exposé à la barbarie ? Et on s’habitue un peu trop vite aux atteintes à la liberté comme celle du Patriot Act des États-Unis, qui est une intrusion intolérable dans la vie la plus personnelle de chacun et sur toute la planète. Elle porte gravement atteinte à l’indépendance, la souveraineté des nations.

 

Dans notre pays, le chantier des libertés non seulement à défendre ou à reconquérir mais à conquérir est vaste et divers. Nous ne voulons pas d’une société où l’on décide à la place des gens ce qui est bon pour eux. Nous ne voulons pas d’une société où ceux qui ne manquent de rien disent à ceux qui manquent, si ce n’est de tout du moins de beaucoup de choses, quels sont leurs « vrais » besoins et quels sont leurs « faux » besoins. Il est des besoins qui n’ont d’existence qu’à cause de la diversité de la vie actuelle. Mais le besoin d’être dégagé de l’incertitude du lendemain dans sa vie professionnelle, d’être respecté, d’être entendu dans la vie de la cité comme de celle de son entreprise, autant de besoins – et je pourrais sans peine allonger la liste – dont la satisfaction ne peut être que libératrice. Dans une perspective d’émancipation humaine, il incombe à la société de décider démocratiquement quels sont les besoins qu’elle entend prioritairement satisfaire, quels sont ceux dont elle se propose d’encourager le développement pour permettre aux individus de se construire une vie plus pleine, plus riche, en un mot, plus libre.

 

Et pour cela il y a besoin de démocratie, et de plus en plus de gens le disent, notre démocratie est en panne. La Ve République avec son quinquennat, son président monarque, son système représentatif sont à changer. C’est d’ailleurs pour cela que le Parti communiste et ses partenaires du Front de gauche proposent d’écrire une nouvelle constitution, la VIe République citoyenne, qui garantit les libertés démocratiques dans la société et dans l’entreprise. Nous pouvons créer une société où les « rejetés » et les « maintenus » se retrouveraient comme « individus de l’histoire du monde », conscients qu’ils font partie d’une « même communauté », auraient une « citoyenneté sociale » permettant à chacune et à chacun de sortir de la délégation passive, de ne plus se dévaloriser, de prendre la parole, de promouvoir de nouveaux droits et une nouvelle logique sociale dans une nouvelle vie publique. Soyons lucides. Ce serait un énorme progrès, si plus personne dans le monde ne souffrait de malnutrition, d’absence d’accès aux soins médicaux ou à la scolarisation. Pour des milliards d’êtres humains, ce serait une immense libération. Mais nous serions encore très loin du compte quant aux libertés nécessaires aujourd’hui. Nous serions très loin du compte en effet si une minorité de l’humanité continuait seule à avoir voix au chapitre quand il s’agit de prendre des décisions concernant les autres humains, voire toute l’humanité. Nous serions encore loin du compte même si cette minorité était élargie par des conquêtes démocratiques dans certains pays, mais demeurait une minorité.

 

Nous vivons en effet une révolution dans les moyens d’action des hommes sur la nature et sur eux-mêmes, une révolution dans les conditions de progression de la productivité, de l’efficacité du travail humain. Cette révolution, que l’on appelle souvent révolution informationnelle pour dire l’enjeu que représente maintenant dans les activités humaines la maîtrise des données sur la réalité, autrement dit des informations, permet de considérables réductions du temps de travail pour un même effet utile. Va-t-on continuer à utiliser cette diminution pour faire pression sur les salariés par le chômage, la précarité ? La pression est énorme. Les remises en cause sont légion. Je ne prendrai qu’un exemple : le projet de loi Macron qui contribue à l’explosion des conventions collectives. Ou bien va-t-on se saisir de cette révolution pour que chacun et chacune puissent se construire une vie plus riche, épanouissante y compris dans le travail ?

 

Réinterroger l’idée de liberté c’est donc aussi s’interroger sur la possibilité d’avoir du pouvoir sur sa propre vie et celle de la collectivité. Le communisme de nouvelle génération que nous cherchons à construire et qui fut un des fils conducteurs de notre dernière conférence nationale est la mise en partage, la mise en commun des avoirs et des savoirs, des pouvoirs.  

 

Pierre Laurent,

Secrétaire national du Parti communiste français

La Revue du projet n°43, janvier 2015.

Il y a actuellement 2 réactions

  • adresse exacte mais malheureusement non clicable - pourquoi !?

    http://fifi24.com

    Par Philippe Gascuel, le 06 février 2015 à 16:45.

  • Tu écris : " Le communisme de nouvelle génération ... "

    Tu écris : " Le communisme de nouvelle génération que nous cherchons à construire et qui fut un des fils conducteurs de notre dernière conférence nationale est la mise en partage, la mise en commun des avoirs et des savoirs, des pouvoirs".

    Donc (je te réponds) : ne plus ignorer la physique de l'émergence !

    Il existe une science récente, expérimentale, bien fondée, de l'EMERGENCE de produits nouveaux et de qualités nouvelles ( dans les systèmes biologiques principalement, suite à leur fonctionnement normal, étudié par ordinateur ), science forcément ignorée par Marx, science qui correspond aux initiatives des militants et peut les aider.

    Je propose un "Système dynamique non-linéaire" à capacités graphiques pour ordinateur et son écran, que j'ai créé avec mon fils Dominique (logiciel source en libre-accès). Chacun, pour découvrir et se convaincre, peut le paramétrer et l'expérimenter de millions de façons. Personnellement j'ai utilisé cet outil pour toutes mes explorations et explications concernant l'émergence : c'est grâce à lui que j'ai appris les bases.

    Voir : http://fifi24.com

    Par Philippe Gascuel, le 09 mars 2015 à 09:44.

 

Le chantier des libertés

le 21 janvier 2015

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