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Reconstruire les rapports Union européenne-méditerranée, Patrick Margaté,

Avec le processus de Barcelone en 1995, l’Union européenne (UE) a mis en place un partenariat en direction des pays de la rive Sud de la Méditerranée. Ce processus se prolonge aujourd’hui sous l’appellation « Union pour la Méditerranée » (UPM) regroupant quarante-cinq pays dont les vingt-huit de l’UE et dix-sept pays du Sud dont Israël et l’Autorité palestinienne.

L’UPM, un habillage
Malgré des objectifs plutôt consensuels, l’UPM a beaucoup de mal à exister en dépit des efforts de la France, de Sarkozy à Hollande. Car l’essentiel est ailleurs. D’abord l’environnement régional qui traverse une succession de crises majeures : la politique coloniale d’Israël bloquant le processus de paix et l’État palestinien, les révolutions arabes qui ont bouleversé la donne, et enfin une conception dépassée des rapports Nord-Sud, heurtant de plein fouet les aspirations des peuples au progrès social, à la démocratie et à la dignité. À cela, il faut ajouter une situation en Europe marquée par une dégradation générale de la situation, du fait de la politique libérale et austéritaire.

Aujourd’hui, l’UPM joue le rôle d’habillage de ce qu’est la réalité de la politique de l’UE à l’égard de ses voisins du Sud. Tous les accords qui lient les deux parties sont guidés par l’objectif d’intégrer les pays du Sud dans une logique néolibérale, conditionnant les aides financières à des mesures d’ajustements structurels draconiens, labellisés par le FMI. Les « révolutions arabes » en sont d’ailleurs les conséquences directes tant la situation était devenue insupportable pour ces peuples : chômage, misère, reculs des services publics, privatisations… Pire, l’UE s’est satisfaite, durant des années, des régimes dictatoriaux en place, foulant ses propres valeurs démocratiques, pourtant incluses dans ces accords, mais jamais respectées. Suite à ces révolutions, l’UE s’est interrogée sur son « aveuglement » devant ces régimes, alliés dociles et fidèles, dans la marche forcée à faire rentrer leur pays dans la mondialisation néolibérale… Pourtant, la suite montre que rien n’a changé dans l’attitude de l’UE. Au contraire !

L’ALECA, une mise sous tutelle
des pays du Sud

Les nouveaux accords qu’elle soumet pour plusieurs pays en contrepartie des aides financières sont pires que les précédents, tant au plan social, économique et financier. Ils portent bien leur nom : accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA). De nouveaux domaines jusqu’alors restés en dehors des accords d’association y sont maintenant intégrés, comme la protection des investissements et les marchés publics. Les discours vertueux de François Hollande en Tunisie ou au Maroc ne feront pas oublier la réalité de ces accords, véritable mise sous tutelle de ces pays.
Il en est d’ailleurs de même pour la question de l'immigration. La Méditerranée doit cesser de se transformer en cimetière. Le principe universel de libre circulation des individus est bafoué chaque jour. L’UE multiplie les dispositions pour renforcer ses barrières, en s’assurant « l’aide » des pays du Sud face à la venue d’hommes et de femmes fuyant la guerre. Quant aux questions de sécurité, la France, revenue au sein du commandement de l’OTAN, se donne le rôle de gendarme de la région, de l’Afrique sub-saharienne jusqu’au Golfe persique. Le bras armé, en quelque sorte, des intérêts de l’UE en crise, face à la colère des peuples qui dépasse le seul combat nécessaire contre le terrorisme. Comme on le voit, le bilan de l’UE est désastreux, que ce soit en matière de développement du Sud, de défense des droits humains.

Rompre avec les politiques libérales
Il faut sortir de cette spirale destructrice, refonder l’UE et une nouvelle définition de ses relations extérieures. Cela signifie se décider à rompre avec ces politiques néocoloniales, modernisées sous le vocable libérales, qui appauvrissent les peuples du Sud et du Nord, et sont des facteurs permanents de crise, de tensions, de montée de la violence. Nous posons la nécessité d’un grand programme de coopération politique et économique euro-méditerranéen pour développer notamment les infrastructures et la formation, avec les financements correspondants et une politique du crédit favorable. Ce ne peut être que l’affaire des forces progressistes des deux côtés de la Méditerranée. Un projet commun à construire ensemble autour d’une vision nouvelle.

Par Patrick Margaté, responsable Maghreb,
Proche et Moyen-Orient du secteur International
du Conseil national du PCF.

La Revue du projet, n° 36, avril 2014
 

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le 08 April 2014

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