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Un vote d’espoir, le 25 mai 2014

Discours d’Alexis Tsipras*, candidat au nom du PGE à la présidence de la commission européenne, au siège du PCF, le 3 février 2014.

Amis et camarades,
C’est un vrai plaisir pour moi qu’une des premières étapes de notre campagne pour les européennes et pour ma candidature, au nom du Parti de la gauche européenne (PGE), se déroule ici à Paris.
Le Paris des grandes luttes sociales, des grandes révolutions et des grands bouleversements. Une révolution similaire, pacifique, un grand bouleversement est nécessaire pour les peuples d’Europe aujourd’hui. Parce que l’Union européenne a besoin d’une réorientation radicale de ses politiques. Cela nécessite un grand changement du rapport des forces, quelque chose qui constituera un premier pas vers un virage radical à gauche. Pour sa refondation. Et pour son retour aux valeurs de solidarité, de démocratie et de cohésion sociale.
Un grand voyage
de l’espoir
Nous sommes aujourd’hui ici, tous et toutes ensemble, compagnons de route de ce grand, difficile, mais aussi fascinant voyage de l’espoir et du changement. Pour changer l’Europe.
Pour changer notre vie. Et afin de changer l’Europe il faut l’immerger de nouveau dans les principes et les valeurs des Lumières. Dans les impératifs politiques de la Révolution française. Dans le radicalisme, toujours pertinent aujourd’hui, du gouvernement Herriot – le gouvernement de coalition du peuple de la Gauche qui, au début des années 1920, a mené la bataille contre les banquiers voraces. Contre « le mur de l’argent » que la Banque de France avait bâti face aux réformes économiques et sociales de son gouvernement.
Et, aujourd’hui, un nouveau « mur de l’argent » est bâti en Europe par le néolibéralisme et son « gros bras » – la soi-disant « Banque Centrale Européenne » qui est seulement la réplique parfaite de la Bundesbank (Banque fédérale allemande). Un « mur de l’argent » qui ne stabilise pas mais, au contraire, menace la zone euro et favorise les antagonismes nationaux, économiques et aussi sociaux desquels sont sorties deux guerres sanglantes pour l’Europe. Elles ont éclaté, la première il y a exactement 100 ans, en 1914 et la deuxième, il y a 75 ans en 1939.
Nous devons reconstruire l’Europe en démolissant ce nouveau mur de division entre le Nord riche avec les excédents commerciaux et le Sud pauvre avec les déficits commerciaux, entre créanciers et emprunteurs, en démolissant le nouveau mur européen qui divise nos sociétés en sociétés des « deux tiers », c’est-à-dire en sociétés dont les deux tiers souffrent en permanence à cause de l’austérité se trouvant à la limite de la survie, et au même moment, un tiers se comporte comme s’il n’y avait pas de crise, il s’enrichit par et pendant la crise.

Beaucoup pensent que nous sommes excessivement optimistes ou, même, des marchands de mots. Ils nous disent : vous n’êtes pas capables de gagner face à de si énormes adversaires, les banques et les marchés, mais nous le savons bien que nous pouvons envahir la Bastille du néolibéralisme global, qu’est l’actuelle Europe néolibérale. Tout ce qu’il faut c’est profiter de la sagesse de l’expérience collective, accumulée par des années de luttes sociales des peuples d’Europe. Tout ce qu’il faut c’est évaluer de manière critique les leçons des gouvernements importants de la gauche au XXe siècle. Comme, par exemple, le Front populaire en 1936 ou le gouvernement du « programme commun de la gauche » en 1981.
Aujourd’hui, certainement, les conditions de 1981 sont, malheureusement, renversées.
Les socialistes rejettent leurs mandats progressistes et, au contraire, ils sont les « comanagers » du consensus néolibéral, ensemble avec Madame Merkel. Or, nous sommes obligés de leur demander avec force : aux côtés de quelle Europe êtes-vous ? Êtes-vous avec l’Europe des marchés et du capital, ou avec l’Europe des peuples ? L’Europe de l’austérité qui divise entre Nord et Sud, par quelques frontières virtuelles au long du Rhin, ou avec l’Europe de la cohésion sociale et de la solidarité qui unit tous les peuples ? C’est ça le dilemme. Et ce dilemme est symbolisé aujourd’hui en Europe, d’un côté par Mme Merkel et ses soutiens et, de l’autre côté, par Syriza et le Parti de la gauche européenne. Et quand on arrive à ce dilemme, on ne peut pas être à bord des deux bateaux à la fois. Qui propose de le faire finira dans les eaux.

Unir nos forces
Notre but est de réunifier l’Europe, cette Europe que le néolibéralisme aujourd’hui divise. Unir toutes les forces de la gauche partout. Ce qui compte pour la gauche aujourd’hui c’est tout ce qui unit. Et nous, pour réunifier l’Europe, il faut d’abord unir nos forces. Nous l’avons fait en Grèce grâce à Syriza. Et cette unité a créé une dynamique sociale et politique, autosuffisante et forte, inattendue même pour nous. Nous pouvons, tous et toutes ensemble, changer l’Europe. Nous pouvons travailler pour une Europe démocratique, sociale et écologique. Avec des priorités :
- l’arrêt immédiat de l’austérité et l’annulation des memoranda. Pour arrêter la redistribution la plus violente des revenus, de la richesse et du pouvoir, contre le monde du travail et en faveur du capital ;
- la refondation démocratique de la zone euro. Afin que la Banque centrale européenne devienne une véritable banque centrale, à savoir, un créancier de dernier ressort pas seulement pour les banques mais aussi pour les États ;
- une conférence européenne sur la dette. Pour une solution collective et solidaire au surendettement dans la zone euro ;
- un New Deal européen. Pour le développement équilibré et durable du continent ;
- la transformation écologique de la production ;
- la réforme du « cadre » européen sur l’immigration.

Le gouvernement Hollande, multiplicateur politique du
gouvernement Merkel

Chers amis, chers camarades, permettez-moi d’avouer quelque chose que je crois profondément. Si le gouvernement de François Hollande était différent, toute l’Europe aujourd’hui serait différente. Mais, au lieu d’être le contrepoids et l’obstacle face au néolibéralisme et « l’Europe allemande », le gouvernement Hollande fonctionne comme le multiplicateur politique du gouvernement Merkel et comme défenseur de la politique la plus à droite que l’Europe ait jamais subie parce que dans la photo de famille de la droite européenne, plus à droite que Madame Thatcher se trouve Madame Merkel et encore plus à droite on trouve Monsieur Scheuble. Ça fait seulement quelques jours que François Hollande lui-même a annoncé des coupes budgétaires de 50 milliards d’euros pour la période 2015 – 2017 c’est-à-dire une austérité qui conduira à la récession, et réduira la – déjà faible – croissance de la France. Et, puisque l’économie française a un poids spécial en Europe l’austérité de M. Hollande est, pour nous tous dans la zone euro, encore une poussée dans la récession. Est-il possible que M. Hollande n’ait rien entendu du débat international sur l’échec de l’austérité en Grèce ? Il ne voit pas que la seule chose que l’austérité arrive à faire est d’approfondir la crise économique en nourrissant la récession ? Et de créer, en même temps, un problème de démocratie ?

Le discours politique étroit et diviseur de
l’extrême droite

Parce que du chômage, de la pauvreté et de la difficulté à survivre surviennent la peur et le désespoir, malheureusement, de plus en plus de personnes ouvrent les oreilles au discours politique étroit et diviseur de l’extrême droite. L’extrême droite qui ne représente pas une solution mais, au contraire, est un plus grand danger encore pour les peuples de l’Europe. Avec un programme politique tellement intolérant, qui se limite à l’immigration et au recul de l’intégration de la démocratie dans l’Union européenne, qui dirige la peur générale de la crise vers « l’autre », vers l’étranger, vers le frère. Les fascistes et les racistes, qui cherchent les votes de ces parties de la population touchées fortement par l’austérité, prétendent que l’immigration est une dimension cruciale de la crise, rendant ainsi innocente l’austérité néolibérale. Car, dans tous les autres champs, l’extrême droite est entièrement néolibérale. Et c’est pour ça que son fonctionnement politique est celui de la force de réserve tactique du néolibéralisme. C’est un rôle qui, en Grèce, a été prouvé avec l’organisation néonazie « Aube Dorée » qui prétend être une force antisystème, alors qu’elle est en réalité le bras armé du système.
C’est pour cette raison-là que, non seulement Mme Merkel mais aussi Mme Le Pen doivent se féliciter de l’austérité imposée par M. Hollande. Cela lui offre le carburant dont elle a besoin pour répandre son obscurantisme partout en Europe.

Voter pour remplacer
la peur par l’espoir

Le 25 mai, le vrai dilemme est très clair : d’un côté, les dirigeants politiques de la crise, ceux qui appliquent le consensus néolibéral, la politique de la peur, de la récession et du recul de la démocratie en Europe, la droite, ensemble avec les sociodémocrates de M. Hollande et de M. Schulz, et de l’autre côté, les peuples d’Europe qui, indépendamment de leur origine idéologique ou leur préférence partidaire, chacun et chacune, nous regardent : la gauche européenne de l’espoir et du changement.

C’est pour cette raison que nous nous adressons à chaque citoyen actif, chaque démocrate, progressiste, de gauche, social-démocrate et socialiste pour qu’il participe aux élections, qu’il vote. S’ils ne votent pas, d’autres vont voter à leur place, ce sont les simples mathématiques de l’urne. Nous appelons chacun à voter avec son esprit et avec son cœur. La gauche européenne est la seule force crédible de pouvoir, alternative au néolibéralisme des conservateurs et de la social-démocratie. À venir avec nous pour remplacer la peur par l’espoir. À venir avec nous pour reconstruire l’Europe de la démocratie et des droits humains.

Amis et camarades, aujourd’hui, avec votre présence combative vous avez donné de l’espoir au changement, vous avez donné de la force à la démocratie, vous avez donné de la perspective à la gauche européenne. Le 25 mai nous serons la surprise heureuse et positive. Nous serons hauts pour lever aussi haut le drapeau de la démocratie en Europe. n
Salut et merci à tous et à toutes.

*Alexis Tsipras est président de la coalition de gauche radicale (Syriza) en Grèce. Il est candidat, au nom du PGE, à la présidence de la commission européenne.

 

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La Revue du projet, n° 36, avril 2014
 

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