Agone, 2013
Solenne Jouanneau
Par Igor Martinache
Si les prêtres catholiques ne semblent pas avoir perdu leur respectabilité en dépit des crimes pédophiles de certains de leurs confrères, les imams font en revanche depuis quelques années l'objet d'une certaine suspicion de la part des pouvoirs publics et d'une part de la population, prompts à les ériger en vecteurs du fanatisme. Il n'en a pourtant pas toujours été ainsi : bien au contraire, avant les années 1970, les imams étaient promus par les patrons dans l'espoir de domestiquer leur main-d'oeuvre étrangère. C'est seulement à partir des années 1980 que les salles de prière se sont développées dans les « quartiers » sous l'effet conjoint de la fermeture des frontières aux migrations de travail puis de l'extension de la liberté d'association aux étrangers par le gouvernement Mauroy. C'est ce travail de construction sociopolitique d'une figure religieuse que l'auteur retrace dans cet ouvrage tiré de sa thèse, permettant ainsi de mieux connaître les multiples facettes de ce rôle religieux particulier, mais aussi les multiples contraintes dans lesquelles doivent évoluer ceux qui l'endossent, émanant à la fois des autorités nationales et de leurs pays d'origine, mais aussi de la communauté de croyants dont ils dirigent la prière, comme le montre la dernière partie de l'ouvrage constituée des observations recueillies à l'occasion d'une immersion prolongée au sein des fidèles, femmes et hommes, d'une mosquée d'une banlieue ordinaire. Bien au-delà des apprentissages factuels déjà utiles à ceux qui ignorent tout des gardiens du minbar, et ils sont nombreux, et permettant ainsi de faire reculer l'ignorance, cette enquête interroge les politiques mises en œuvre dans ce domaine.
La Revue du projet, n°30-31, octobre-novembre 2013
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