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L'eau un bien commun, Jean-Marc Lespade

Tarnos, cinquième ville des Landes avec 12 000 habitants est animée par un maire communiste depuis 1920. La municipalité tente, selon la belle formule de Jacques Derrida, d'être à la fois « fidèle » et « infidèle » à ce lourd héritage du communisme municipal. Le défi consiste bien à démontrer, au quotidien, la singularité et l’effet de l'action des élus communistes. Cela se traduit par une certaine « fidélité » à l'esprit du passé et une « infidélité » par l'exploration de nouvelles voies (participation des habitants-usagers, développement de l'économie sociale et solidaire…). Le sujet de l'eau a révélé parfois, chez les élus communistes eux-mêmes, quelques « distorsions » entre le discours théorique et la pratique.
Puisqu'il m'est suggéré de témoigner, au regard de mon expérience, je ne peux échapper à l'énonciation de quelques grands principes. Oui, l'eau est un bien commun de l'humanité, qui ne doit pas être considérée comme une « marchandise ». Oui, tout être humain doit y avoir accès, en quantité et en qualité suffisante, sur l'ensemble de la planète. Oui, l'argent généré par l'eau doit rester à l'eau. Oui, j'ai la conviction que la gestion publique est le mode le plus performant et le plus approprié, qui doit aussi associer les usagers.
Siégeant au sein de trois syndicats intercommunaux dont chacun traite d'une des étapes du cycle de l'eau, et dont le statut de chacun diffère, voilà les enseignements que je retire.

La production d’eau potable
Pour la production d'eau potable (Syndicat mixte de l'usine de la Nive Bayonne-Anglet-Biarritz), c'est un contrat de délégation de service public auprès de la Lyonnaise des Eaux, qui prévaut. Lors de la reconduction de ce contrat, j'ai souvent été le seul élu à défendre le passage en régie. De nombreux prétextes m'ont été opposés : le délégataire bénéficie d'une grande expertise ; passer en gestion directe conduit à assumer de lourdes responsabilités ; on peut exercer sur le délégataire un contrôle efficace… La bataille doit continuer car souvenons-nous que quelques centimes au mètre cube sont de profit très large quand on multiplie par le nombre d’usagers.

La distribution
Pour la distribution, je suis président d'un syndicat intercommunal d’adduction, qui alimente plus de 13 500 abonnés sur quatre communes. Ce syndicat s'occupe du réseau de canalisations enterré et de réservoirs, pratiquement jusqu'au robinet. À quelques années de la fin du contrat de délégation passé auprès de la Lyonnaise des Eaux, j'ai proposé de « professionnaliser » ce syndicat, en procédant au recrutement d'une ingénieure territoriale afin d'avoir une expertise technique et financière. Après une étude comparative sur les différents modes de gestion, nous avons décidé le passage en régie. Alors que le délégataire nous a imposé des négociations, notamment pour le rachat de tous les compteurs individuels, un compromis a pu être trouvé, et c'est ainsi que le 1er janvier 2011, le syndicat a géré directement ses affaires. Pour cela, il s’est doté de nouveaux moyens humains et matériels, et a décidé immédiatement une baisse de 17 % du prix au mètre cube.
C'était un beau défi, qui est en passe d'être couronné de succès puisque les élus syndicaux ont décidé en 2013 d'une nouvelle baisse de prix de 6 %, et la mise en place d'un tarif social pour les usagers bénéficiant de la CMU complémentaire.
Cette baisse globale du prix ne peut être dissociée de la qualité du service car il faut maintenir des marges pour investir dans le renouvellement des réseaux.
Parmi les actions initiées par ce syndicat, il faut également signaler la volonté d'associer les associations d’usagers aux décisions et à l’organisation de manifestations régulières visant à sensibiliser les usagers aux problématiques de l'eau, et notamment les enfants et leurs enseignants qui sont toujours disponibles pour ces opérations.

L’assainissement
Pour l'assainissement, la ville de Tarnos a été l'une des premières des Landes à transférer cette compétence auprès du Syndicat des communes des Landes (SYDEC) en 2000. Une étude a été initiée par le conseil général vers 1995 mettant en évidence un prix plus élevé pour les usagers d'une délégation. C'est pourquoi le département a pris la décision, soutenue par les conseillers généraux communistes, de doter le syndicat d'électrification de la compétence « Eau et Assainissement ».
Les grands « fermiers » du privé ne sont pas restés inactifs puisqu'ils ont intenté de nombreuses procédures contentieuses. Le choix de Tarnos a été décisif car il a permis au SYDEC d'élargir, au fur et à mesure des années, son audience, au point de devenir l'outil public de gestion publique à l'échelle départementale.
Toutes les dimensions de l'eau, technique, économique, humaine sont passionnantes. Du local au global, les élus communistes doivent intervenir en faveur de la création d'un grand service public national. Cela passera sans doute par des étapes intermédiaires mais il s'agit d'un combat essentiel contre la logique du profit des grands groupes privés.
Des coopérations internationales sont également indispensables pour élargir l'accès de l'eau dans le monde. Un enjeu toujours majeur : « C'est en se jetant dans la mer que le fleuve est fidèle à la source ». (Jean Jaurès) n

Jean-Marc Lespade est maire (PCF) de Tarnos (Landes).

La Revue du projet, n°29, septembre 2013
 

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L'eau un bien commun, Jean-Marc Lespade

le 06 septembre 2013

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