Parce qu’il constitue un des éléments indispensables au bon fonctionnement du service public, la CGT Services publics continue de faire de l’emploi public un de ses principaux axes de réflexion et d’intervention.
Trop nombreux, donc trop coûteux et par conséquent responsables pour partie du creusement de la dette publique… Voici résumée en quelques mots la vision des agents territoriaux que portait le pouvoir sarkozyste. Dans son entreprise de déconstruction de l’action publique, la précédente majorité avait en effet fait de l’emploi public territorial un de ses chevaux de bataille idéologique.
Si le gouvernement actuel n’aborde pas cette question en des termes aussi frontaux, sa politique en matière d’organisation et de financement des collectivités locales continue de placer l’emploi public territorial parmi les principaux enjeux de la période en matière d’action publique.
Pourquoi un emploi public territorial à statut ?
Le Conseil d’État a rappelé en 2003 les finalités de la construction statutaire : « l’essentiel correspond à ce pourquoi un statut de la Fonction publique a été voulu et construit au fil du temps, c’est-à-dire les principes fondamentaux définis dans les lois statutaires, sur lesquels il ne peut être question de revenir, destinés à assurer l’égal accès aux emplois publics, à garantir les fonctionnaires contre l’arbitraire et le favoritisme et à donner à la puissance publique les moyens d’assurer ses missions sur tout le territoire dans le respect des règles d’impartialité et de continuité ».
Marquée par les lois Defferre de décentralisation et Le Pors relatives au statut de la Fonction publique, la période 1982-1984 a vu s’opérer un double mouvement de réorganisation de l’intervention publique et de renforcement des garanties statutaires des agents.
Avec, certes, des imperfections non négligeables, cette politique a globalement respecté l’équilibre indispensable entre garanties nationales et exercice des missions dans la proximité : création du statut de la Fonction publique territoriale (FPT) ; transfert des compétences et des ressources vers des exécutifs locaux élus au suffrage universel ; mécanismes de péréquation financière en faveur des territoires en difficulté.
C’est parce qu’elle a été conçue et mise en œuvre dans ce cadre que la première phase de la décentralisation a été une avancée en matière de service public et de démocratie. Elle a démontré la pertinence d’une organisation de l’intervention publique s’appuyant sur une complémentarité État/collectivités. Elle s’est caractérisée par le développement du périmètre d’action et de la qualité du service public, et la croissance de l’emploi public, appréciés positivement par la population. Réalisant plus de 70 % de l’investissement public, les collectivités, leurs services et leurs agents se sont affirmés comme des acteurs déterminants du développement économique.
Le caractère public et statutaire de l’emploi territorial constitue bien un puissant vecteur de contrôle démocratique, tant en matière de maîtrise publique des missions que de conditions d’exercice de ces dernières au bénéfice des citoyens-usagers. A contrario, les expériences de libéralisation, par exemple dans le domaine des télécommunications, ont vu s’opérer un triple mouvement de recul de l’égalité de traitement, de perte de la maîtrise publique des missions et de disparition programmée des garanties statutaires et du caractère public de l’emploi.
Une croissance démesurée de l’emploi public territorial ?
La précédente majorité avait fait de la croissance de l’emploi territorial, présentée comme démesurée, un de ses principaux angles d’attaque. Obnubilée par son objectif de réduction des dépenses publiques, la nouvelle majorité s’inscrit, elle aussi, dans une approche comptable de l’emploi public.
Quelques chiffres sont donc bienvenus pour remettre les pendules à l’heure.
Si l’on considère la période 1985-2011, on s’aperçoit que la croissance globale des effectifs des trois versants de la Fonction publique (+8 %) est inférieure à celles de la population (+15 %) et de la population active (+13 %). Certes, sur la même période, le pourcentage d’augmentation du nombre d’agents territoriaux (+50 %) est important et est d’ailleurs abondamment utilisé par les détracteurs de la FPT.
Il doit être largement relativisé. Il s’explique en effet pour une part importante par des transferts de missions et d’agents de l’État ainsi que par des créations de postes consécutives au désengagement de l’État dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Loin de constituer une aberration, la croissance des effectifs territoriaux s’inscrit en réalité dans une reconfiguration de l’action publique marquée par le recul de l’État et un fort développement des besoins de service public lié à la croissance démographique.
Quelles perspectives ?
La politique et les projets du gouvernement relatifs aux collectivités locales se placent dans la continuité des réformes de Sarkozy : baisse des dotations ; compétitivité considérée comme la finalité prioritaire de l’action publique territoriale (avec notamment la métropolisation) ; affaiblissement de la démocratie locale et du service public de proximité ; emploi public corseté…
Sur ces questions comme sur tant d’autres, seule la rupture avec la logique mortifère de l’austérité et de la compétitivité permettra de retrouver la voie du progrès social. Cela nécessite en particulier une réforme fiscale fondée sur une nouvelle répartition des richesses et qui permette d’assurer un financement pérenne et solidaire des collectivités locales et de leurs services publics. Les forces partageant cette approche doivent continuer d’œuvrer à faire grandir les mobilisations convergentes indispensables pour imposer le changement. n
*Baptiste Talbot est secrétaire général de la fédération CGT des Services publics.
La Revue du projet, n°29, septembre 2013
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