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Prendre le pouvoir sur la finance commence par la commune, Dominique Adenot*

Les 36 000 communes – originalité française – sont un atout considérable pour notre pays. Enjeu premier pour l’intervention démocratique et la citoyenneté et, indissociablement, formidable levier social et économique…

Q uelle que soit l’orientation des conseils municipaux et des maires, la commune reste, malgré toutes les restrictions, un espace où les citoyens se reconnaissent, où ils peuvent s’approprier des projets, où ils peuvent – ou doivent pouvoir – s’exprimer et contrôler la mise en œuvre des décisions prises. Cette constante se confirme, que l’on soit dans les grandes agglomérations, le secteur périurbain ou le milieu rural. Ce potentiel citoyen d’énergie et de créativité, est garant de projets communs répondant aux besoins humains et écologiques, de solutions d’intérêt général, de richesse productive et de coopération.

La commune, un levier anti-crise
Dans les projets publics décidés au sein des collectivités territoriales (20 % de l’activité économique du pays), les communes et les intercommunalités constituées représentent une part substantielle, et cette activité échappe souvent dans sa mise en œuvre à la sphère financière, aux exigences féroces de rentabilité à l’origine de la crise aiguë du système. C’est pourquoi cet atout est si utile aujourd’hui aux dynamiques d’émancipation : on ne peut ignorer ce potentiel démocratique et humain, la force qu’il contient de justice sociale, de réponse aux besoins, d’activité économique réelle. C’est un formidable levier anti-crise, anti-austérité. Prendre le pouvoir sur la finance commence par la commune. Cela passe par un combat acharné, dans l’opposition et dans les majorités, pour faire émerger à cette échelle de nouveaux droits citoyens d’intervention et de décision sur les affaires publiques, qu’elles soient locales ou nationales.

Mettre en échec l’acte III de la décentralisation
Un bras de fer est engagé. Car « en face », la décision a été prise de passer à la vitesse supérieure dans le sens opposé, avec une réforme institutionnelle d’une grande importance et dont la cible numéro un est précisément la commune, dans le but de la vider de ses capacités d’initiative et d’action, d’en faire un « sous-arrondissement » d’échelons supérieurs. Cette réforme vise à organiser la compétitivité sur le territoire et porte en elle une austérité renforcée à tous les niveaux institutionnels. Pour cela, il est prévu de créer et de mettre au cœur de la République des vastes entités – grandes intercommunalités imposées et métropoles – aux pouvoirs stratégiques importants, retirés aux communes notamment (comme l’habitat, la maîtrise des sols…), dessaisissant les citoyens, réduisant encore davantage la souveraineté populaire. En perspective, une centralisation, un autoritarisme renforcé, l’injustice sociale et territoriale.
Pour sortir victorieux de ce bras de fer, il est plus que jamais nécessaire de porter haut et fort avec les populations le débat et l’action sur leurs besoins réels, les réponses et les moyens à apporter. Cela suppose une bataille pour que soient reconnus par la République les moyens financiers nécessaires, les recettes pérennes indispensables pour les communes, leur autonomie financière garantie par l’État et l’activité économique.
Les dotations de l’État doivent ainsi cesser d’être la variable d’ajustement de l’austérité dans le droit fil de la stratégie de Lisbonne. Le gel, puis la réduction importante annoncée pour les trois années à venir contredisent l’efficacité sociale de l’intervention publique locale au service des citoyens et ne font qu’enfoncer un peu plus le pays dans la crise. Les communes font pleinement partie de la République qui est décentralisée. Et elles ne sont nullement responsables du creusement du déficit. Les dotations de l’État doivent être à la hauteur de l’impulsion nécessaire pour les villes et les villages, favoriser leur vitalité, leur coordination et leur coopération, refuser la désertification et garantir partout l’égalité d’accès aux droits. Exiger ce rôle de l’État est un combat à mener absolument aujourd’hui, à l’heure d’une réforme territoriale qui le conteste de front en instituant comme locomotive du développement la compétitivité entre les territoires. Il est indispensable à ce propos de dénoncer la tendance à faire de la péréquation horizontale la norme (autrement dit les collectivités payent pour d’autres collectivités) et d’exiger une véritable péréquation nationale, seule garante de l’égalité entre les communes. La taxation des actifs financiers est plus que jamais d’actualité pour alimenter cette péréquation.

Réformer la fiscalité locale
Une réforme ambitieuse de la fiscalité tant locale que nationale est donc indispensable pour davantage de justice et d’efficacité. L’impôt sur le revenu, quelle qu’en soit l’origine, doit en être le cœur avec une réelle progressivité. Nous proposons dans ce sens de modifier l’imposition locale sur les ménages qui est marquée du sceau de l’injustice puisque les taxes locales prennent très insuffisamment en compte leurs revenus. Nous proposons un remaniement vers plus de progressivité, de justice et d’efficacité, et l’utilisation réelle des habitations.
Il faut également rétablir un impôt économique dynamique en rompant avec une politique qui déresponsabilise les entreprises, les exonère de leur contribution au développement de la commune (dont elles bénéficient) et qui a conduit à un desserrement, voire une dislocation du lien de l’économie réelle avec son implantation sur le territoire. La suppression de la taxe professionnelle n’a été compensée que partiellement pour les communes et a conduit à une situation où le pouvoir des taux de l’impôt des ménages est passé de 50 % à 73 %, celui des entreprises reculant d’autant. En rompant avec cette politique, il ne s’agit pas seulement d’augmenter les moyens financiers des communes, il s’agit aussi et surtout de redonner toute sa place à la maîtrise sociale de l’activité économique à l’échelle de la commune et de la coopération intercommunale. Nous proposons dans ce sens d’élargir l’assiette d’imposition de cet impôt économique avec une taxe aux taux modulables, en fonction de  l’emploi et du développement solidaire et écologique du territoire communal et intercommunal.

Un pôle financier public
Enfin, ne lâchons rien sur une mesure urgente et décisive, la création d’un pôle financier public, doté d’une réelle capacité d’investissement, dégagé des critères de rentabilité immédiate avec des prêts à taux faibles et de longue durée pour les communes. Il s'agit de mettre en réseau des établissements financiers publics et semi-publics dans lesquels l'État intervient, afin d'atteindre une complémentarité de leurs rôles qui soit efficace, cohérente, dans l'intérêt général et sous un contrôle démocratique et citoyen. Ce pôle fonctionnerait de manière décentralisée. Son pilotage se ferait sur le plan national comme dans chaque région, avec une représentativité large des acteurs sociaux, économiques, politiques et associatifs qui définiraient les orientations nationales et les axes d'intervention locaux. Le pôle financier jouerait un rôle moteur pour attirer d'autres financements de la part des banques coopératives, mutualistes comme des banques privées.
Ce serait un effet de levier indispensable devant être conforté par une loi bancaire confiant une mission d'intérêt général aux banques en contrepartie de leur pouvoir de création monétaire, et les incitant à accompagner les financements du pôle public.
La bataille pour les moyens financiers à la disposition des communes est avant toutes choses une question de démocratie : il s’agit de permettre à l’intervention citoyenne de répondre à l’intérêt général, aux besoins humains et écologiques…

*Dominique Adenot est maire (PCF) de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne). Il est président de l’Association nationale des élus communistes et républicains (ANECR).

 

La Revue du projet, n°29, septembre 2013
 

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Prendre le pouvoir sur la finance commence par la commune, Dominique Adenot*

le 06 septembre 2013

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