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L’effet papillon, Pierre Laurent

édito

Évoquant sa venue à la fête de l’Humanité 2013, le chanteur Féfé (que je conseille au passage à toutes les oreilles avides d’un savant mélange des rythmes) lui a rendu hommage en déclarant qu’elle « illustre superbement un engagement politique et social s’opérant en osmose avec la culture, l’ouverture à l’autre, la joie d’être ensemble ». Et il ajoutait, la Fête de l’Humanité « invalide le slogan “Tous pourris”, que brandissent des forces démagogiques pour s’accaparer le pouvoir ». Voilà pointé l’essentiel : l’engagement politique, social et culturel, qu’il nous revient de faire vivre toujours plus fort si nous voulons qu’émerge de la crise le meilleur et non les monstres qu’elle recèle aussi. Oui, l’engagement, comme chemin de l’émancipation.

L’historien américain Immanuel Wallerstein s’entretenant, dans une Humanité de l’été, de possibles scénarios post-capitalistes, et estimant à 50-50 les chances du pire comme du meilleur, citait parmi les impondérables susceptibles de bousculer tout processus de bifurcation « l’action de chacun qui peut, comme un effet papillon, changer l’ensemble du processus. »

Je crois pour ma part qu’il nous revient de considérer cet « effet papillon » de l’action humaine comme bien plus qu’un impondérable, mais comme la clé de toute transformation sociale. Les tenants du système capitaliste dominant l’ont compris depuis longtemps. C’est pourquoi la capacité à changer l’ordre du monde est sans cesse déniée à l’immense majorité des dominés. Elle l’est en jouant  sur deux tableaux.

D’une part, la confiscation et la mise à l’écart des lieux de pouvoir. Cela peut être caricatural comme dans les grandes entreprises où les créateurs de  richesses que sont les salariés sont dépossédés de tout pouvoir de décision, mais aussi  plus sophistiqué comme dans les élections où la présidentialisation de tout le débat politique ainsi que des modes de scrutin sur mesure  marginalisent le pluralisme réel de la société.

D’autre part, un colossal effort idéologique d’adhésion à leurs « remèdes » capitalistes. Soit en expliquant que tout ira mieux demain si on les écoute (« la reprise est là », dixit François Hollande), soit en affirmant que tout bouleversement fondamental reste inaccessible ou pire nous plongerait dans l’inconnu et le danger. Ainsi, alors que la crise du système délégitime l’ordre capitaliste et ouvre la possibilité de changements importants, la division, le sentiment d’impuissance, la peur du changement restent les atouts maîtres de ceux qui veulent que rien ne change.

Plus que jamais en temps de crise, les progrès de l’émancipation humaine passent donc par la réappropriation populaire et la démocratisation de l’espace politique.  « Le Front national prospère dans le désert des idées politiques », rappelait récemment le philosophe Bernard Stiegler. Rien n’est plus important,  dans cette situation où le gouvernement PS-EELV renvoie l’image de l’impossibilité du changement,  que de construire en toutes occasions des espaces de politique qui permettent la confrontation libre et instruite de solutions nouvelles, l’expérimentation et la coopération de toutes les actions humaines alternatives. Là où l’action gouvernementale désarme les citoyens en prônant le ralliement aux thèses patronales, à nous de remettre en mouvement le rassemblement des forces sociales du changement. Toutes les batailles compteront, singulièrement celle des élections municipales sur laquelle se penche à sa manière ce numéro.  

La commune est un terrain d’appropriations et d’expérimentations politiques majeures pour le mouvement ouvrier et progressiste français. Beaucoup de conquêtes politiques y ont été inventées et construites, notamment en matière de services publics, d’égalité des droits, d’innovations urbaines, de culture, de démocratie et de participation populaire. Les communes françaises constituent un réseau de proximité politique unique, un puissant réseau de résistances et de constructions nouvelles face aux logiques libérales. Les élus communistes  jouent partout où ils sont présents un rôle essentiel sans lequel la physionomie des rapports de forces actuels et potentiels serait bouleversée. Voilà pourquoi la commune est dans le collimateur et la marginalisation de nos élus un objectif poursuivi là plus que partout ailleurs. En défendant et en cherchant à développer encore toutes ces positions, nous ne défendons pas une boutique, nous cherchons à protéger et à rendre plus solide encore un des points d’appui, un des leviers indispensables à la construction d’un engagement populaire durable et solide pour les futurs rapports de forces. n

Pierre Laurent, Secrétaire national du PCF, responsable national du projet

La Revue du projet, n° 29, septembre 2013

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L’effet papillon, Pierre Laurent

le 05 septembre 2013

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