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La pauvreté reste l’affaire des villes, Michaël Orand

Lors de la dernière élection présidentielle, les territoires périurbains  français ont été au cœur du débat public, pour deux raisons notamment. La première a été la publication dès 2010 de l’ouvrage Fractures françaises, du sociogéographe Christophe Guilly. La seconde a été le score élevé du Front National dans ces territoires, mis en évidence notamment par Hervé Le Bras dès le lendemain du premier tour dans Le Monde.
L’hypothèse de l’ouvrage de Christophe Guilly, qui a inspiré les thèmes de campagne de la candidate frontiste, est que l’espace périurbain abrite une population en voie de précarisation, qui subit de plein fouet les effets de la mondialisation (notamment d’un point de vue économique), et qui de plus ne bénéficie pas des projecteurs médiatiques : bref, cette « France des oubliés » sur laquelle Marine Le Pen a fait lourdement campagne.

Le Centre d’observation de la société  a publié récemment une étude qui permet de faire le point sur l’état des inégalités en France dans les territoires urbains, périurbains et ruraux. Elle compare notamment le revenu annuel après impôts et le taux de pauvreté  dans ces différentes zones. Le constat est sans appel : c’est bien dans les villes que sont concentrés les pauvres.
Ainsi, en moyenne, le taux de pauvreté est 22 % plus important dans les zones urbaines que dans les zones rurales, et 60 % plus important dans les zones urbaines que dans les zones périurbaines. Dans toutes les régions, le taux de pauvreté est plus élevé dans les zones urbaines que dans les zones périurbaines. Pour les zones rurales, cependant, dans six régions (Aquitaine, Limousin, Midi-Pyrénées, Auvergne, Bretagne et Corse) le taux de pauvreté est y est supérieur à celui des zones urbaines.
Les écarts des taux de pauvreté entre zones rurales, périurbaines et urbaines sont en fait plutôt le reflet de plus grandes inégalités dans les zones urbaines. En effet, bien que le taux de pauvreté y soit sensiblement plus élevé, le revenu médian dans les zones urbaines est assez peu différent de celui du reste du territoire : 2,1 % d’écart avec les zones périurbaines et 1,95 % d’écart avec les zones rurales. La spécificité des pôles urbains français, c’est effectivement la présence de zones de concentrations de la pauvreté, notamment dans les banlieues. Dans les zones urbaines sensibles par exemple, quartiers les plus en difficulté des zones urbaines, plus d’une personne sur trois vit sous le seuil de pauvreté contre un peu plus d’une sur dix sur le reste du territoire français.

Certes, cette étude ne permet pas d’apporter de réponses définitives aux questions posées par Christophe Guilly et par l’écho que trouve le discours frontiste dans les zones périurbaines. Il faudrait par exemple parler de niveau de vie plutôt que de revenu, en incluant dans l’équation les dépenses liées par exemple aux déplacements domicile-travail ou les dépenses énergétiques des logements. L’observation des revenus n’apporte pas non plus de réponse à la question du sentiment d’exclusion ou de déclassement. Cette étude a cependant le mérite de rappeler que le problème du périurbain n’est pas un problème de pauvreté : celle-ci reste une question essentiellement urbaine, avec une particularité essentielle à prendre en compte, sa concentration dans une partie réduite du territoire.

Rapport du taux de pauvreté dans les régions françaises : urbain/rural

Source : Insee, 2009
Lecture : en 2009, le taux de pauvreté dans les zones urbaines de la région Rhône-Alpes était 1,24 fois plus élevé que dans les zones rurales de cette région

Rapport du taux de pauvreté dans les régions françaises : urbain/périurbain

Source : Insee, 2009
Lecture : en 2009, le taux de pauvreté dans les zones urbaines de la région Rhône-Alpes était 1,5 fois plus élevé que dans les zones périurbaines de cette région

1) Les territoires périurbains sont des zones appartenant à des aires urbaines sans être reliées aux villes-centres par un tissu urbain continu. Il s’agit globalement de villes de banlieue éloignée, sous influence forte des pôles urbains, notamment en raison des déplacements domicile-travail.
2) http://www.observationsociete.fr/villes-périurbain-rural-quels-sont-les-territoires-les-moins-favorisés
3) Le taux de pauvreté est la part de la population ayant un revenu inférieur à 60% du revenu médian de la France métropolitaine

La Revue du projet, n° 26, avril 2

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La pauvreté reste l’affaire des villes, Michaël Orand

le 10 avril 2013

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