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Après le congrès de Toulouse, le PS à la recherche d’une stratégie, Alain Vermeersch

Le tournant du pacte sur la compétitivité entraîne une exacerbation des contradictions au sein du PS. Il encourage aussi les tenants d’une posture droitière.

Pour une social-démocratie assumée

Gérard Grunberg, spécialiste ès-PS, dans une tribune à Telos (06/11) prodigue ses leçons « Le Parti socialiste se veut désormais et, certainement de bonne foi, social-démocrate. Pourtant, il n’a toujours pas compris ce qui caractérise la social-démocratie : le compromis avec le capitalisme.  Pour les socialistes français, l’entreprise demeure suspecte comme le profit. Leurs textes  acceptent bien l’économie de marché mais pas leur tête. Ils espèrent toujours, de manière floue et non argumentée, qu’un jour, le capitalisme sera remplacé par autre chose. Certes, leur anticapitalisme socialiste est mou, contradictoire, dénué d’un véritable fon­de­ment théorique. C’est en ce sens aussi que le socialisme français n’est pas social-démocrate : il tient à ne pas se couper de l’extrême gauche. Les dirigeants socialistes connaissent leur parti et son idéologie. Ils sont poussés avant chaque élection à épouser celle-ci. Une fois au pouvoir ils ne savent comment s’en débarrasser. On mesure ainsi la difficulté extrême de gouverner ce pays en temps de crise pour un dirigeant socialiste. Les socialistes français répondent périodiquement, depuis les années soixante-dix, à ceux qui les pressent de faire leur révision idéologique que cette révision n’est pas nécessaire puisqu’elle a déjà été réalisée en pratique au gouvernement.  Il faut donc que le Parti socialiste fasse passer le projet social-démocrate avant l’unité illusoire de la gauche. En un mot qu’il devienne vraiment social-démocrate ! ».
Il récidive dans un débat à quatre (Atlantico 10/11) : « Pour le Parti communiste, c’est fait. Le PC est clairement passé dans l’opposition au gouvernement, et il y restera. On ne peut plus parler d’opposition ou de majorité de gauche, ce temps est révolu. Pour les écologistes, il n’est pas impossible qu’il se passe la même chose à terme.  Je n’exclus pas qu’ils soient divisés, qu’il y ait une crise au sein de ce parti. Il n’est donc pas impossible que le PS perde tous ses alliés. Dans ce contexte de crise, sa politique social-démocrate menée par le gouvernement, va être de plus en plus éloignée de ce que veulent les communistes voire même les écologistes.  Le PS est tout seul maintenant. Il possède la majorité absolue à l’Assemblée nationale, mais on ne peut pas exclure qu’une partie de l’aile gauche du PS fasse sécession. Il s’est passé quelque chose d’important. Je crois qu’il n’y a plus de gauche en France. »  Laure Breton, journaliste à Libération, de son côté estime « qu’il faudra peut-être une instance de régulation pour que le PS comprenne qu’il doit fonctionner de manière moins hégémonique dans les deux chambres du parlement. Il a besoin d’un axe majoritaire le plus large possible et se doit d’avoir au sein du gouvernement les principales composantes de la gauche. »

Un astre mort ?

Romain Ducoulombier, historien, remarque pour sa part (Atlantico 10/11) qu’« il aurait fallu les liquider avant… Faut-il dès lors penser que le PS a manqué une occasion historique de liquider sa gauche ? La formation et le succès (non pas absolu, mais incontestable) du Front de gauche sont sans doute inattendus. Par rapport aux Verts, qui font mine de marchander maintenant leur soutien après avoir été les alliés déclarés du PS pendant les législatives, Mélenchon a au moins le privilège de la cohérence. Le PS peut peser de tout son poids, et même si c’est un « astre mort », c’est du genre des météorites ! Sa capacité à étouffer ses adversaires dans les scrutins locaux est considérable. Et il ne leur cède rien sur le contenu. Plutôt qu’à un tournant, je crois que l’on va assister à une guérilla qui comme on sait, n’est pas une guerre très symétrique… »
Bernard Maris, économiste, souligne que « l’actuel gouvernement estime que la compétitivité dépend du coût du travail. C’est une analyse typique de la droite, qui considère le travail, non pas comme un investissement, mais comme une charge. Selon moi, le tournant remonte tout de même à la rigueur décidée par François Mitterrand en 1983. À partir de cette date, il se plie à la mondialisation et à l’exigence de concurrence libre et non faussée. Le PS n’a pas le choix, mais ce n’est pas du socialisme. Il vit sur une doctrine édulcorée, apprivoisée, soumise au carcan économique. C’est une doctrine morte. Elle a accompli l’essentiel de sa tâche en 1945, avec le programme du Conseil national de la Résistance. Depuis, les socialistes ne font qu’un travail de résistance à la dégradation de l’État-providence, pas de proposition. »

Le PS était-il prêt à gouverner ?

Jean-Marie Le Guen le pense. (nouvelobs.com 12/10) « Jamais un gouvernement de gauche n’a été confronté à une crise économique et sociale d’une telle gravité. La société française, sous tension, s’est installée dans la défiance. Pour le changement, il faut du temps et de la cohérence alors que la politique a basculé dans le court terme et l’émotion. Alors, certes, il a pu y avoir, ici ou là, des erreurs ou des insuffisances mais il faut surtout interroger les conditions de notre victoire. Ce qui nous a permis de gagner ne suffit pas forcément pour gouverner. Bref, étions-nous vraiment prêts ? On ne mobilisera pas les Français dans la crise sur un simple agenda, aussi nécessaire soit-il. Il faut aussi leur proposer une perspective idéologique. Si le mot gêne certains, appelons ça un cadre de pensée qui donne un sens à l’action. La perspective républicaine est efficiente pour ce qui relève du régalien. » Interrogé par Radio Classique (12/11), Jean-Christophe Cambadélis précise : « Je pense que le PS s’est endormi sur les lauriers mitterandistes et n’a pas voulu se repenser globalement. Il est nécessaire d’ouvrir une perspective. Parce qu’on ne peut pas accepter les difficultés actuelles, s’il n’y a pas de l’autre côté du tunnel une autre société. Et le but du PS, ce n’est pas de rendre la société française, comme elle était avant la crise. C’est dans la crise, la transformer. » Laurent Baumel et François Kalfon pensent que « contrairement à ce qui se dit dans les sphères dirigeantes du PS, il n’y a aucun glissement à droite de la société française. Cet argument sert à masquer les attentes du peuple vis-à-vis de la gauche. Cette lecture, si elle s’installe, n’est pas tout à fait innocente : elle offrira à tous ceux qui veulent s’approprier l’étendard de la “vraie gauche” la possibilité de se draper dans la posture plaisante de l’avant-garde militante. Mais cette lecture, soyons-en certains, nous éloignera un peu plus encore des catégories populaires qui attendent tant de nous. La thèse de la droitisation exonère surtout la gauche à bon compte d’approfondir la réflexion sur ce qui fait défaut pour l’heure dans son offre politique. » (Libération 12/11). Quant à Emmanuel Maurel (28 % des voix face à Harlem Désir), il estime qu’en « votant pour moi et pour la motion que je porte, ils invitent le gouvernement à tenir bon sur les engagements et lui rappellent que “le changement, c’est maintenant”. Ils veulent un parti ancré à gauche et qui s’affirme. Notre parti doit, dès à présent, faire campagne sur trois thèmes. La loi contre les licenciements boursiers. L’égalité salariale hommes-femmes.  Enfin, notre parti doit faire campagne sur le droit de vote des étrangers aux élections locales. »

La Revue du projet, n° 22, décembre 2013

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Après le congrès de Toulouse, le PS à la recherche d’une stratégie, Alain Vermeersch

le 09 December 2012

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