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Ni précarité, Ni charité, des logements pour étudier ! Marion Guenot*

Une bataille menée par les étudiants communistes pour redévelopper un vrai service public du CROUS, construire des logements sociaux étudiants et nationaliser les résidences universitaires privées.

F rais d'inscriptions, sécurité sociale, livres et matériel et bien sûr, logement, chaque rentrée universitaire nous rappelle combien, dans ce parcours du combattant pour obtenir une qualification, la vie n'est qu'un éternel recommencement. Dans un contexte de précarité sans cesse aggravée par une augmentation du coût de la vie étudiante (+3,7%) deux fois supérieure à l'inflation et à la maigre augmentation des bourses. Premier poste de dépense, le logement étudiant, dont les loyers augmentent encore de 10 % en Île-de-France pour cette année universitaire, ces « studios étudiants » que des bailleurs privés louent à des montants exorbitants. Quant au logement social du CROUS, mieux vaut ne pas trop rêver : « Obtenir un logement m'éviterait de faire deux heures de transport par jour, malheureusement je ne suis pas prioritaire » témoignait encore récemment une étudiante de Paris VIII Saint-Denis. Rien d'étonnant, lorsque l'on sait que sur près d'un million de demandes en France chaque année, moins de 8 % d'entre elles ont une chance d'être satisfaites (contre 60 % dans les années 1960).

Le logement étudiant une source de profit et de rentabilité

Pas prioritaire, le logement étudiant ? Rien n'est moins sûr : « La résidence étudiante, un bon investissement à l'abri du fisc ! » titrait la revue Challenges en mai dernier, alors que le Figaro se félicitait du fait que « depuis deux ans, l'investissement en résidence étudiante a retrouvé des couleurs, notamment grâce aux encouragements de l'État. » Des avantages fiscaux aux partenariats public-privé, en passant par les dispositifs de labellisation CROUS permettant aux résidences étudiantes privées d'être comptabilisées comme logements sociaux, sans oublier le dispositif « pass-logement » permettant de s'endetter auprès de banques pour le dépôt de garantie, on ne peut que constater l'encouragement à faire du logement étudiant une source de profit et de rentabilité, alors que la pénurie de logements sociaux fait rage.
Notre génération d'étudiants a connu l'asphyxie budgétaire de l'ensemble du service public d'enseignement supérieur, avec l'idée selon laquelle « le service public ne peut pas tout ». Avec la libéralisation en revanche, tout est possible : on se souvient des dispositifs de « logement intergénérationnel », où l'on proposait aux étudiants de devenir de véritables infirmiers pour les personnes âgées chez lesquelles ils logeraient à prix réduit. Des cadeaux fiscaux aux bailleurs privés, de la promotion par le CROUS des offres immobilières privées, tous ces dispositifs ont un point commun : ils nous apportent la preuve que les moyens nécessaires pour déployer un service public du logement étudiant existent ; mais qu'ils doivent servir à engraisser les bailleurs privés, les banques, même s'il s'agit pour cela d'aggraver encore la précarité étudiante. L'argument selon lequel l'effort ne pourrait être fourni dans ce contexte de crise ne tient pas : c'est en 1977 que Raymond Barre refond « l'aide à la pierre », c'est à dire l'aide à la construction de logements pour créer l'aide personnalisée au logement (APL) ; ce qui a pour conséquence de faire stagner le nombre de logements sociaux étudiants, quand la spéculation immobilière est dopée. Les bailleurs privés peuvent augmenter les loyers, les APL accompagneront, étant donné qu'elles sont plus importantes pour les étudiants qui ont des revenus plus faibles. C'est, pour ainsi dire, l'argent de l'État qui tombe directement dans les mains des propriétaires privés. Cette politique devait trouver son aboutissement dans la construction de grands pôles universitaires de compétitivité, où les 9 m² insalubres doivent céder la place à des logements de plus grande superficie, et participer de l'attractivité du pôle de formation. Nous voilà bien loin de l'idée de permettre à tous d'étudier dans de bonnes conditions : des logements de 700 euros par mois alors que la moitié des étudiants subsiste avec seulement 400 euros, ce besoin transformé en outil de rentabilité pour les bailleurs privés, en outil d'attractivité dans un enseignement supérieur redevenu élitiste, avec quelques logements sociaux à la marge, en gage de charité.

Extraire le logement étudiant des griffes de l'économie de marché

Voici maintenant plus de deux ans que les étudiants communistes mènent cette bataille au mot d'ordre de « Ni précarité, ni charité, des logements pour étudier ! », des étudiants organisés en comités de résidence, des rassemblements et actions coup de poing, et font partager ce qui devrait constituer un véritable choix politique courageux : redévelopper un vrai service public du CROUS, construire des logements sociaux étudiants et nationaliser les résidences universitaires privées. Le droit au logement est indissociable de l'accès à l'autonomie, dans notre projet pour la création d'un statut du jeune travailleur en formation, nous exigeons donc de pouvoir l'extraire des griffes de l'économie de marché. Pour redonner aux étudiants tout leur pouvoir pour prendre en main les politiques qui les concernent, nous devons rendre toute leur légitimité à des conseils d'administration constitués à parité entre les représentants de l'état, des étudiants et des salariés du CROUS qui pourront ainsi développer une politique de logement social ambitieuse plutôt que d'être cantonnés à la gestion de la pénurie d'un service public sous asphyxie la plus totale. Rompre avec les logiques de profit pour répondre aux besoins de tous, n'est pas une question de moyens, mais de volonté politique.  n

*Marion Guenot est secrétaire nationale de l’Union des étudiants communistes (UEC).

La Revue du projet, n° 21, novembre 2012
 

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Ni précarité, Ni charité, des logements pour étudier ! Marion Guenot*

le 16 November 2012

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