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Les Rencontres d’Arles 2012, Nicolas Dutent

Ces rencontres avaient cette année pour ambition de faire témoigner l’émergence et la réalité d’une « école française ».
Dans le cadre des anciens ateliers industriels de la ville, reconvertis depuis lors en lieux dévolus aux rencontres et pratiques artistiques les différentes séries proposées par les anciens de l’École nationale supérieure de photographie nous révèlent des regards et des sensibilités qui se sont aiguisés dans l’enceinte de cette école.   

Jonathan Torgovnik  a réalisé plusieurs portraits tout à fait saisissants de femmes rwandaises, victimes revenues de l’enfer de la guerre ethnique et génocidaire entre Hutus et Tutsis.
La pudeur avec laquelle Jonathan Torgovnik nous suggère ici l’indicible n’a pas trompé le jury des rencontres qui lui a attribué (avec le soutien déterminant de la fondation LUMA) le Prix Découverte 2012 pour cette série intitulée Intended Consequences.
Les quelques lignes de témoignage personnel jointes à chaque photographie nous soulèvent le cœur, tant elles invoquent une violence à plusieurs visages : physique, symbolique et psychique qui agresse nos pensées et notre imaginaire. Et pourtant, la terreur est bien là, à la surface des mots et au fond des regards.

Hasan et Husain Essop mettent en scène, de manière fictive ou spontanée, les représentations dominantes sur l’Islam et les stéréotypes « utiles » que continuent de se renvoyer l’Orient et l’Occident.  
À travers une mise en perspective des cultures religieuses et des pratiques populaires, les deux frères nous offrent un panorama grinçant de l’ère consumériste et la prégnance de ses dogmes dans les rites et modes de vie. 
C’est un projet réussi abordant librement, dans un mélange d'humour et de légèreté critique, les confits de civilisations à travers les « mythes identitaires ».
 

Avec sa série Très loin à l’Est, il y a l’Ouest Erwan Morère nous plonge dans les paysages du grand Nord dont il a su capter le souffle poétique. L’angoissante solitude de ces déserts méconnus, territoires où l’humain s'incline modestement devant une nature dominant les lignes et les trajectoires d’un voyage subtilement traduit en noir et blanc.

Saluons la qualité de l'hommage rendu à  Joseph Koudelka, cet immense photographe. à travers 109 photographies, la trame du projet photographique de toute une vie, sa rencontre avec le peuple gitan, point fondateur de son avenir et de son épanouissement artistique. La connaissance empirique de la réalité et des traditions qu'il décrit rend possible cette union presque totale avec son sujet. Cette vérité atteinte dans la description d'une communauté poussée à l'autarcie (l'histoire n'oublie pas qu'elle fut historiquement persécutée et continue de subir bien des ségrégations) mêle participation affective à la chose observée et partage de connivences musicales et culturelles favorisant l'installation et la proximité du regard. La composition picturale des images, l'intensité du grain obtenu, la redoutable maîtrise de la cohérence et du mouvement du récit... Nous avons affaire à un talent rare, pour ne pas dire unique.

http://blogs.mediapart.fr/blog/nicolas-dutent/100712/rencontres-darles-2012-les-choix-de-la-revue-du-projet

© Jonathan Torgovnik - Valentine avec ses filles Amélie et Inez, Rwanda.
 

© Erwan Morère - Seydisfjördur #14, Iceland, 2009.

© Hasab et Husain Essop - La Havane, Cuba, 2009.

 


© Josef Koudelka - Roumanie (Romania), 1968.

 

La Revue du projet, n° 19, septembre 2012
 

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Les Rencontres d’Arles 2012, Nicolas Dutent

le 06 septembre 2012

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