Éditions du Croquant, 2011.
Par Igor Martinache
Ce n’est pas le moindre des paradoxes de notre époque : le système de santé, et notamment l’hôpital public, est malade et sa situation ne semble guère s’arranger. On en connaît les symptômes – franchises médicales, déremboursements, pénurie de soignants, etc. –, qui compromettent toujours davantage l’accès aux soins pour tous, mais le diagnostic s’arrête trop souvent à ce stade. D’où l’intérêt d’un ouvrage comme celui-ci, issu d’un colloque organisé par le Syndicat national des praticiens hospitalier anesthésistes-réanimateurs élargi (SNPHAR-E).
Les 27 contributions qui le composent émanent de médecins, mais aussi de sociologues, économistes et politistes, qui décortiquent le virus qui ronge aujourd’hui l’organisation de la santé publique. Celui-ci a un nom, la marchandisation rampante, et a été inoculé par une nébuleuse d’agents bien identifiables – patrons d’assurance et de cliniques privées, hauts fonctionnaires et décideurs politiques – qui sont parvenus à réduire les enjeux de santé à une simple question d’efficacité comptable, dont la définition est elle-même largement biaisée. Les auteurs mettent ainsi à jour les soubassements des dernières « réformes » qui ont affecté l’organisation hospitalière, du plan « Hôpital 2007 » à la récente loi « Hôpital, Patients, Santé, Territoires » (HPST), dissimulés sous une novlangue qui prolifère là aussi avec vigueur, qu’il s’agisse des Agences régionales de santé, de la tarification à l’activité ou des groupes homogènes de maladie. Un démontage clair et sans détours qui n’en reste pas moins rigoureux.
L’ouvrage vaut aussi au-delà du sujet dont il traite pour sa trop rare capacité à réunir acteurs et chercheurs, qui plus est de différentes disciplines, ainsi que pour la présentation à la fois fine et pédagogique qu’il fait des principes du New Public Management, c’est-à-dire cette pénétration croissante des logiques gestionnaires du privé lucratif dans l’ensemble des administrations et services publics, sous couvert de la fausse neutralité d’instruments qui seraient purement « techniques ». Bref, qui dénient la dimension politique de choix qui se présentent sous le masque de la nécessité.
La Revue du projet, n° 18, juin 2012
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