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L’Hostilité des immigrés en recul, Guy Michelat, Michel Simon

L’hostilité aux immigrés, en fort recul par rapport aux années 1990, ne semble pas connaître, malgré la crise, un rebond vraiment significatif par rapport à 2010.

 

L es réponses à « il y a trop d’immigrés en France » sont fortement associées aux réponses à d’autres énoncés symptomatiques, eux aussi, d’un syndrome xénophobe, à connotations racistes, dont la poussée au début des années 1990 ne laissait pas d’être préoccupante (« il y a des races plus douées que d’autres », « maintenant on ne se sent plus chez soi comme avant », etc.). Depuis les années 1990 et en 2007 encore, le vote Front national est quasi nul quand on n’est pas du tout ou plutôt pas d’accord avec « il y a trop d’immigrés en France », comme on le verra plus loin. Il reste rare quand on se dit seulement plutôt d’accord. C’est seulement chez ceux qui se disent tout à fait d’accord qu’il devient plus que significatif. Même constat en 2010 à propos du parti dont on se sent le plus proche. C’est dire l’importance de cette question, à forte charge affective, comme révélateur du « climat » idéologique, culturel, et finalement politique.
La figure ci-contre confirme la brutalité et l’ampleur de la poussée xénophobe-raciste au début des années 1990. En 1993, 50% des personnes interrogées (dont ouvriers : 60%) se disent « tout à fait d’accord » (++) avec « il y a trop d’immigrés en France », 20% seulement expriment leur désaccord (-,- -). Les deux courbes se croisent au milieu des années 1990. En 2010, nonobstant la gravité de la crise, « tout à fait d’accord » tombe à 20%(24% chez les ouvriers), « pas d’accord » monte à 49%. Par rapport au « pic » de 1993, la situation s’est inversée.Il n’empêche qu’en juin 2010, 48% des Français estiment, peu ou prou, que des immigrés en France, « il y en a quand même trop ». Le complexe xénophobe-raciste est donc loin d’avoir disparu. Mais il n’est plus comme naguère massivement majoritaire. Et il a considérablement perdu en virulence. L’enquête tNs-sOFREs déjà citée montre qu’en décembre 2011, peu de chose a changé par rapport à 2010. D̓autres enquêtes indiquent au contraire un certain regain.

« Il y a trop d’immigrés en France »
Tout à fait d’accord (++), plutôt d’accord (+), plutôt pas d’accord (-), pas d’accord du tout (- -)

 

 

Là encore la prudence s’impose.
Ces résultats incitent à accueillir avec beaucoup de réserve un certain nombre d’affirmations. La crise (et l’anxiété qu’effectivement elle nourrit) « devaient » s’accompagner d’une montée des réactions autoritaires et xénophobes. En France, ce ne semble pas être le cas. Il est vrai que, selon une enquête internationale, la France est, de tous les pays comparables, celui où, « en bas » du moins, on se montre le plus compréhensif à l’égard de l’immigration illégale. Il nous semble donc difficile de parler d’une France crispée sur ses références identitaires et fermée à l’autre. Surtout quand on constate que plus on est jeune, plus on est rétif au rigorisme autoritaire et au racisme. Exemples (enquête de 2010) :
– D’accord avec « il y a trop d’immigrés en France » : 18-24 ans : 38%, 65 ans et plus : 66%.

*Guy Michelat est sociologue, directeur de recherche au CEVIPOF.
Michel Simon est sociologue, professeur émérite à l’université de Lille.

Extrait de Le peuple, la crise et la politique, numéro hors-série de La Pensée, 2012.

La Revue du Projet, n° 17, Mai 2012

 

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le 16 mai 2012

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