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La citoyenneté de résidence, une exigence, Éliane Assassi*

De nombreuses raisons militent pour accorder d’urgence le droit de vote aux étrangers. Une priorité pour la gauche.

Beaucoup d'enseignements sont à tirer du 1er tour de l'élection présidentielle mais le score du Front national mérite une attention particulière, tant il révèle une structuration de pensée et d'idées qui trouvent de la résonance au delà de son électorat « traditionnel ».
Si l’UMP s'échine à  s'emparer de certaines thèses du Front national pour tenter de se redonner des forces, la gauche se doit de ne céder à aucune sirène mais de tenir  les  promesses régulièrement inscrites dans ses programmes. C'est le cas sur le droit de vote des étrangers aux élections locales.
Dix ans après l'Assemblée nationale, alors majoritairement à gauche, cette  exigence démocratique a été adoptée au Sénat en décembre 2011. Les sénatrices et sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen ont largement participé au débat et ont contribué à l’adoption de cette proposition de loi. Si la gauche est à nouveau majoritaire au Palais Bourbon en juin prochain, le gouvernement devra la soumettre au vote des députés dans les premiers mois de leur mandat.
 

Un levier d’émancipation

 

En effet, nous ne pouvons plus continuer à écarter du droit de vote et d’éligibilité des milliers de résidents étrangers qui participent dans notre pays, depuis plusieurs années et de façon active, à la vie de la cité, à la vie associative, syndicale, culturelle, éducative, etc. Ne votent-ils pas déjà aux élections prud’homales et aux élections au sein de l’entreprise ? N’élisent-ils pas les parents d’élèves aux conseils d’écoles ? Faut-il rappeler qu’ils bénéficient depuis 1981 du droit d’association ;  que beaucoup d’entre eux sont issus de nos anciennes colonies et qu’ils contribuent au développement économique et à la richesse de notre pays ? On ne peut plus les considérer comme des « travailleurs de passage en France » censés retourner dans leur pays d’origine.
Venus en France dans les années 1960-1970 pour répondre aux besoins de main-d’œuvre, ils y ont construit toute leur vie. Leurs enfants, français et qui ont le droit de vote, ne comprennent pas pourquoi leurs parents sont exclus de ce droit.
Plus que jamais, le droit de vote des résidents étrangers excite toute la droite. Pour s'opposer à cette mesure, avec l'extrême droite, elle se plait à amalgamer de façon éhontée nationalité et religion et à  brandir les dangers du communautarisme.
En brandissant cet argument du communautarisme, elle avoue elle-même qu'elle n'a pas mis en place tout ce qui permettrait de lutter contre le repli sur soi, contre la méfiance à l’égard de son semblable, à savoir la participation à la vie de la collectivité.
Or, l'exercice de la citoyenneté est un facteur essentiel d'intégration et par là même un levier d'émancipation. C'est la garantie à la fois d'une citoyenneté participative, active et d'une construction partagée entre les différents habitants d'un territoire pour vivre ensemble de manière égale et solidaire.
Autre argument de la droite pour s’opposer au droit de vote des étrangers : celui de la naturalisation. En somme, pour voter, les étrangers devraient prendre la nationalité française. D’abord, faut-il rappeler ici que depuis la ratification du traité de Maastricht, les ressortissants de l’Union européenne ont la possibilité de participer aux élections municipales sans condition de durée de résidence ?
Il est contraire au principe d’égalité que tous les étrangers présents sur notre sol n’aient pas les mêmes droits alors même que les élections municipales les concernent tout autant.
Mais, de façon plus générale, en réformant à plusieurs reprises le Code de la nationalité, il est aujourd’hui très long et très difficile d’accéder à la nationalité française tant les conditions administratives ont été  durcies. J’ajouterais que des résidents étrangers n’ont pas forcément envie d’être français. Ils sont certes attachés à leur pays de naissance mais, travaillant dans notre pays, ayant des enfants nés dans notre pays, ils aspirent à avoir les mêmes droits que leurs amis, leurs voisins leurs collègues qui, étrangers mais membres d’un des pays de l’UE, ont le droit de vote sans renoncer à leur nationalité.

Un renforcement de la démocratie

 

Mais surtout, le raisonnement mis en avant par la droite selon lequel la citoyenneté serait indissociable de la nationalité n’est pas fondé dès lors que le traité de Maastricht opère d’ores et déjà une distinction entre nationalité française et citoyenneté européenne. Pour les élections locales, il convient donc de retenir la notion de « citoyenneté de résidence » qui permet à chacune et chacun d’être citoyenne et citoyen là où elle/il vit.
Faut-il rappeler que chaque fois que le droit de vote a été élargi, que ce soit lorsque le droit de vote censitaire a été supprimé, lorsque le droit de vote a été accordé aux femmes, lorsque l’âge pour voter a été abaissé, lorsque a été accordé le droit de vote aux étrangers communautaires, c’est la démocratie qui s’en est trouvée renforcée ?
C’est en tout cas ce que partagent des millions de nos concitoyens et de nombreuses associations et mouvements qui, en la matière, prônent l’égalité des droits.
Terre d’accueil, pays des droits de l’Homme, dont l’histoire reste marquée par la Révolution française à la conception très ouverte de la citoyenneté, la France s’honorerait par conséquent d’inscrire dans sa Constitution que le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales est accordé aux étrangers non ressortissants de l’Union euro­péenne.
Une simple raison justifierait une telle mesure : rendre justice à toutes celles et ceux qui vivent ici, qui travaillent ici, qui ont des enfants nés français, qui paient des impôts, qui ont, à juste titre des devoirs ici, mais à qui on refuse ici, l’accès à des droits fondamentaux dont celui d’être électrice et électeur.  

*Éliane Assassi est responsable du secteur quartiers populaires et libertés du PCF. Elle est sénatrice de Seine-St-Denis.

 

La Revue du Projet, n° 17, Mai 2012
 

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La citoyenneté de résidence, une exigence, Éliane Assassi*

le 16 mai 2012

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