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« Déshonneur national » ou village abritant l'humanité dans le ventre de Paris ?

 

 

À l’exposition Doisneau Paris Les Halles les souvenirs défilent sous nos yeux sous la forme d'une mémoire collective captive de nos regrets et d'un charme révolu. Ces témoignages sont autant d'arguments qui ont tôt fait de nous convaincre de la réponse qu’on serait tenté de se formuler intérieurement, réanimant les contradictions et les tensions du vif débat ayant précédé et suivi la disparition de ce marché à ciel ouvert.   Les matins chantants allaient pourtant cesser leur musique, dans l'année 1972, pour s'installer définitivement dans la froide géométrie de Rungis.   Les clichés de Doisneau ont ce grand mérite de retenir un peu, retenir un temps, le souffle perdu et les secrets des Halles. Les quelque 200 photographies exposées pincent le cœur de visiteurs venus nombreux trouver refuge dans ce Paris gagné par une effervescence que notre présent pourrait jalouser tant elle nous paraît aujourd’hui offerte presque sans retenue « à la rentabilité, la spécialisation, la division du travail, l’efficience » pour reprendre les mots blessés du photographe humaniste.   En lieu et place des appels insistants d’une modernité qui cherche à combler aveuglément un besoin de nouveauté, alors que les Halles ressemblent désormais davantage à une humanité qui noie son abîme en discours publicitaires, slogans suffoquants dont la monotonie use autant notre regard que nos pensées, nous plongeons ici au contraire joyeusement dans un décor fait de plaisirs mêlés qui sont autant de témoignages de dignité.   La disparition des Halles de Paris est saisie dans l'ombre d'une agitation politique où s’affrontent une volonté schématique, « technocrate » ou rigide de répondre à la course brutale à l'« efficacité » et un refus tout aussi décidé, large à l’époque chez les riverains, de quitter des habitudes si douces et si ancrées, en dépit des désagréments dont il ne faut pas non plus taire la réalité.   Mais constatons tout de même grâce à cette riche rétrospective qu’avec le départ des Halles de Paris, si tout n'a pas laissé place à l'ennui, l’émotion s’est en partie « gelée » dans le cœur de Paris.Il n’est ici nullement question d’apprécier le Doisneau prisonnier du « baiser de l’hôtel de ville » : il nous est au contraire offert de côtoyer le formidable portraitiste, le photographe lumineux en prise avec un réel qu'il parviendrait presque à nous rendre familier.   Nicolas Dutent*du 8 février au 28 avril à l’hôtel de ville de Paris   La Revue du Projet, n° 15, mars 2012

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le 08 March 2012

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