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Une radicalité illusoire, Paul Boccara*

L’expression « démondialisation » peut correspondre à une exigence de mesures radicales contre la mondialisation en cours. Cependant, ces mesures devraient concerner plus exactement la construction d’un autre monde de partages

Un thème est devenu à la mode dans une partie des courants de critique de la mondialisation néo-libérale : celui de la démondialisation. En réalité, cela correspond à une confusion entre la mondialisation actuelle et toutes formes de mondialisation éventuelles, comme si on acceptait l’idée que la mondialisation actuelle est la seule possible. Cette idée serait donc partagée entre les partisans de la mondialisation existante et certains de ceux qui se veulent ses adversaires radicaux.Certes, cette expression peut, en fait, correspondre à une exigence de mesures radicales contre la mondialisation en cours. Cependant, ces mesures devraient concerner, à mon avis, plus exactement la construction d’un autre monde. Il s’agirait d’un monde d’émancipation des dominations sociales exacerbées, du plan local au plan mondial, avec l’institution de coopérations très nouvelles à tous les niveaux.

S’émanciper de la mondialisation du capitalisme

Il faut lutter pour s’émanciper de la mondialisation du capitalisme et du libéralisme, des dominations ravageuses des marchés financiers, des entreprises multinationales, de la mise en concurrence des salariés du monde entier, du chômage massif et de la précarité, de l’individualisme, des régressions des valeurs de solidarité, des monopolisations culturelles, des affrontements internationaux et de tous les intégrismes. Cette émancipation doit concerner, certes, les souverainetés nationales, mais profondément démocratisées et pour des coopérations internationalistes entre toutes les nations.

 

Cela suppose de nouvelles constructions sociales du plan national au plan zonal, comme celui de l’Union européenne, interzonal (comme une coopération euro-méditerranéenne) et aussi mondial. Cela concerne l’avancée de nouvelles institutions de maîtrise des marchés mondialisés et même de débuts de dépassement des marchés, avec de nouveaux services publics, de coopération et de partages, de nouveaux pouvoirs politiques du plan local au plan planétaire.C’est le cas avec la montée d’exigences d’interventions et de création monétaire de la Banque centrale européenne pour soutenir les dettes des États européens, contre les spéculations des marchés financiers mais aussi pour alimenter un Fonds européen de développement social et écologique en vue de l’expansion des services publics en coopération, à l’opposé des plans d’austérité. Cette création monétaire en commun peut encore concerner un refinancement des banques pour un crédit favorisant la croissance réelle et l’emploi. On peut viser encore la création monétaire à l’échelle mondiale, avec une refonte démocratique du FMI, et l’institution d’une véritable monnaie commune mondiale, à partir des Droits de tirages spéciaux du FMI, pour s’émanciper de la domination planétaire du dollar et pour refinancer les banques centrales elles- mêmes pour un co-développement de tous les peuples. On peut aussi adopter  une taxation des transactions financières internationales contre la spéculation. Et c’est à l’échelle mondiale qu’on devrait interdire les paradis fiscaux.

Nouvelles règles de protection contre les dumpings sociaux et écologiques

 

Si on doit mettre en cause les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ce ne serait pas pour la suppression de règles mondialisées, mais pour d’autres règles de coopération et de réciprocité, de compensations et de protection légitime, avec par exemple une Organisation mondiale de maîtrise partagée du commerce pour la coopération et le co-développement. Ainsi a progressé l’idée de droits de protection légitime contre les dumpings sociaux et écologiques, contre des exportations de pays abaissant les droits sociaux et les exigences écologiques. Comme entre les pays de l’Union Européenne et les autres pays commerçant avec eux. Sont aussi concernés des avancées d’une démocratisation profonde de l’ONU .

Le défi concernant le climat se situe lui- aussi à l’échelle mondiale. Et il a exigé l’adoption de règles communes, malgré des diversifications, à l’échelle planétaire, comme avec le protocole de Tokyo.

Enfin progressent les besoins de coopération des services publics des différents pays jusqu’à l’institution de biens publics communs de l’humanité, de l’eau à l’alimentation, à la santé et à la culture. Cela concerne des progressions des diverses agences liées à l’ONU.

Un « autre monde » est possible.

 

L’enjeu fondamental de notre époque, pour d’autres constructions contre les dominations et les crises, ne consiste pas dans des replis plus ou moins identitaires. Il concerne, certes, les respects des identités et originalités partout, mais pour des pouvoirs, des moyens et des objectifs convergents et partagés, à l’opposé des affrontements. Il concerne la maîtrise,  depuis chacun et chacune, et par chaque peuple, de leur vie sociale, depuis le plan local jusqu’au plan mondial, avec des coopérations, afin d’avancer vers une nouvelle civilisation de solidarités et de partages de toute l’humanité.

*Paul Boccara est maître de conférences honoraire en Sciences économiques, membre de la commission Économie, finances du PCF.

La Revue du Projet, n° 12, décembre 2011

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Une radicalité illusoire, Paul Boccara*

le 10 décembre 2011

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