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L’unité et le Front de gauche, Patrice Bessac

L’unité est à mes yeux l'une des questions fondamentales des dix ans à venir. Ce qui soutient mes espoirs est de constater que la France est un pays de grande force des idées et des engagements d'alternative au capitalisme. La diversité et la force réelle, populaire, syndicale, sociale, intellectuelle des idées émancipatrices me semblent être bien plus immenses que la représentation que nous en avons.

La question de leur division et de leur représentation politique, au sens large, est ainsi une question déterminante à laquelle le Front de gauche et le Parti communiste français essaient de répondre.

Le problème d'être d'accord sur le nucléaire, sur la croissance ou la décroissance, sur le communisme ou le socialisme, sur le choix de l'internationalisme ou d'une autre mondialisation, toutes ces différences ou ces oppositions binaires sont-elles aussi importantes que le mouvement par lequel des hommes et des femmes s'unissent et construisent ensemble l'espace de l'unité de leur action ?

Au fond, au point actuel du combat, l'unité est-elle une fin ultime ou au contraire la solidarité par laquelle nous entendons forger une action réellement commune ?

Le problème est-il d'exclure, en réduisant nos débats à des oppositions rangées ou au contraire de forger les espaces d'une dialectique populaire ? En d'autres termes, le rôle principal du parti dans le combat de l'unité est-il de chercher à régler les questions qu'ils considèrent fondamentales ou au contraire, et principalement, d'éclairer, de transformer et donc de se transformer lui-même au contact de ce que nous considérons comme marginalités pour nous-mêmes et qui pour d'autres sont au cœur de leurs propres engagements ?

Dans un climat politique et social troublé et divisé, l'unité comme mouvement me semble beaucoup plus intéressante pour l'avenir du mouvement ouvrier et pour l'avenir et le rôle propre du Parti communiste français. Les contingences électorales et programmatiques ne peuvent ni résumer, ni dominer la question de l'unité en tant que mouvement par lequel nous entendons forger par petits et grands pas des communautés de réflexion, d'action et de combat.

Au fond, chacune des oppositions binaires n'est intéressante pour le mouvement et pour notre propre pensée, que dans la mesure où leur exposé et leur débat permettent de forger des espaces politiques plus grands et plus complets. Avoir raison tout seul, c'est avoir raison par l'exclusion non seulement de ce qui est contradictoire mais surtout de la solution à cette contradiction.

Je ne plaide pas pour un angélisme politique bon teint, je plaide pour que chacun des problèmes soit examiné raisonnablement avec à l'esprit le fait que le défi de l'unité – ou encore que le défi que ce que nous croyons juste l'emporte – est bien plus long et complexe que des soubresauts d'impérialisme de forces ou d'individus.

Je plaide pour que le Parti communiste français, pour que la coalition que nous avons créée, le Front de gauche, se comporte comme moyen ouvert au service d'un ensemble plus large dans lequel nous devons viser que des pans entiers du syndicalisme, du peuple, des intellectuels s'intègrent non par négation de tout ou partie de leur propres expériences et points de vues mais comme contributeurs d'un mouvement qu'ils élargissent et transforment, non pas par la négociation de synthèse mais par la qualité de l'espace contradictoire et libre que nous voulons constituer.

Pour agir, nous avons besoin de points de rencontre et de décisions communes. En un mot de politique. Mais pour être unis, nous n'avons pas besoin de partager une totalité de points de vue. Je dirais même le contraire, la recherche d'unité a priori de points de vue est un frein à l'unité elle-même. Décider ce n'est pas décider pour toujours, il y a dans le débat ouvert, sérieux et instruit plus de force que dans l'ignorance des failles d'une réflexion considérée comme achevée.

Des basculements plus larges que ceux que nous pouvons imaginer aujourd'hui peuvent se produire tant il est vrai que les intérêts de masses importantes des forces sociales actuelles sont profondément contradictoires et mises en difficulté par la domination du capital financier. Ainsi se préparer à accueillir et à forger des combats communs avec celles et ceux que nous considérons comme animés de préjugés contradictoires avec notre engagement présent, fait partie du problème à affronter.

 

La Revue du Projet, n° 10, septembre 2011

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L’unité et le Front  de gauche, Patrice Bessac

le 22 septembre 2011

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