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Répondre aux besoins humains en europe, Jacky Hénin*

Réindustrialiser, relocaliser, créer des emplois industriels implique de combattre le cancer financier qui détruit nos entreprises et nos emplois.

L’industrie européenne vit l’échec de la stratégie de Lisbonne. L’Union européenne, à l’exception de quelques niches ou pays, se désindustrialise alors que l’industrie des pays émergents monte d’une manière accélérée en puissance et en gammes. C’est la Chine populaire et non l’Europe qui met en œuvre les objectifs de la Stratégie de Lisbonne.

Les grands groupes industriels ne daignent conserver un outil de production et de recherche en Europe qu’aux termes d’audits financiers très poussés et d’une très forte pression sur les salaires, les conditions de travail et l’emploi. En 1980 sur les pays de la zone Euro, il fallait dans l’industrie 18.500 personnes pour créer une valeur d’un milliard d’euros de richesse. Aujourd’hui, il suffit de 3.900 salariés pour produire ce même milliard d’euros de richesse. Soit un rapport de 1 à 4,74, la productivité apparente du travail industrielle s’est donc accrue deux fois plus vite que le nivaux des salaires et du PIB ! Les salariés n’ont ainsi perçu qu’une infime partie de la richesse produite par ce gigantesque effort de productivité. Par contre, ils ont du assumer une très forte intensification de leur travail et la dégradation de leur protection sociale et contractuelle. L’essentiel de ces gains de productivité ont été gaspillés dans des activités financières et dans des exportations massives de capitaux.

Contrairement aux affirmations du discours politique dominant, jamais le nombre et la qualité des emplois industriels détruits depuis la fin des années 70 n’ont pu être compensés par le développement d’activité de services ou de nouveaux secteurs industriels. Plus un pays est désindustrialisé, plus les inégalités sociales s’accroissent et plus le salaire médian est faible.

 

Un véritable cancer financier

 

Les entreprises industrielles sont rongées par un véritable cancer financier. Elles subissent la loi des prédateurs que sont les différents les fonds financiers, avec en particulier les “Private équity” et leur  “LBO”. La responsabilité des banques et des institutions financières est accablante. Le poids de la finance dans la gestion des entreprises et les choix stratégiques y compris celui de délocaliser, est déterminant.

Réindustrialiser, relocaliser, créer des emplois industriels implique de combattre le cancer financier qui détruit nos entreprises et nos emplois. Ce combat passe par une réquisition publique du crédit au service de l’emploi, de la R&D et de l’activité en Europe. Je pense à la mobilisation des fonds de la BEI (Banque européenne d’Investissement), à la mise en place d'un pôle public des banques et du crédit au niveau national et européen, mais aussi des fonds européens d’aide à la réindustrialisation et aux relocalisations, sur la base de crédits sélectifs et de véritables plans de formation.

 

Appropriation sociale des moyens de production

 

Il faut aussi travailler à une appropriation sociale des savoirs faire et des connaissances qui fasse que cela soit les salariés qui soient propriétaires des savoir faire, des brevets, des copyrights, et non les actionnaires

De nouvelles formes d'appropriations sociales des moyens de production et d’échange sont nécessaires pour donner aux salariés, aux élus et aux citoyens de réels pouvoirs d’interventions sur les gestions. Des nationalisations démocratiques devraient déboucher sur des réorganisations de secteurs industriels stratégiques. Par exemple on pourrait créer un pôle public européen de l’Energie et du traitement des déchets. Nous avons besoin de travailler à des planifications démocratiques au niveau régional, national et européen.

Enfin sur le plan international l’Union européenne se doit d’agir afin remettre en cause les règles de l’OMC pour protéger les salariés, les citoyens et les territoires des dumpings salariaux, sanitaires, sociaux, fiscaux, et environnementaux. Afin de casser l'hégémonie du dollar mortelle pour notre industrie, elle doit soutenir la proposition des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) d’une monnaie commune mondiale

L’industrie est indispensable au développement humain. Sans industrie il n’y aura par exemple ni transition énergétique et ni réponse au vieillissement de la population.

L’industrie est au centre d’un formidable affrontement de classe. Quelles richesses produire ? Pour satisfaire qui et quels besoins ? Produire ce qui demande peu d’investissement et rencontre une forte demande solvable, ou produire et investir pour la réponse aux besoins humains. En clair, l’industrie européenne a-t-elle vocation à enrichir les actionnaires ou à répondre aux besoins de tous.

* Jacky Hénin est député européen communiste.

1) La stratégie de Lisbonne avait l’ambition de « faire de l’Europe l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici 2010, avec une croissance durable assise sur une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et sur une plus grande cohésion sociale »2) Aéronautique, machines outils.3) Essentiellement Allemagne et Tchéquie.4) En euro constant5) leveraged buy-out

 

La Revue du Projet, n° 10, septembre 2011

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Répondre aux besoins humains en europe, Jacky Hénin*

le 22 septembre 2011

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