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La poule, l’œuf, l’Espagne et Le Pen, Patrice Bessac

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Applaudir. Maudire. Encenser. Rejeter. La litanie des amours et des désamours médiatiques et politiques pour les jeunes indignés espagnols est sans fin. Les POUR, les CONTRE, les compatissants, les accusateurs... tout cela manque singulièrement de dialectique.

Car, au fait, que se passe-t-il ? Le classicisme des formes a repris ses droits : la mise en accusation du système économique et politique débouche à la fois sur la contestation la plus progressiste et sur le regain électoral et idéologique des extrêmes droites européennes.

Les hommes rajoutent du malheur à leurs malheurs. À quoi bon juger ? Le problème n’est pas là.

Nous sommes anciens. Donc dévalués. Marine Le Pen est nouvelle, fraîche, elle n’a pas été aux affaires. Et surtout, elle a formulé une cohérence politique implacable. Face aux malheurs du monde, ses réponses sont simples et compréhensibles : bazarder l’euro, virer les immigrés, fermer les frontières, protéger notre industrie.

À cette cohérence, nous n’avons qu’à opposer une complexité pour deux raisons fondamentales.

Première raison de fond, il est impossible de penser la Révolution dans un seul pays... tout serait plus simple, je vous l’accorde, mais c’est faux.Deuxième raison stratégique, le choix de ne pas être des démagogues est le seul choix stratégique possible : faire la jonction entre mouvement politique, mouvement social, mouvement populaire exige d’organiser et de faire progresser une cohérence programmatique. Cette cohérence dans un pays de grande éducation comme la France est nécessairement au prix de la sincérité et du respect. La démagogie serait un deccélérateur d’unité.

Quel rapport avec l’Espagne ? Il s’exprime à mes yeux à la fois une revendication profonde de démocratisation économique et politique et, dans le même temps, la séparation d’avec le champ politique constitué m’apparaît être une maladie du champ politique et non du mouvement lui-même.

Soutenir, aimer, parfois organiser est naturel pour nous mais ce n’est certainement pas notre responsabilité. Notre responsabilité est d’organiser la confrontation dans le mouvement sur les solutions d’avenir. La dévaluation apparente de la politique n’est qu’un effet de son absence de pratique. À cela, des nombreux camarades espagnols, et bien au-delà des communistes, ont commencé à s’attacher : c’est le plus important.

Rapporté à nos affaires et une fois LE candidat désigné, d’autres choses sérieuses commenceront. La première d’entre-elles sera sans doute d’imaginer la campagne présidentielle autrement que dans le cadre d’une campagne présidentielle.

Par exemple avec le « programme partagé »... les mots s’usent et deviennent vite de la langue de bois. Ainsi en est-il de cette expression, « le programme partagé doit devenir un programme réellement partagé par le grand nombre »... La langue de bois banalise cette expression et pourtant l’essentiel est là. Moins de meetings, plus de contacts avec la population... moins de JE et plus de NOUS, moins d’entre-soi et plus d’entre-nous-et-eux...

Je ne méconnais pas les aspects tactiques et les multiples lois de l’élection présidentielle. Cependant, la part de boxe et de combats que requiert nécessairement l’exercice politique ne doit pas tout occuper jusqu’à supprimer l’essentiel. Et l’essentiel est notre mission démocratique, l’ambition principale du Front de gauche : devenir un mouvement puissant dans le peuple.

Comme disent les gens savants en parlant du capitalisme, cela veut dire pour dire changer de paradigme politique, changer la manière de mener campagne, réinventer un militantisme dont l’un des cœurs est le mouvement du grand nombre. Et le faire vraiment.

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La poule, l’œuf, l’Espagne et Le Pen, Patrice Bessac

le 18 June 2011

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